PIECES  DE  THEATRE  POUR  ENFANTS.

 
 

LA MERLETTE, se soulevant de nouveau sur son coude. - Elle est endormie ; je peux réfléchir à mon aise. Je ne m'étais donc pas trompée ; cette enfant volée, dont ils parlaient dans le temps, c'était moi. Je savais bien qu'elle n'était pas ma tante et je sentais que j'avais raison de la détester. Oh ! je ne resterai pas un instant de plus dans celte maison. Non, je n'y resterai pas. Si ce Grand-Gaucher allait revenir !... Mais comment m'en aller ?... Et puis les gendarmes !... la prison !... Oh ! mon Dieu! que faire ?... (Tout en parlant, elle se glisse tout doucement hors du lit). Si je sors, on va mettre la main sur moi. Mais rester ici... mieux vaut encore la prison puisque je l'ai méritée. Cherchons le moyen de m'échapper. — La clef ? — Il n'y faut pas penser. — La fenêtre ? — Elle est clouée. — Non, il faut sortir par la porte. Mais comment ?... Ah ! une idée ! Le signal de Grand-Gaucher. Essayons. Pendant que la Merluche ouvrira la porte, je me glisserai dehors. Il s'agit de trouver trois petits cailloux. (Elle cherche par terre.) En voilà un... et puis un autre... il n'en faut plus qu'un troisième : le voilà. J'ai ce qu'il me faut. Voyons si je réussirai. (Elle lance un caillou contre les vitres). (La Merluche se retourne sur son lit en poussant un gémissement). (La Merlette lance le second caillou).


LA MERLUCHE, se soulevant. - Hein ! J'ai cru entendre du bruit. (La Merlette lance le troisième caillou.)


LA MERLUCHE, grommelant. - C'est cet imbécile de Grand-Gaucher qui aura oublié de me dire quelque chose. (Elle se lève). Brrrr !... Qu'il fait froid. (Elle va ouvrir la porte. Au moment où elle se prépare à sortir, et où la Merlette se tient près de la porte, prête à s'élancer dehors, le père Martin entre avec Simonne).



SCÈNE VI.

LA MERLETTE, LA MERLUCHE, 
LE PÈRE MARTIN, SIMONNE.



LE PÈRE MARTIN. - Grand merci, la vieille !


MERLETTE, se précipitant dans les bras du père Martin. - Ah ! père Martin !


LE PÈRE MARTIN. - J'étais bien sûr que je la retrouverais ici !


LA MERLUCHE, avec colère. - Ah ça ! qui êtes-vous, vous qui vous introduisez ainsi dans ma maison ?


LE PÈRE MARTIN, raillant. - Je me suis introduit parce que vous m'avez ouvert la porte.


LA MERLUCHE. - Je saurai bien vous faire sortir.


LE PÈRE MARTIN, d'un air goguenard. - Il y a là dehors des messieurs qui vous y aideront.


     (La Merluche sort précipitamment et pousse un cri).


LA MERLETTE, jetant un coup d'œil au dehors. Avec effroi. - Les gendarmes !


LE PÈRE MARTIN. - Eh ! oui ; les gendarmes, qui viennent déjà d'arrêter Grand-Gaucher, son complice, comme il sortait d'ici. La vieille ne se doutait de rien ; aussi est-elle tombée à son tour dans leur souricière.


LA MERLETTE. - Les arrêter ! Et pourquoi ?


LE PÈRE MARTIN, la regardant avec intérêt. - Pour avoir volé une petite fille et avoir mis le feu à la maison de ses parents.

 

LA MERLETTE. - Cette petite fille, c'était moi, j'en suis sûre maintenant.


LE PÈRE MARTIN, fait un signe d'affirmation. - Tu ne te trompes pas. J'avais prié monsieur Lery de faire les démarches nécessaires pour retrouver tes parents et il a réussi.


LA MERLETTE. - Ainsi j'ai encore un père et une mère !


LE PÈRE MARTIN. - Oui et ils t'attendent chez moi pour t'emmener.


LA MERLETTE. - M'emmener ! Je vais donc vous quitter, père Martin ?


