PIECES  DE  THEATRE  POUR  ENFANTS.

 
 
GEORGETTE (plaçant la galette sur la table, à part). - Là ! tout est prêt maintenant; nous allons pouvoir nous mettre à table. Comme mes pêches auraient bien fait ! (À Suzanne). Figurez-vous, mademoiselle Suzanne, que j'avais des pêches superbes. Je les gardais pour le jour où vous viendriez ; j'allais les voir tous les matins ; je les soignais de mon mieux ; j'écartais les feuilles pour qu'elles mûrissent bien et je me réjouissais de vous les offrir. Eh bien ! quand j'ai été pour les cueillir tout à l'heure, elles n'y étaient plus ! J'en ai pleuré de dépit.

SUZANNE. - Bonne petite Georgette ! Console-toi ! Il y a bien de quoi se régaler sans cela. Mais, à propos de pêches, j'en ai une, là, dans mon sac, que j'ai ramassée tout à l'heure sur la route. Elle est très belle aussi, quoique un peu froissée.
     (Elle tire une pêche de son sac).

GEORGETTE (la regardant). - Mais c'est une des miennes ! je la reconnais !

SUZANNE. - Tu la reconnais ! À quoi donc ?

GEORGETTE. - J'avais fait des dessins sur chacune d'elles pour les rendre encore plus jolies. Voyez, celle-ci représente un S : la première lettre de votre nom.

SUZANNE. - C'est vrai, je ne l'avais pas remarqué. Comment donc t'y es-tu prise pour faire cela ?


GEORGETTE. - Oh ! c'est bien facile. Lorsque les pêches commencent à mûrir, on découpe un morceau de papier formant un dessin et on le colle sur la pêche. Le soleil rougit le fruit partout, excepté à la place couverte par le papier. Quand on enlève le morceau découpé, le dessin se voit en blanc sur un fond rose.

SUZANNE. - C'est une très jolie invention. (Examinant la pêche). En effet, je distingue parfaitement la lettre.


GEORGETTE. - Et vous avez trouvé celle-ci sur la route ?

SUZANNE. - Oui ; mais d'abord, dis-moi, Georgette, est-il vrai que tu aies été mordue par un chien enragé ?

GEORGETTE (poussant un éclat de rire). - Moi !

SUZANNE. - Oui, toi. Là, au bras gauche.

GEORGETTE (riant toujours et découvrant son bras). - Regardez.

SUZANNE. - Je ne vois pas de trace. Et là ?
     (Montrant l'autre bras).

GEORGETTE (de même). - Regardez aussi.

SUZANNE. - Rien non plus. Il n'y a pas eu de chien enragé dans le pays hier ?

GEORGETTE. - De chien enragé ? Je n'en ai pas entendu parler. Qui peut vous le faire supposer ?

SUZANNE. - Oh ! il y a là-dessous toute une histoire dans laquelle je commence à voir clair. Il faut que je te dise que ce malin, en venant ici, nous nous sommes arrêtées chez la mère Basile. Elle est malade, et maman lui envoyait du vin et du bouillon. Comme nous y arrivions, nous entendons un grand bruit derrière nous. C'était un petit garçon monté sur un âne, qu'il frappait de toutes ses forces, en l'excitant tant qu'il pouvait par ses cris. Voilà qu'en passant devant la chaumière de la mère Basile, l'animal, qui était lancé au triple galop, fait un écart, et envoie son cavalier rouler dans une grande flaque d'eau bourbeuse. (Riant) Je n'ai jamais vu une si belle culbute.

GEORGETTE (à part). - Ce matin !

SUZANNE. - Prudence a aidé le garçon à se relever. Il ne s'était pas fait grand mal. Seulement une petite écorchure à la main.

GEORGETTE (de même). - À la main !

SUZANNE. - Par exemple ses vêtements étaient couverts de boue.

GEORGETTE (de même). - Ah ! je devine ; voilà pourquoi il en avait changé.

SUZANNE. - À peine a-t-il été remonté sur sa bête et reparti que j'ai vu cette pêche par terre.


GEORGETTE (éclatant). - Est-il possible d'être plus menteur que ce Collin ?!

SUZANNE. - Mais oui ! Il s'entend assez bien à bâtir des histoires. Je vois maintenant pourquoi il voulait m’empêcher de te parler.

GEORGETTE. - Et mes pêches ! M'en a-t-il fait des mensonges ! (Regardant dans la coulisse). Je l'aperçois qui rôde par ici ; pour savoir sans doute si vous êtes partie. Cachez- vous. Nous allons nous moquer de lui.
     (Suzanne se cache).

SCÈNE VII.


GEORGETTE, puis COLLIN.


GEORGETTE (appelant). - Viens donc, Collin, que fais-tu là ?

COLLIN (embarrassé). - Rien. (Regardant de tous côtés). Mademoiselle Suzanne n'est plus ici ?

GEORGETTE. - Non, elle est partie il y a déjà longtemps, sans vouloir déjeuner.

COLLIN. - Ah ! elle est partie ?

GEORGETTE. - Oui. Impossible de la retenir.

COLLIN (à part). - J'en suis bien aise. (Haut). Elle n'a rien dit !

GEORGETTE. - Non.

COLLIN (à part). - Tant mieux. (Haut). Elle a bien fait de s'en aller.

GEORGETTE. - Vraiment ! Pour quelle raison ?

