CHIRURGIE ESTHÉTIQUE
Scène de clowns par Marcel ABADIE
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PERSONNAGES
NÉNUFAR SPAGHETTI
(Nénufar entre à droite, le nez enveloppé de coton et de bandes velpeau. Spaghetti, au milieu de la scène, est en train de balayer).
SPAGHETTI. - Ah ! bonjour, Monsieur Nénufar !... Mais qu'avez-vous fait, Monsieur Nénufar ?... Vous êtes tombé sur le nez ?
NÉNUFAR. - Non, Monsieur Spaghetti. Je suis tombé sur une fleur !
SPAGHETTI. (riant) - Alors, ce devait être une rose !
NÉNUFAR. - Une rose ? Pourquoi une rose ?
SPAGHETTI. - À cause des épines, parbleu !
NÉNUFAR. - Vous n'y êtes pas, Monsieur Spaghetti, il était par terre, le pot de bégonia... Je l'ai ramassé, voilà tout, et je suis parti avec mon pot sous le bras. Je voulais l'offrir à ma fiancée, vous comprenez !
SPAGHETTI. - Et alors, Monsieur Nénufar ?
NÉNUFAR. - Et alors, le marchand m'a rattrapé... il m'a repris le pot il m'a envoyé un grand coup de poing sur le nez !
SPAGHETTI. (riant) - Et c'est pour ça que votre nez est devenu un bégonia !
NÉNUFAR. - Exactement, Monsieur Spaghetti ! (Il soupire). Mais non, voyons ! Qu'est-ce qu'il me fait dire, ce zèbre-là !... Mon nez n'est pas devenu un bégonia... Le bégonia, il est parti avec le marchand ! Et moi, j'ai gardé mon nez !
SPAGHETTI. - Ça se voit, Monsieur Nénufar, ça se voit !... Et qu'allez-vous faire maintenant, Monsieur Nénufar ?
NÉNUFAR. - Eh bien, de ce pas, je vais à la clinique... Il faut qu'on m'arrange le nez tout de suite !... Car je me marie demain ! Et vous comprenez que je ne peux pas aller à mon mariage avec un nez pareil ! (Il se dirige rapidement vers la gauche, mais Spaghetti le rattrape et le tire en arrière).
SPAGHETTI. - Monsieur Nénufar, n'allez pas à cette clinique, je vous en conjure !
NÉNUFAR. (inquiet) - Et pourquoi donc, Monsieur Spaghetti ?
SPAGHETTI. - Si vous saviez ce qui vous y attend !
NÉNUFAR. - Mais je le sais !... Un chirurgien réputé, des infirmières dévouées, un cuisinier gourmand...
SPAGHETTI. (ricanant) - Oh là là ! Un cuisinier, ça brûle ! Une infirmière, ça pique ! Et un chirurgien, ça coupe !... Et si vous vous mettez entre leurs mains, Monsieur Nénufar, je vous plains ! On vous arrachera les dents, pour les empêcher de se gâter, un jour !
NÉNUFAR. (portant les mains à ses joues) - Aïe, aïe, aïe !
SPAGHETTI. - On vous enlèvera les amygdales, pour les empêcher de s'infecter !
NÉNUFAR. (mains à la gorge) Ouille, ouille, ouille !
SPAGHETTI. - On vous extraira l'appendice, pour vous préserver d'une crise !
NÉNUFAR. (mains au ventre) - Oïe, oïe, oïe !
SPAGHETTI. - On vous extraira la vésicule, pour éviter les calculs !
NÉNUFAR. (mains au côté droit) -- Ul, ul, ul !
SPAGHETTI. (index menaçant) - On vous ôtera la rate pour l'empêcher de se dilater.
NÉNUFAR. (mains sur la tête) - Et qu'est-ce qu'il me restera, alors ?
SPAGHETTI. (sombre) - Le nez, Monsieur Nénufar. On vous laissera le nez ! Pour vous moucher ! Voilà tout !
