PIECES  DE  THEATRE  POUR  ENFANTS.

 
 
POUCET. - Maintenant vous savez, monsieur l'ogre, si vous voulez vos bottes et votre clef, il faut me donner deux sacs d'or.

L'OGRE. - Deux sacs d'or ! tu veux donc me réduire à la mendicité, scélérat ? Est-ce que je les ai seulement !

L'OGRESSE, derrière le théâtre. - Eh ! oui, tu les as ! et des centaines d'autres avec. Tu sais bien que, lorsque tu auras donné ce qu'on te demande, tu n'en seras pas plus pauvre !

L'OGRE. - Ah ça ! te tairas-tu, imbécile ! Tu as bien besoin de parler ainsi ! Quand je dis que les femmes n'entendent rien aux affaires ! — Enfin va les chercher ces deux sacs, puisqu'on ne peut pas faire autrement. (À part). C'est égal ! c'est dur de donner tant d'argent pour ce qui vous appartient. (Il prend les deux sacs que lui apporte l'ogresse. À Poucet, en les lui montrant). Ainsi tu vas me rendre à l'instant ma clef et mes bottes.

POUCET. - Votre clef, monsieur l'ogre, tout de suite ; mais vos bottes, quand je m'en serai servi.

L'OGRE. - C'est-à-dire que tu les emporteras et que je ne les verrai plus.

POUCET. - Mais non ; soyez tranquille ; je vous les renverrai ; je vous le jure de nouveau, foi de Petit-Poucet !

L'OGRE. - Allons ! il faut encore en passer par là ! À moins de rester enfermé ici !
     (Il va pour jeter les bourses et il hésite encore).

L'OGRESSE, derrière. - Et d'y mourir de faim !

L'OGRE. - C'est vrai ! (Il jette les bourses). Tiens ! C'est ce qui peut s'appeler jeter l'argent par la fenêtre.

POUCET. - Merci bien, monsieur l'ogre; voilà votre clef. (Il lance la clef). Adieu, monsieur l'ogre. Au plaisir de ne plus vous revoir ! Remerciez bien madame l'ogresse de ses bontés pour nous. Dans un instant, vous aurez vos bottes.

L'OGRE. - Pourvu qu'il dise vrai ! Car il a beau m'avoir donné sa parole, je ne me fie pas autrement à lui. (Il quitte la lucarne. Les bottes reviennent à la porte -les grandes).

L'OGRESSE, ouvrant la porte. - Voilà les bottes !

L'OGRE, derrière le théâtre. - Ah ! il a tenu parole.

L'OGRESSE, à part. - Dieu soit loué ! Les pauvres enfants sont hors des griffes de mon mari.

ACTE V.


     Le théâtre représente la cabane du bûcheron. Le mari et la femme sont assis au coin de la cheminée, dans la même attitude qu'au premier acte.



SCÈNE I.

 

LA BÛCHERONNE, LE BÛCHERON.



LA BÛCHERONNE. - Je n'ai pas fermé l'œil de la nuit. Quand je pense que mes pauvres enfants l'ont passée tout entière au fond du bois. Chaque fois que le vent soufflait dans les arbres, cela me faisait penser aux hurlements des loups. Qu'ils ont dû avoir peur ! Ce pauvre Jeannot surtout, qui est si poltron !... Les chéris !... Et la pluie qui n'a pas cessé de tomber, ils auront été trempés jusqu'aux os.


LE BÛCHERON. - Oui ; que sont-ils devenus, nos pauvres enfants ?

LA BÛCHERONNE. - Ils étaient si gentils tous ! Le matin, pas plus tôt éveillés, ils accouraient nous embrasser et nous faire mille caresses.

LE BÛCHERON. - Et dire que nous ne les reverrons plus !

LA BÛCHERONNE. - Plus jamais ! C'est toi qui l'as voulu ; et maintenant tu en es bien fâché !

LE BÛCHERON. - Hélas, oui ! Si je possédais quelque chose, je le donnerais de bien bon cœur pour les voir revenir.

LA BÛCHERONNE. - Je le savais bien que tu t'en repentirais ! Que font-ils à cette heure dans le bois ? Ils pleurent, ils se lamentent. Hélas ! y sont-ils encore dans le bois seulement ? Les loups ne les ont-ils pas déjà mangés ? Tu es bien inhumain d'avoir ainsi perdu tes propres enfants !

LE BÛCHERON. - Quand tu me feras sans cesse des reproches ! Ai-je pu faire autrement ? Tu le sais aussi bien que moi. Mais je n'ai pas le temps de rester ici à gémir. Il faut que j'aille travailler pour gagner notre pain à tous deux. (Il va prendre sa cognée et se dispose à partir).

