PIECES  DE  THEATRE  POUR  ENFANTS.

 
 
LA  MACHINE  À  ROMANS

Scène de clowns par Marcel ABADIE


En cours d'écriture

-o-o-o-

PERSONNAGES
ALBINOS, costume blanc orné d'étoiles d'or, bonnet pointu, visage blanc.
CHOCOLAT, costume d'Auguste, redingote noire, pantalons trop longs, petit chapeau melon, nez rouge, perruque filasse.
LA  FIANCEE  DE  CHOCOLAT, costume excentrique. Bras nus tachetés de points noirs.
AGENTS  DE  POLICE, en nombre facultatif. Ils peuvent être dans la coulisse ou parmi les spectateurs.

DECOR. -- quelconque.

MATERIEL. -- Un appareil à manivelle (grilloir ou moulin à café) enfermé dans une caisse peinte en blanc. La manivelle seule dépasse sur un côté. Une chaise. Une pile de romans
.


 
SCENE  PREMIERE

ALBINOS, puis CHOCOLAT


(Albinos, assis face aux spectateurs, contemple sa machine.)

 
ALBINOS. -- Bravo, petite machine, va ! (Il la caresse.) Grâce à toi, je vais devenir plus riche que l'Aga Khan ! (Il l'embrasse. Entre Chocolat.)

CHOCOLAT. -- Bonjour, Monsieur Albinos.

ALBINOS. -- Bonjour, Monsieur Chocolat.

CHOCOLAT. -- Vous avez là une drôle de machine, Monsieur Albinos !

ALBINOS. -- Ce n'est pas une machine, Monsieur Chocolat, c'est un cerveau.

CHOCOLAT. -- Ah, c'est une cervelle de veau ?

ALBINOS. -- Vous êtes un nignorant, Monsieur Chocolat. Vous n'avez jamais entendu parler du cerveau électronique ?


CHOCOLAT. -- Ah, voilà ! le chameau des Tropiques !

ALBINOS, au public. -- Il est idiot ! Ce n'est pas étonnant : son père lui cassait tous les matins une noix de coco sur la tête !
(Il rit.) (A Chocolat) Monsieur Chocolat, écoutez-moi bien, je vais vous expliquer le fonctionnement de ma machine.


CHOCOLAT, la main en cornet à l'oreille. -- Allô, allô ! J'écoute.

ALBINOS,
debout, l'index levé. -- Vous savez, Monsieur Chocolat, qu'actuellement, grâce à des machines perfectionnées, toutes sortes d'objets sont fabriqués en grande série : par exemple, les autos, les avions...


CHOCOLAT. -- Les saucissons.

ALBINOS. -- Les bas de Lyon.


CHOCOLAT. -- Les jambons.

ALBINOS. -- Les caleçons.


CHOCOLAT. -- Les lampions.

ALBINOS. -- Les pantalons.


     (A ce moment, les pantalons de Chocolat, trop grands, glissent et tombent sur ses pieds. Chocolat apparaît en caleçons rouges. Affolé, il remonte précipitamment son pantalon.)

CHOCOLAT, ému. -- Les cornichons.

ALBINOS. -- Cela suffit, je vois que vous avez parfaitement compris. Eh bien, Monsieur Chocolat, jusqu'à présent, une seule chose échappe à cette production en série : c'est le travail du cerveau. Pour écrire un seul livre, il faut qu'un homme use sa cervelle pendant des mois et des mois. C'est lamentable pour l'humanité... Heureusement, ma machine est venue remédier à cette carence : elle écrit toute seuls n'importe quel livre. (Il montre la pile des ouvrages.) Roman policier, pièce de théâtre, roman feuilleton, livre de chevet contre l'insomnie, et quatera, et quatera...


CHOCOLAT, intéressé. -- Attendez, attendez, il faut que je m'assiette. (Il s'assied en tailleur à côté de la machine.) Et comment ça marche, ce machin atomique ?

ALBINOS. -- Le fonctionnement de mon appareil est des plus simples : vous mettez dans la machine le nom des personnages que vous avez choisis et vous mélangez le tout. Un tour de manivelle, une page sort. Deux tours, deux pages ; trois tours, trois pages...


CHOCOLAT. -- Quatre tours, quatre pages. (Il se lève.) Cinq tours, cinq pages...

