PIECES  DE  THEATRE  POUR  ENFANTS.

 
 
ALAIN, très simplement. - Damoiselle, vous avez libéré mon père et je vous apporte le bouquet que je vous avais promis.

YOLANDE. - Eh ! quoi ? Tu n'es donc pas une ombre ?

ALAIN, riant. - Mais non, je suis bien vivant ! Touchez ma main.

YOLANDE. - Pourtant, je t'ai vu rouler dans l’abîme.

ALAIN. - J'y ai roulé en effet, mais tout au fond, un buisson touffu a amorti ma chute. J'ai perdu connaissance et quand je me suis réveillé, un vieillard à l'air très doux était penché sur moi.

YOLANDE. - Le Génie de la Montagne !

ALAIN. - Il a pansé mes blessures puis a voulu savoir pourquoi j'avais tenté de voler ses fleurs.

YOLANDE, - Tu le lui as avoué ?

ALAIN. - Je ne pouvais mentir. Alors il m'a dit : "tu vas rester pendant un an avec moi. Tu vas me servir docilement. Tu m'aideras à semer les fleurs, à filtrer l'eau des sources, à jeter au vent les flocons de neige. Si au bout d'une année tu m'as bien servi, si tu n'as pas cherché à t'enfuir, je te laisserai cueillir un bouquet de lys rouges pour ta châtelaine". Et ton père sera libre.

YOLANDE. - Il l'est déjà.

ALAIN. - On me l'a dit et je viens vous payer ma dette.

YOLANDE, tristement. - Oh ! Alain, comme tu dois me haïr ! 

ALAIN, vivement. - N'en croyez rien, Damoiselle. Pendant une année j'ai connu les secrets des sources et des fleurs. J'ai vu naître les bêtes et les plantes des montagnes. J'ai découvert des richesses insoupçonnées dans le fond des grottes profondes. Ah ! Damoiselle, elles sont remplies de pierres précieuses plus belles que celles qui brillent sur la couronne des rois. Le Génie de la Montagne m'a montré d'innombrables merveilles. Celui qui s'est penché sur les secrets de la Vie est forcé d'avoir le cœur pur.

YOLANDE, timidement. - Alors, tu m'as pardonnée ?

ALAIN. - J'ai toujours eu pour vous une grande amitié.

YOLANDE, dans une subite explosion de joie. - Oh ! Alain, comme je suis heureuse ! Donne ces fleurs. (Elle prend le bouquet). Qu'elles sont belles ! Comme je suis contente ! Tiens, j'ai envie de t'embrasser ! Elle lui saute au cou et l'embrasse sur les deux joues.


 
SCÈNE VIII.

Les MÊMES, GILLES DES TOURETTES, puis ISABELLE et RAIMON.

GILLES, entrant. - Eh ! bien, voilà un jouvenceau qui a l'air de plaire à ma fille ! Que lui avez-vous donc apporté jeune homme pour qu'un sourire éclaire enfin son visage si longtemps soucieux ?

ALAIN. - Messire, je lui ai apporté un bouquet de lys.

YOLANDE. - Mon père, il m'a rapporté ma joie que j'avais laissée choir au fond d'un précipice. Oh ! si vous saviez comme je suis heureuse ! Elle embrasse son père en riant.

GILLES. - Eh ! bien, beau damoiseau, puisque j'ai promis ma fille à qui la ferait sourire, il est clair que vous avez conquis sa main. Quel est donc votre nom ? Et quel château habitez-vous ?

ALAIN. - Je m'appelle Alain et je n'ai pas de château car je suis le fils de Jacquou le bûcheron.

GILLES. - Eh ! quoi ? ne seriez-vous point noble ?

ALAIN. - Non Messire. Je suis vilain et fils de vilain.

GILLES, catégorique. - Alors, tu n'auras point ma fille.

YOLANDE. - Mais, père, vous aviez promis.

GILLES, à Alain. - Écoute, Alain : ma fille a souri, c'est vrai. Ton présent a paru lui plaire. (Il lui tend une bourse). Voici donc une bourse pleine d'or. Je crois que c'est bien payer un méchant bouquet de fleurs.

YOLANDE. - Ce bouquet-là, tout l'or du monde ne pourra jamais le payer !