LA BÛCHERONNE. - Du pain ! Mes pauvres enfants n'en ont pas, eux ! Où sont-ils ? Où sont-ils ?

DES VOIX AU DEHORS. - Nous voici ! nous voici !

LA BÛCHERONNE. - Ah ! mon Dieu ! N'est-ce pas eux que j'entends ? (Elle court ouvrir la porte).


SCÈNE II.

LE BÛCHERON, LA BÛCHERONNE, LES ENFANTS
se précipitant dans les bras de la BÛCHERONNE.



LES ENFANTS, tous à la fois. - Oui, c'est nous ! oui, c'est nous !

POUCET. - Ne pleurez plus, vos petits enfants sont de retour.


LA BÛCHERONNE. - Oh ! mes chers aimés ! que je suis contente de vous revoir ! (Elle les embrasse l'un après l'autre).

LE BÛCHERON. - Eh bien ! est-ce qu'on ne m'embrasse pas aussi moi ? (Les enfants se pressent autour de lui, il les embrasse). Vous voilà donc ! J'en suis bien content. Ainsi, cette fois encore, vous avez retrouvé le chemin de la maison ?

PIERROT. - Oui, grâce à Poucet.

LA BÛCHERONNE. - Et les loups ne vous ont pas fait de mal ?


LAMBINET. - Non, mais nous avons eu bien peur, par exemple ! il faisait si noir !

LA BÛCHERONNE. - . Et vous revenez tous bien portants ?

POUCET. - Oui, et aujourd'hui c'est pour tout à fait. Vous ne serez plus jamais obligés de nous perdre : nous sommes riches pour toute notre vie.

LE BÛCHERON. - Riches !

POUCET, donnant les sacs d'or au bûcheron et à la bûcheronne. - Voici un sac d'or pour le père et un autre pour la mère.

LA BÛCHERONNE, prenant quelques pièces d'or dans le sac. - De l'or ! Dis donc, notre homme, c'est de l'or, ces jaunets-là ! Je n'en ai jamais vu.

LE BÛCHERON. - Oui, oui ; c'est bien de l'or. En voilà-t-il ! en voilà-t-il ! Ainsi tout cela est pour nous ?

POUCET. - Et ce n'est pas tout ! Il y a encore une bourse d'argent pour chacun de mes frères et une pour moi.

TOUS. - Vraiment ! vraiment !

POUCET, distribuant les bourses. - Tiens ! Pierrot, voici la tienne ; Chariot, Simplice, Jeannot, Jacquot, et toi, Lambinet, voici les vôtres.

CHARLOT. - Ainsi tout l'argent qui est dans cette bourse est pour moi !

POUCET. - Oui.

LAMBINET. - Et à moi celui-là ?

POUCET. - Oui, oui.

TOUS. - Quel bonheur !

CHARLOT. - Nous pourrons donc manger tous les jours ?

PIERROT. - Et nous n'aurons plus jamais ni froid ni faim ?

LE BÛCHERON. - Et je vais pouvoir bâtir une maison dans laquelle il ne pleuvra pas ?

LA BÛCHERONNE. - Et j'aurai le moyen de vous acheter des vêtements bien chauds pour l'hiver ?

POUCET. - Oui ; et le père n'aura plus besoin d'aller faire des fagots dans la forêt ; ni vous, mère, non plus. Vous vous reposerez tous deux tant qu'il vous plaira. (À ses frères). Et nous autres nous pourrons aller à l'école.

LE BÛCHERON. - Mais comment avez-vous fait, mes enfants, pour vous procurer tant d'argent ?

PIERROT. - Ce n'est pas nous ; c'est Poucet.

LA BÛCHERONNE. - Comment t'y es-tu pris, Poucet ?

POUCET. - Je vous conterai cela tout à l'heure.

LA BÛCHERONNE. - Il a raison !.. Le plus pressé maintenant, c'est de vous reposer. Vous devez être bien las !

PIERROT. - Oh ! nous avons voyagé d'une manière bien commode et pas fatigante. Toujours grâce à Poucet.

POUCET, chantant. -
AIR : Du roi d'Yvetot.

Oui, je suis ce petit Poucet,
Si connu dans l'histoire,
Qui, de sept frères le cadet,
Sut se couvrir de gloire !
Et quoique doux comme un mouton
À l'ogre fit baisser le ton,
Dit-on.
Oh ! oh ! oh ! oh ! Ah ! ah ! ah ! ah !
Quels excellents tours il lui joua
La ! la !
 