ALBINOS. -- Je vois que vous devenez très intelligent, Monsieur Chocolat. Grâce à ma machine, vous pouvez devenir maintenant un célèbre romancier. Vous aurez une auto longue comme ça.
(Albinos écarte les bras et gifle Chocolat.) Un château grand comme ça. (Il lève les bras, Chocolat l'imite.) Un petit chien comme ça. (Il se baisse, Chocolat aussi.) Un ventre gros comme ça. (Geste des bras, même jeu de Chocolat.) Vous serez riche, quoi, riche, très riche !


CHOCOLAT. -- Chiche !

ALBINOS. -- Eh bien, donnez-moi mille francs ! Profitez-en, c'est un prix d'ami.


CHOCOLAT. -- Je vous les donnerai quand je serai riche, Monsieur Albinos.

ALBINOS. -- Ici, Monsieur Chocolat, c'est une maison de confiance. On paie d'avance.


CHOCOLAT. -- C'est que, Monsieur Albinos, ce n'est pas un roman que je voudrais écrire, moi... (Emu.) C'est une lettre.

ALBINOS. -- Alors, Monsieur Chocolat, vous l'aurez pour cinq-cents francs votre lettre. Cinq-cents francs seulement ! D'abord, à qui voulez-vous écrire ?


CHOCOLAT, yeux baissés. -- A ma fiancée.

ALBINOS,
sifflement admiratif. -- Très bien, Monsieur Chocolat, très bien. Et quelle est votre fiancée ?


CHOCOLAT, timide. -- Elle est dompteuse de puces à la baraque d'en face... (Soupirant.) C'est un métier très dangereux.

ALBINOS. -- Oui, surtout pour les spectateurs !... Et comment s'appelle-t-elle, votre dompteuse, Monsieur Chocolat ?


CHOCOLAT, suave. -- Elle s'appelle Azote.

ALBINOS. -- Comment dites-vous ?


CHOCOLAT, criant. -- Je dis : Azote ! A-zo-te !

ALBINOS. -- Quel drôle de nom !


CHOCOLAT, vexé. -- C'est un gaz.

ALBINOS,
se tordant de rire. -- Ah ! vous êtes amoureux d'un gaz ! C'est magnifique !


CHOCOLAT, tapant du pied. -- Qu'il est bête ! On donne bien aux jeunes filles des noms de fleurs : Rose, Marguerite...

ALBINOS,
riant toujours. -- Violette...


CHOCOLAT. -- Muguette.

ALBINOS. -- Hortense.


CHOCOLAT. -- Véronique.

ALBINOS. -- Jacinthe.


CHOCOLAT, sévère. -- Eh bien, Monsieur Albinos, pourquoi ne donnerait-on pas aux jeunes filles des noms de gaz ? C'est léger, un gaz, on ne le voit pas...

ALBINOS. -- Mais parfois, on le sent.


CHOCOLAT, fâché. -- Vos plaisanteries sont idiotes, Monsieur Albinos. Je ne vous dirai plus rien...

     Ils se tournent le dos et s'appuient l'un contre l'autre.
     A ce moment, une voix en coulisse appelle.


VOIX  OFF. -- Monsieur Albinos !

     Albinos sursaute et cesse de soutenir Chocolat qui tombe lourdement sur son séant.

ALBINOS, la main en cornet à l'oreille. -- Qui m'appelle ?


CHOCOLAT, qui se relève en gémissant. -- Je crois que c'est Monsieur Sévère, le régisseur...

ALBINOS. -- Surveillez mon cerveau, Monsieur Chocolat. Je reviens tout de suite.


     Albinos sort de scène


 
SCENE II

CHOCOLAT, il tourne autour de l'appareil, se rapproche, s'éloigne, s'accroupit. -- Oh ! le mignon petit chameau ! Qu'il est beau ! (Il le caresse.) Qu'il est aimable ! (Il l'embrasse.) Il va me faire une jolie petite lettre pour ma fiancée. (Il regarde à droite et à gauche d'un air furtif.) ...D'abord, j'écris son nom sur papier : Mademoiselle Azote. Là. Je glisse le papier dans la machine. Là. Je donne un tour de manivelle. Là. (Une feuille de papier sort de l'appareil. Chocolat tire précipitamment, la plie et la met dans sa poche.) Et j'ai ma lettre ! Merci, petit chameau !

     Il sort en courant.

ALBINOS. --



CHOCOLAT. --

ALBINOS. --



CHOCOLAT. --

ALBINOS. --



CHOCOLAT. --

ALBINOS. --



CHOCOLAT. --

ALBINOS. --



CHOCOLAT. --

ALBINOS. --



CHOCOLAT. --

ALBINOS. --



CHOCOLAT. --

ALBINOS. --



CHOCOLAT. --

ALBINOS. --




 
 

 



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