GILLES. - Allons, prends cette bourse et laisse-nous.

ALAIN, repoussant la bourse. - Non, Messire, gardez-la. Je n'étais pas venu conquérir la main de votre fille. Mais puisque vous l'avez promise à qui la ferait sourire, c'est Damoiselle Yolande que je veux.

YOLANDE. - Et moi, je désire Alain pour époux.

GILLES. - Je ne puis donner ma fille au fils d'un bûcheron.

YOLANDE. - Vous m''aviez menacée de me marier au dernier de vos serfs.

ALAIN. - Le Sire des Tourettes est un chevalier. Je sais qu'il tiendra sa promesse.

YOLANDE, - J'en suis sûre aussi.

GILLES, dans un brusque accès de colère. - Eh ! bien, partez donc, fille dénaturée ! Vous habiterez une chaumière et vous filerez la laine en gardant les moutons.

YOLANDE. - Je la filerai en chantant ce qui vaudra bien mieux que de pleurer derrière ces murailles.

ALAIN. - Vous n'habiterez pas une chaumière car je suis assez riche pour faire bâtir un château aux tours trois fois plus hautes que les vôtres.

GILLES, incrédule. - Toi ?

ALAIN. - Puisque vous me donnez votre fille, permettez-moi de lui offrir mon présent de noces. Il tire de sa poche un long collier où sont enfilées des pierres transparentes de diverses couleurs et l'attache au cou de Yolande.

GILLES, examinant le collier avec stupéfaction. - Eh ! quoi ? Ce sont des pierres précieuses ? Des améthystes ! des grenats de la plus belle eau !

ALAIN. - Je suis en mesure d'offrir tous les matins un collier aussi beau à celle qui sera mon épouse.

GILLES. - De quel pays viens-tu donc pour en avoir rapporté de telles richesses ?

ALAIN. - Ah ! Messire ! Il y a dans le monde bien des richesses cachées. Et ceux qui les connaissent sont plus puissants que les plus grands seigneurs. Je connais aussi les secrets des plantes et des fleurs. Je sais m'en servir pour guérir maintes maladies.

GILLES, reculant. - Serais-tu donc sorcier ?

ALAIN, riant. - Non, Messire. Ne craignez rien. Mes richesses et mes connaissances ne serviront jamais qu'à faire le bien.

GILLES. - Alors tu as l'âme d'un chevalier et ma fille sera heureuse avec toi. (Il prend la main de Yolande et la met dans celle d'Alain). Messire des Lys Rouges, gardez donc sa main !

     (Entre Isabelle, donnant la main à Raimon qui tient sa viole dont les cordes ont été réparées).

ISABELLE, reculant à la vue d'Alain. - Oh ! Alain !

YOLANDE, à Isabelle, un doigt sur les lèvres, à part. - Chut ! (Haut). Isabelle, voici l'époux que j'ai choisi. (À Raimon). Messire Raimon, si je n'ai pas tué tous les oiseaux de votre viole, voulez-vous accompagner notre chanson ?

      (Ils se placent de la manière suivante : Au centre Gilles ayant à sa droite Yolande et Alain et à sa gauche Isabelle et Raimon. Yolande tient dans ses bras le bouquet de lys).

TOUS, chantant. - Raimon accompagne avec sa viole. Air : Se Canto.
Dessus la montagne
L'est un vieux château.
Du fond des campagnes
On voit ses créneaux.


Brillent les grands lys
Là-haut sur les cimes

Au flanc des abîmes
Je les ai cueillis.

Tout le long des jours,
Je chante, je chante
Mes hautes montagnes
Mes belles amours.

Je chante, je chante
Tout le long des jours
Mes hautes montagnes,
Mes belles amours.

 
RIDEAU.
 
LES COSTUMES

YOLANDE. - Longue et large robe en forme tunique très bouffante sur la ceinture. Manches très évasées. Un galon brodé orne le devant et le bas de la tunique et le bord des manches, et forme également une sorte d'empiècement rond autour des épaules. Longs cheveux noirs bouclés ornés d'un petit diadème. La robe sera de couleur vive et de galon de teinte opposée (jaune et rouge, rose et vert, rouge et bleu).