RIDEAU


INDICATIONS POUR LA MISE EN SCÈNE DU PETIT POUCET.


ACTE I.
     Le théâtre représente la cabane du bûcheron. Une paillasse. Une table sur laquelle est un pot avec de la farine. Ustensiles de ménage. Deux chaises ou deux escabelles.


ACTE II.
    Le théâtre représente d'un côté la campagne. De l'autre l'intérieur de la maison de l'ogre. Sur un des côtés du théâtre, une porte. À côté, et en pan coupé, une lucarne. On figurera cette lucarne à l'aide d'une grosse toile bien tendue du haut en bas de la pièce par deux clous et au milieu de laquelle on pratiquera une ouverture de 40 centimètres. Cette toile formera ainsi par derrière une sorte de niche. C'est dans cette niche que l'ogre jouera tout le quatrième acte. Derrière la lucarne, une lumière se voyant du dehors.


ACTE III.
     L'intérieur de !a maison de l'ogre. La table doit être assez grande pour que tous les enfants puissent s'y cacher. La lucarne, vue de l'autre côté. La table est placée devant. Une lumière sur la table.


ACTE IV.
     Même décor qu'au deuxième acte. (L'ogre a soin de se tenir caché jusqu'à ce que la scène commence).


ACTE V.
     Même décor qu'au premier acte.



N. B. — Si l'on est à court d'acteurs, les deux rôles du bûcheron et de l'ogre pourront être tenus par la même personne. Il en est de même pour ceux de la bûcheronne et de l'ogresse. Autant que possible il faudrait qu'ils fussent remplis par des frères ou sœurs aînés, papas ou mamans de bonne volonté. (Cette observation est surtout nécessaire pour le rôle de l'ogre).


Costumes.

LE BÛCHERON. — Costume de paysan pauvre. Pantalon rapiécé en plusieurs endroits avec des morceaux de couleurs différentes. Gilet foncé avec des manches et un dos dépareillés. Chemise bise. Bonnet de coton bleu. Sabots. Cheveux gris.


LA BÛCHERONNE. — Robe de lainage foncé, raccommodée, de même que les habits de l'homme, avec des pièces de toutes couleurs. Tablier bleu ; bonnet de paysanne, fichu foncé. Sabots.


L'OGRE. — Costume dans le même genre que celui du roi dans le Chat botté, en velours de coton noir à crevés rouges en satinette. Bas rouge. Grande fraise. Poignard à la ceinture. Toque de velours noir à bords relevés et à dents carrées formant créneaux. Bottes très hautes.


L'OGRESSE. — Costume de riche paysanne. Jupon de soie ou de perse à grands ramages, un peu court. Tablier de mousseline blanche, garni de dentelle. Haut bonnet de Cauchoise doublé d'or (feuille de papier doré collé sur du carton et recouvert de tarlatanne), barbes de dentelle. Collier d'or. Souliers garnis de grands nœuds assortis à la robe.


LE PETIT POUCET ET SES FRÈRES. — Pantalon de toile avec pièces. Chemises bises. Bretelles en croix. Souliers non cirés.


Accessoires.

Deux paires de bottes ; une à la taille de l'Ogre, l'autre à celle des enfants. Un peu larges néanmoins, afin qu'ils puissent les mettre et les ôter facilement. (Voir les bottes du Chat botté). Les petites bottes seront placées d'avance sous la table, à côté de l'endroit où l'Ogre doit mettre les siennes, de façon à ce qu'on puisse croire que ce sont les mêmes. Pour le quatrième acte, on ajustera les grandes bottes sur des patins à roulettes et on les lancera adroitement de la coulisse sur la scène, afin qu'elles viennent se placer à la porte de l'ogre lorsque le Petit Poucet est censé les lui renvoyer. Une paire de pantoufles. Deux matelas et deux couvertures. Sept mannequins représentant les sept petites filles. (Des têtes de modistes ou simplement des masques assujettis sur des rouleaux d'étoffes enveloppés de chemises de nuit). Sept couronnes en carton recouvertes de papier doré. (Avoir soin de les garnir d'un fil de fer à l'intérieur, pour qu'elles ne se déforment pas trop). Sept bonnets de coton. Un grand sabre en carton recouvert de papier imitant l'acier. Une grosse clef. Des assiettes, des verres, des bouteilles, des serviettes, pour le souper des enfants. Neuf sacs de grosse toile, remplis de sciure de bois pour figurer les bourses d'or et d'argent.




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