NÉNUFAR. (pleurnichant et se mouchant) - Mais où voulez-vous que j'aille, alors ? Je ne peux pas me marier avec un nez comme ça ! (Il se tamponne les yeux et presse un mouchoir qui ruisselle). Ah, j'y suis ! Je vais aller à l'Institut de Beauté. (Il sort à droite, mais Spaghetti le rattrape et le ramène).
SPAGHETTI. - Malheureux, malheureux ! N'allez pas là-bas ! On va vous ruiner ! S'ils vous tiennent, ils voudront vous arranger tout ce qui ne va pas ! Votre nez est trop long ? On vous le raccourcira ! Vos oreilles sont en contrevent ? On les recollera ! Votre bouche est tordue ? On la redressera ! Vous avez une bosse ? On la rabotera !... Vos pieds sont trop longs ? On les rapetissera !
NÉNUFAR. (extasié) - Je vais être beau comme Apollon !
SPAGHETTI. (ricanant) - Eh oui, Monsieur Nénufar !... Mais ça va vous coûter si cher que vous ne pourrez jamais le payer et qu'on vous mettra en prison !
NÉNUFAR. (désespéré) - Mais alors, que faut-il que je fasse ? (Il pleure).
SPAGHETTI. (lui tapant sur l'épaule) - Ne pleurez pas, Monsieur Nénufar ! J'ai une idée. Je vais vous l'arranger, moi, votre nez !
NÉNUFAR. (inquiet) - Vous ?
SPAGHETTI. - Oui, Môssieu, moi !... Vous ne savez pas que j'ai travaillé pendant deux ans dans un Institut de Beauté ?
NÉNUFAR. (s'esclaffant) - On ne le dirait pas !
SPAGHETTI. (vexé) - C'était un Institut de Beauté pour chiens... Et si vous lez aviez vus, ces toutous, quand on les avait bien peignés, bien frisés, bien parfumés, vous les auriez croqués !
NÉNUFAR. (grimaçant) - Non, non, je préfère les chats !
SPAGHETTI. - Vous n'y connaissez rien ! Un caniche à l'eau de Cologne ! C'est exquis !
NÉNUFAR. - Oui, mais ça n'a pas de rapport avec mon nez... Qu'est-ce que vous y feriez, à mon nez ?
SPAGHETTI. - Je n'en sais rien, mais je suis sûr que je l'arrangerai ! Faites-moi confiance ! (Il fait asseoir Nénufar sur une chaise face au public, sort et revient avec un matériel varié : seau plein d'eau, éponge, serviette, savon, coton, mercurochrome, bandes à pansements, etc. Il déroule la bande qui entoure le faux nez de Nénufar et l'on voit apparaître un appendice énorme et écarlate).
SPAGHETTI. - D'abord, il faut nettoyer ça ! (Il trempe l'éponge dans le seau et lave le nez malade).
NÉNUFAR. (se trémoussant) - Hi, hi, hi ! Vous me faites couler de l'eau dans le cou ! Faites donc attention !
SPAGHETTI. (lui appliquant l'éponge sur la bouche) - Ne bougez donc pas comme ça ! On ne peut pas travailler !
NÉNUFAR. (soufflant et criant) - Au secours ! Il me noie ! Je m'étouffe !
SPAGHETTI. (lui mettant l'éponge sur la tête) - Ne vous énervez pas ! Laissez-moi faire ! Maintenant, il faut désinfecter la plaie ! (Il prend un coton, l'imbibe de mercurochrome et badigeonne généreusement le nez de Nénufar).
NÉNUFAR. (épouvanté) - Mais vous êtes fou ! Je vais faire arrêter les autos ! On va me prendre pour un feu rouge !
SPAGHETTI. (contemplant son oeuvre) - On ne peut pas dire, mais c'est bien désinfecté ! Maintenant, je vais le dissimuler un peu... Une petite couche de poudre blanche et ça n'y paraîtra plus. (Il saupoudre le nez de plâtre et se recule pour juger de l'effet produit). Il en manque un peu. (Il verse rapidement du plâtre dans un peu d'eau et prépare une bouillie assez épaise avec laquelle il allonge démesurément le nez de Nénufar).
