PIECES DE THEATRE POUR ENFANTS.
SCÈNE VII.
GEORGETTE (seule). - Et moi qui l'avais soupçonné, ce pauvre Collin ! C'est bien aimable à lui de me donner des fruits de son petit jardin. J'aurais préféré mes pêches, mais enfin... Mademoiselle Suzanne est en retard ; pourvu que rien ne l'empêche de venir. Je vais voir si ma galette est au four.
(Elle sort).
FIN DU PREMIER ACTE.
ACTE II
Même décor.
SCÈNE I.
GEORGETTE (Seule. Elle apporte un fromage à la crème et le pose sur la table). - Ah ! j'espère qu'il est appétissant et que Mademoiselle Suzanne le trouvera à son goût. Midi vient de sonner ; je commence à être inquiète. (Elle tourne toujours autour de la table achevant ses arrangements). J'ai rencontré tout à l'heure le père Baluchard ; je lui ai raconté la façon dont son fils a traité mon frère. Il aura une bonne semonce ; ce sera bien fait. (Après un instant de silence). Mais au fait, ce Collin, il n'arrive pas avec son raisin. Mademoiselle Suzanne non plus. Qu'est-ce qui peut la retenir ?... Ah ! la voilà.
SCÈNE II.
SUZANNE, GEORGETTE.
SUZANNE. - Comment ! tu es ici ?
GEORGETTE. - Est-ce que cela vous étonne ?
SUZANNE. - Sans doute, je te croyais chez ta grand-mère.
GEORGETTE. - Chez grand-mère !
SUZANNE. - Et de plus au lit.
GEORGETTE. - Au lit, à midi !
SUZANNE. - Mais puisque tu es malade.
GEORGETTE. - Moi, malade !
SUZANNE. - Tu vas donc mieux ?
GEORGETTE. - Jamais je ne me suis si bien portée.
SUZANNE. - Qu'est-ce qu'on m'a donc dit ?
GEORGETTE. - Si l'on vous a dit que j'étais malade, on vous a trompée.
SUZANNE. - Il y a une demi-heure à peu près, je suis arrivée ici avec ma bonne Prudence ; j'ai trouvé un petit garçon, ton frère à ce qu'il paraît, qui m'a appris que tu étais au lit chez ta grand-mère. J'allais m'y rendre avec Prudence ; mais elle était fatiguée de la course que nous avions déjà faite et a demandé à se reposer un peu avant de se remettre en route. Nous nous apprêtions à partir quand je t'ai aperçue.
GEORGETTE. - Quel conte ce Collin vous a-t-il fait ?
SUZANNE. - Tant mieux, si ce n'est qu'un conte. N'y pensons plus.
GEORGETTE. - C'est égal, je voudrais bien savoir ce qui lui a passé par la tête... Mais attendez que j'aille chercher ma galette. J'ai peur qu'elle ne brûle. Nous reparlerons de cela tout à l'heure.
(Elle sort).
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SCÈNE III.
SUZANNE (seule). - A-t-on jamais vu pareille aventure ? Il faut que ce garçon soit fou. (Examinant ce qui est sur la table). Est-elle gentille cette Georgette ! Comme-tout cela est bien arrangé ! Le joli bouquet ! (Elle tire du bouquet une fleur qu'elle place à son corsage, puis une autre qu'elle met dans ses cheveux). Là ! mettons cette rose ici et cette autre là. Non elle fera mieux à gauche.
(Pendant qu'elle est ainsi occupée, Collin entre sans la voir).
SCÈNE IV.
SUZANNE, COLLIN.
COLLIN (à part). - Je viens de la fenêtre du grenier d'où l'on voit le chemin qui conduit chez grand-mère. Je n'ai pas aperçu mademoiselle Suzanne, mais j'espère tout de même qu'elle est en route pour y aller. Sa bonne n'est plus sous l'arbre où elle l'attendait. Qu'est-ce qu'elles diront quand elles ne trouveront pas Georgette ?... Bah ! j'inventerai autre chose pour me tirer de là. En attendant j'ai réussi comme je voulais.
(Il aperçoit Suzanne et pousse un cri).
SUZANNE. - Ah ! te voilà, petit. Eh bien ! que m'as-tu donc dit tout à l'heure ! Que Georgette était malade ; elle se porte très bien au contraire.
COLLIN (embarrassé et balbutiant). - Vous croyez ?
SUZANNE. - Je viens de la voir.
COLLIN (de même). - Ah !
SUZANNE. - Tu prétendais qu'elle était chez sa grand-mère.
COLLIN (de même). - C'est qu'elle sera revenue.
SUZANNE. - Au lit même ?
COLLIN (de même). - Le médecin avait bien recommandé qu'elle y restât.