ISABELLE. - Tunique blanche à manches bouffantes resserrées aux poignets. Large galon sur le devant. Ceinture. Jupon froncé dépassant la tunique de quelques centimètres. Longues nattes blondes. Petit ruban blanc serré autour du front. Au deuxième acte, Yolande et Isabelles sont coiffées de légers voiles blancs drapés en forme de coiffes dont les plis retombent gracieusement sur le front et sur les épaules.

ALAIN. - Pourpoint collant à la taille, s'évasant dans le bas, échancré des deux côtés et lacé sur le devant. Par dessus sorte de collerette à capuchon rabattu dans le dos. Chausses collantes. Chaussures très souples à revers enroulés. Cheveux courts « à la Jeanne d'Arc » (ensemble gris et bleu roi).

RAIMON. - Pourpoint à manches « à gigot » découpé dans le bas en forme de grecque. Ceinture de cuir ouvragé. Chausses collantes. Chaussures « à la populaire » à long bout pointu. Petite et courte cape rejetée dans le dos. Toque ornée d'une plume (ensemble rouge et bleu pâle). Cheveux longs et bouclés.

GILLES. - Large tunique échancrée sur les côtés descendant jusqu'au dessus du genou et serrée à la taille par une ceinture de cuir ouvragé ! Chausses collantes. Chaussures « à la poulaine ». Cheveux noirs. Moustache et courte barbe noire (ensemble jaune et noir).

LE SÉNÉCHAL. - Ample robe marron à larges plis tombant jusqu'aux pieds et blousant sur une ceinture. Chaperon sur la tête. Le Sénéchal est de forte corpulence (rembourrer à l'aide de coussins ou de plusieurs épaisseurs de vêtements).

ENGUERRAND DE FIERABRAS. - Costume inspiré de celui de Gilles mais ridiculement surchargé d'armes (épée. À la ceinture, plusieurs poignards de formes diverses). Casque en acier surmonté d'un énorme panache. Si on possède quelques pièces d'armure, on peut l'en revêtir.

HUGUES DE BEAUZATOUR. - Pourpoint collant et chausses mais exagérément surchargés de broderies d'or et d'argent, perles, paillettes, etc. Colliers et bracelets d'or. Ruban doré dans les cheveux. Chaussures à la poulaine à bout très long et recourbé. Cheveux bouclés. La robe qu'il offre à Yolande est en velours ou en satin.

LE PAGE. - Costume classique de page. Pourpoint bleu vif, chausses rouges.

La viole sera découpée dans deux épaisseurs de carton ou de contre-plaqué la partie du dessus étant ensuite ajourée. Le fond et le dessus seront réunis par une bande de carton d'une dizaine de centimètres que l'on collera tout autour. Les cordes sont des fils de cuivre. L'archet est également en contre-plaqué avec des fils de cuivre. Le son de la viole sera imité par un violon jouant dans la coulisse (ou à défaut par une mandoline où une guitare).

 
la légende des lys rouges, pièce de théâtre pour enfants, Marthe Bianchini
 
Les lys rouges sont en papier crépon d'un beau rouge vermillon, six pétales recourbés montés sur fil de fer. Pistil jaune d'or.

DÉCOR. - La cheminée, la fenêtre et la panoplie d'armes seront peintes sur la toile de fond. À défaut de meubles anciens, une table et un fauteuil ordinaires seront convertis en meubles moyennâgeux à l'aide de panneaux découpés dans du carton ou du contre-plaqué et ornés de dessins gothiques (armoiries, ogives, etc.). Le décor du deuxième acte est peint sur la toile du fond. Deux petits sapins en contre-plaqué, l'un à droite, l'autre à gauche et quelques gros cailloux placés sur la scène indiquent que l'on se trouve sur un sentier de montagne. Si on a déjà un décor d'extérieur, on peut l'utiliser tout de même. Yolande regardera au loin dans la coulisse pour dire la phrase « Regarde comme le château paraît petit, vu d'ici ».  Marthe BIANCHINI.


TOUS DROITS RÉSERVÉS. — Toute représentation, même gratuite, de cette pièce, doit faire l'objet d'une autorisation préalable, de la SOCIÉTÉ DES AUTEURS DRAMATIQUES, 11, rue Ballu, Paris (9e).
 



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