COLLIN. - Oh ! c'est que... c'est que...

GEORGETTE. - Eh bien ! Quoi ?

COLLIN. - Figure-toi qu'elle a été mordue hier par un chien enragé.


SCÈNE VIII.

SUZANNE (sortant de sa cachette et éclatant de rire),
GEORGETTE (riant aussi), COLLIN.



SUZANNE. - Il paraît que tout le monde a été mordu par un chien enragé ? C'est donc mon tour maintenant ?

COLLIN (interdit). - Mademoiselle Suzanne !


SUZANNE (d'un ton railleur). - Eh bien ! Collin, comment te trouves-tu de ta chute de ce matin ?

GEORGETTE (de même). - Es-tu tombé, ou t'es-tu battu ?
     (À mesure que chaque interlocutrice prend la parole, Collin se tourne de son côté et la regarde d'un air piteux).

SUZANNE. - Et ce pauvre Bonaventure, tu ne l'as pas trop fait courir, n'est-il pas vrai ?

GEORGETTE. - Tu l'as mené tout le temps au petit pas ?

SUZANNE. - Pour qui, de Georgette ou de moi, allais-tu chercher le médecin ?

GEORGETTE. - Est-ce au bras droit ou au bras gauche que j'ai été mordue ?

SUZANNE. - Prends garde, Collin ; tu sais que la rage se gagne.


GEORGETTE. - Je l'avais tout à l'heure ; maintenant c'est mademoiselle Suzanne.

SUZANNE. - J'espère que le chien que tu as tué hier se porte bien aujourd'hui.

GEORGETTE. - Et ton habit des dimanches, est-ce pour le froid ou pour le chaud que tu l'as pris ?

SUZANNE. - Montre-moi donc le petit couteau que tu lui as lancé si adroitement.

GEORGETTE. - Et la chèvre de la mère François, qui saute si bien par-dessus le mur...

SUZANNE. - A-t-elle trouvé les pêches bonnes ?

GEORGETTE. - Et Baluchard d'où sortait-il, de la maison de la mère Basile ou du cabaret du père Benoît ?


SCÈNE IX.

GEORGETTE, SUZANNE, COLLIN, BALUCHARD.



BALUCHARD (accourant en colère). - Où est-il ce faiseur d'histoires, ce petit misérable qui prétend que je vais au cabaret et que je bats les enfants ? Je vais lui allonger les oreilles de la bonne façon ! (Il prend Collin par une oreille).
     (Collin se met à crier).


GEORGETTE. - Faites-lui grâce, monsieur Baluchard ; je crois qu'il est assez puni pour cette fois.

BALUCHARD. - C'est qu'il mérite une bonne leçon.

SUZANNE. - Oui, mais il l'a reçue. Il est bien honteux de voir tous ses mensonges découverts et j'espère qu'il ne recommencera plus. N'est-il pas vrai, Collin ? (Collin fait un signe d'acquiescement) et il veut nous promettre d'être sage à l'avenir, de ne plus dire une seule parole fausse. Monsieur Baluchard lui pardonnera, j'en suis sûre, de l'avoir accusé injustement, comme nous lui pardonnerons, et moi, d'avoir cherché à nous tromper.

BALUCHARD. - Je ne demande pas mieux pour vous être agréable, mademoiselle Suzanne, mais qu'il y fasse attention ; une autre fois je ne serai pas si accommodant.

SUZANNE. - Oh ! dorénavant, il sera sage ; et, en signe de réconciliation, nous lui permettrons de partager notre goûter. N'est-ce pas, Georgette ?

GEORGETTE. - Je le veux bien.

SUZANNE. - Qu'en dis-tu, Collin ? Promets-tu de ne plus mentir ?

COLLIN. - Oh ! oui, mademoiselle Suzanne.

SUZANNE. - Eh bien ! à la bonne heure.

COLLIN (chantant). -
Air : Je suis un petit enfant.

S'il est quelqu'un parmi vous
Aimant le mensonge,
Voyez dans quels casse-cous
Ce défaut nous plonge.
Si j'ai su vous corriger,
Alors je pourrai chanter :
La bonne aventure,
Ogué !
La bonne aventure. (bis)


FIN


INDICATIONS POUR LA MISE EN SCÈNE



     Le théâtre représente la campagne. Enlever les meubles du salon et y placer quelques caisses d'arbustes ou jardinières dans lesquelles on plantera des fleurs artificielles. D'un côté une table avec un couvert préparé. Un vase de fleurs sur !a table. Chaises (rustiques si c'est possible).

Deux entrées. (Si le salon ne contient qu'une porte, on aura recours à un paravent pour figurer deux entrées).

Costumes.

GEORGETTE. — Costume de paysanne de fantaisie ou, si on le préfère, costume de laitière, en toile écrue, bordé de velours noir. Tablier à bavette. Bonnet forme bretonne. Croix d'or.


SUZANNE. — Costume de ville. Un petit sac à la main.


COLLIN. — Pantalon de toile arrivant à la cheville. Gilet trop court. Jaquette en drap. Nu-tête ; cheveux ébouriffés.


BALUCHARD. — Costume de paysan. Pantalon de toile. Blouse bleue. Chapeau de paille. Sabots. Un fouet à la main.


Accessoires.

Ce qui compose un couvert. Une pêche ou une orange qu'on convertira en pêche, en collant dessus du papier coloré de rose.
Une galette. Un fromage à la crème.




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