NÉNUFAR. (louchant en se trémoussant) - À l'assassin ! Il me transforme en éléphant !
SPAGHETTI. - Vous n'y entendez rien ! Je voulais faire de vous un Cyrano !... Mais puisque vous le trouvez trop long, ce nez, c'est facile, je vais le raccourcir ! (Il sort et revient avec une grande hache). Vous allez poser votre nez sur la table et clac ! Un seul coup suffira !
NÉNUFAR. (criant comme un goret) - Remportez cette hache ! Remportez cette hache ! Je préfère garder mon nez !
SPAGHETTI. - Comme vous voudrez. (Il emporte la hache et revient avec une énorme scie). Avec ça, ce sera un peu plus long, mais le travail sera soigné, je vous le garantis !
NÉNUFAR. (hurlant de plus belle) - Flanquez-moi cette scie au diable ! Au fou ! Au fou !
SPAGHETTI. (Il emporte la scie et revient avec un énorme maillet et un grand ciseau). - Avec ceci, nous allons faire un travail de précision. Je vous le garantis. Et puis, vous n'avez pas le choix. Il n'y a pas d'autre solution ! Posez votre nez sur le bord de la table. (Nénufar obéit en gémissant). Et ne bougez pas, vous me feriez tromper ! (Spaghetti place son ciseau verticalement sur le nez de Nénufar et lève très haut son maillet). Fermez les yeux ! Je compte jusqu'à trois ! Une... Deux... Et trois ! (L'extrémité du nez sectionnée tombe à terre. Nénufar se relève et se précipite vers un miroir).
NÉNUFAR. (gémissant) - Et maintenant, j'ai le nez carré ! Un carré blanc !
SPAGHETTI. (fâché) - Vous n'êtes jamais content, Monsieur Nénufar ! Mais comme j'ai bon caractère, je vais vous arranger ça ! (Il va chercher une énorme râpe à bois).
NÉNUFAR. (en colère) - Non et non ! J'en ai assez de votre menuiserie ! Mon nez n'est pas un barreau de chaise ! Je m'en vais ! (Il se dirige dignement vers la gauche).
SPAGHETTI. - Mais dites donc, Monsieur Nénufar, vous n'allez pas partir sans payer ! (Il se précipite à gauche pour barrer la sortie. Nénufar fair demi-tour et se dirige vers la droite. Spaghetti court à droite. Ce petit jeu peut se répéter plusieurs fois).
NÉNUFAR. (gesticulant) - Vous êtes un sabotier, Monsieur Spaghetti ! Un boucher ! Un tripier ! Un fabriquant de saucisse ! Vous m'avez abîmé le portrait ! Vous n'aurez pas un sou ! Filou !
SPAGHETTI. (en colère) - Ah ! C'est comme ça ! Eh bien, je vais vous l'abîmer pour de bon, votre portrait !
(Il le poursuit et après une course échevelée, il le rattrape. Une lutte s'engage. Les deux clowns roulent à terre. Le faux nez de Nénufar reste dans la main de Spagheti. Nénufar crie, se relève et se précipite vers un miroir).
NÉNUFAR. (sautant de joie) - Je suis guéri ! J'ai le nez de Cléopâtre ! Je vais pouvoir me marier !... Vous êtes un artiste, Monsieur Spaghetti ! (Il l'embrasse fougueusement).
SPAGHETTI. (souriant) - Je vous l'avais bien dit, Monsieur Nénufar, que je vous arrangerai le nez !... J'espère que maintenant vous allez me payer !...
NÉNUFAR. - Oh oui, Monsieur Spaghetti ! Je vais partir en Italie en voyage de noce !... Je vous enverrai des cartes postales ! (Il se sauve à droite en lui envoyant des baisers).
RIDEAU
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