LE PÈRE MARTIN. - Oh ! que non ! Est-ce que je pourrais maintenant me passer de ma petite Merlette ?


LA MERLETTE, avec joie. - Alors vous viendrez demeurer avec nous ?


LE PÈRE MARIIN. - Certainement.


LA MERLETTE. - Oh ! père Martin, que je suis heureuse ! (Elle se jette dans les bras du père Martin=). Mais, père Martin, qui donc vous a appris que j'étais ici ?


LE PÈRE MARTIN. - Personne. Seulement, quand je ne t'ai pas vue revenir tantôt, je suis allé chez Simonne, qui m'a dit qu'elle t'avait laissée dans le bois. J'y ai couru et, ne t'y trouvant pas, je me suis douté de ce qui était arrivé.


SIMONNE, qui jusque-là s'est tenue au fond du théâtre, s'avançant timidement. - C'est moi qui ai été cause de tout cela et j'en suis bien fâchée.


LE PÈRE MARTIN. - Oui, c'est vrai qu'elle en est bien fâchée. Et la preuve, c'est qu'elle a voulu absolument venir avec moi à ta recherche malgré le froid et la neige.


SIMONNE. - Pardonne-moi, Merlette ; je ne serai plus jamais méchante avec toi. Pardonne-moi.

 

LA MERLETTE, l'embrassant. - De tout mon cœur. Je ne demande pas mieux que d'être ton amie.

 

LE PÈRE MARTTN. - Eh bien ! maintenant que nous n'avons plus rien à faire ici, retournons à la maison.

 

LA MERLETTE, avec crainte. - Mais... la branche cassée !... Les gendarmes !

 

LE PÈRE MARTIN, riant. - Tu n'iras pas encore en prison pour cette fois. Et quant aux gendarmes, puisqu'ils emmènent là Merluche et Grand-Gaucher, ils n'auront pas fait une course inutile !

 

RIDEAU

 

*****

INDICATIONS POUR LA MISE EN SCÈNE

DE LA MERLETTE



ACTE I


     Le théâtre représente l'intérieur de la maison du père Martin. Meubles en bois blanc : chaises, table, ustensiles de ménage. Un fagot dans un coin. Une seule porte.



ACTE II


     Pots à fleurs ça et là, dissimulés, s'il est possible, sous des tapis de mousse et dans lesquels seront fichés des morceaux de bois mort tirés d'un fagot. D'autres morceaux de bois éparpillés par terre. (Les spectateurs devront user d'indulgence et se figurer que cela signifie un bois en hiver). — Deux entrées.



ACTE III


     Le théâtre représente la maison de la Merluche. Intérieur très malpropre. Une table boiteuse, deux chaises, une paillasse par terre près des spectateurs. Une porte et une fenêtre.


Costumes.

LA MERLETTE, 1er acte. — Robe déchiquetée du bas, avec pièces et trous. Vieux chaussons percés. Cheveux en désordre.

 

2e et 3e acte. — Robe de toile foncée, propre. Tablier de cotonnade. Capuchon gris-bleu ou non. Sabots et chaussons de laine dedans.

 

PÈRE MARTIN. — Pantalon et blouse de toile bleue passée et de nuances différentes. Sabots. Chapeau de feutre ou de paille portant le mot cantonnier en lettres noires de 4 centimètres de hauteur, sur une bande de papier doré.

 

LA MERLUCHE. — Robe déguenillée de toutes couleurs. Tablier foncé. Vieux caraco grisâtre. Mouchoir sur la tête. Cheveux gris.

 

SIMONNE. — Costume de paysanne, peu soigné. Cheveux en désordre. Sabots.

 

GRAND-GAUCHER. — Costume d'homme du peuple mal tenu. Blouse malpropre et déchirée. Casquette posée de travers.

 

Accessoires.

Des assiettes avec un morceau de lard, du pain, un bol de lait. Une canne. Un seau. Un paquet ficelé renfermant la robe que doit porter la Merlette à l'acte suivant, deux chemises et des sabots. Un panier avec des provisions. Une bouteille de grès. Deux petits fagots. Une branche cassée. Une bouteille et deux verres. Un flambeau de cuivre ou de fer, avec une chandelle, qu'on peut remplacer par une bougie.




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