SUZANNE. - Mais quelle maladie a-t-elle ?
COLLIN (de même). - Quelle maladie ?
SUZANNE. - Oui, quelle maladie ?
COLLIN. - Elle ne vous l'a pas dit ?
SUZANNE. - Mais non ; elle m'a même paru en fort bonne santé.
COLLIN. - Elle est malade pourtant.
SUZANNE. - Mais enfin qu'a-t-elle ?
COLLIN (cherchant). - Eh bien !... eh bien !... elle a été mordue hier par un chien enragé.
SUZANNE. - Un chien enragé ! Ah ! mon Dieu ! est-il possible !
COLLIN. - C'est très dangereux une morsure de chien enragé !
SUZANNE. - Je le crois bien ! Pauvre Georgette ! Mais comment se fait-il qu'elle ne m'en ait pas parlé ?
COLLIN. - Elle n'y aura plus pensé.
SUZANNE. - Plus pensé !
COLLIN. - Dame ! c'est probable.
SUZANNE. - Et le chien ? L'a-t-on tué ?
COLLIN. - Oui.
SUZANNE. - Qui l'a tué ?
COLLIN. - Moi.
SUZANNE. - Toi !
COLLIN. - Oui, moi !
SUZANNE. - C'est bien extraordinaire. Comment t'y es-tu pris ?
COLLIN. - Voilà. Dès le matin, on est venu dire à la ferme qu'on avait vu un chien enragé sur la route. Alors on a battu le tambour et chacun est arrivé avec des fusils, des sabres, des faux, des fourches, tout ce qu'on a pu trouver, quoi. Le garde champêtre, les gendarmes, le maire, tout le monde était sur pied ; les gamins aussi. On à parcouru le pays en criant à tue-tête. Moi, j'étais allé me poster au coin du bois, là-bas, avec mon couteau.
SUZANNE. - Un couteau contre un chien enragé !
COLLIN (continuant). - J'ai vu venir le chien de loin ; alors je lui ai lancé mon eustache à la tête, et je l'ai tué raide.
SUZANNE. - Tué ! comme cela, du premier coup ! Il ne s'est pas jeté sur toi !
COLLIN. - Il s'est bien jeté sur moi, mais il n'a pas pu me mordre.
SUZANNE. - Pourquoi cela ?
COLLIN. - Parce que le couteau s'était planté de façon à lui tenir la bouche toute grande ouverte, comme cela, (il ouvre la bouche) et qu'il lui a été impossible de la refermer.
SUZANNE. - Voilà un récit bien difficile à croire.
COLLIN. - C'est pourtant la vérité.
SUZANNE (secoue la tête d'un air de doute). - Et c'est ce chien qui a mordu Georgette ?
COLLIN. - Oui.
SUZANNE. - Et où cela ?
COLLIN. - Au bras.
SUZANNE. - Quel bras ?
COLLIN. - Le bras gauche.
SUZANNE (à part). - Tout cela ne me paraît guère digne de foi. (Haut). Et c'est de cette morsure que Georgette est malade ?
COLLIN. - Oui.
SUZANNE. - Et le médecin est venu la voir ?
COLLIN. - Sans doute... C'est lui que j'allais chercher ce matin avec mon âne.
SUZANNE. - C'est donc cela que lu paraissais si pressé.
COLLIN. - Justement. (Vivement). Ainsi vous voyez, mademoiselle Suzanne, que vous ferez bien de vous en aller avant que Georgette revienne. La rage, on dit que cela se gagne.
SUZANNE. - Je le sais bien.
COLLIN. - Voulez-vous que je vous reconduise auprès de votre bonne ?
SUZANNE. - Non, merci ; ce n'est pas la peine.
COLLIN. - C'est que Georgette va revenir et alors... (À part). Bon ! la voilà ! Il est trop tard.
SCÈNE V.
GEORGETTE, SUZANNE, COLLIN.
GEORGETTE (arrivant avec la .galette). - J'ai été longtemps. Je voulais attendre qu'elle eût pris une belle couleur dorée. (Montrant la galette à Suzanne). Voyez ! quelle bonne mine elle a. (À Collin qui se lient dans un coin). Eh bien ! le raisin ?
COLLIN (embarrassé). - Le raisin ?... Je n'y ai plus pensé.
GEORGETTE. - Vas-y tout de suite. (À part). Et lorsqu'il sera de retour nous verrons à éclaircir quelque chose.
COLLIN (à part, regardant Suzanne). - Elle ne paraît pas du tout disposée à partir.
(Il sort en jetant sur les deux jeunes filles des coups d’œil inquiets).
SCÈNE VI.
SUZANNE, GEORGETTE.
SUZANNE (à part). - Elle n'a pas l'air plus malade que moi, quoi qu'en dise Collin.