PIECES  DE  THEATRE  POUR  ENFANTS.

 
 
LE  CAFÉ-PHILTRE  DU  PÈRE  NOËL
 
Saynète en 1 acte pour une école à classe unique
par Marthe BIANCHINI.
 
PERSONNAGES

LE PÈRE NOËL aux différents âges :
                         à barbe blanche (garçon de 12 à 14 ans) ;
                         à barbe grise (garçon de 12 à 14 ans) ;
                         à barbe noire (garçon de 12 à 14 ans) ;
                         
jeune homme (garçon de 10 à 12 ans) ;
                         
le Fils Noël (garçon de 9 à 11 ans) ;
                         le petit Noël (garçon de 8 à 9 ans) ;
                         Bébé Noël (garçon ou fillette de 5 à 6 ans) ;
                         Nourrisson (poupard en celluloïd) ;
LA FÉE CARABOSSE (fillette ou garçon de 12 à 14 ans) ;
LA FÉE JOYEUSE (fillette de 12 à 14 ans) ;
LE LUTIN PIF (garçon ou fillette de 8 à 10 ans) ;
LE LUTIN POUF (garçon ou fillette de 8 à 10 ans).
     La scène est au Pays du Rêve.

DÉCOR. — Une rangée de gros sacs, debout, traverse la scène de gauche à droite. Ceux situés vers la gauche sont pleins. Les autres ne le sont qu’à demi. Une petite table recouverte d’une nappe blanche à gauche.

SCÈNE PREMIÈRE

LE PÈRE NOËL, LA FÉE CARABOSSE.

     (Au lever du rideau, le Père Noël est occupé à remplir les sacs dans lesquels il enfourne des jouets. Il est placé derrière les sacs. On le voit de face. Costume de Père Noël classique. Grand manteau rouge. Barbe blanche).

CARABOSSE. — Alors, Père Noël, c’est entendu ? Vous m’emmenez avec vous ?

LE PÈRE NOËL, catégorique. — N’insistez pas, Carabosse. J’ai dit non. C’est non.

CARABOSSE. — Mais enfin, vous pouvez bien me réserver une petite place dans votre avion ? Il y a des siècles que je n’ai revu la terre. .J’aimerais bien aller y faire un tour pendant cette nuit de Noël.

LE PÈRE NOËL. — Et qu’iriez-vous y faire ?

CARABOSSE. — La même chose que vous, mon cher confrère.

LE PÈRE NOËL. — Je ne suis pas votre cher confrère. Et vous ne prétendez pas que vous iriez visiter les cheminées des petits enfants ?

CARABOSSE. — Parfaitement.

LE PÈRE NOËL, incrédule. — Quoi ? Vous iriez remplir de jouets et de friandises les souliers de ces chérubins ?

CARABOSSE. — Pas le moins du monde. Mais j’ai un stock de martinets à lanières extra-souples dont j’irai garnir les chaussures des enfants méchants, menteurs, gourmands, paresseux, désobéissants, têtus, taquins...

LE PÈRE NOËL, brusquement. — Assez ! Ne comptez pas sur moi pour cela. Vous n’avez qu’à prendre votre propre carrosse.

CARABOSSE, avec une ironie amère. — Mon propre carrosse vermoulu, traîné par six corbeaux miteux et déplumés qui me laisseraient en route, n’est-ce pas ? Ah  ! si j’avais comme vous les moyens de me payer un avion ultra-moderne !

LE PÈRE NOËL, se rengorgeant. — Un avion à réaction, Carabosse, un avion tout neuf qui vole plus vite que le son.

CARABOSSE, doucereuse. — Eh ! bien, vous pouvez bien m’y garder une toute petite place ?

LE PÈRE NOËL, tranchant. — N’y comptez pas. D’ailleurs, cette année, j’emmène avec moi la Fée de la Joie, la petite Fée Joyeuse.

CARABOSSE, avec fiel. — Quoi ? Cette péronnelle qui passe son temps à chanter et à attraper des papillons ?

LE PÈRE NOËL. — Elle apportera de la joie à tous les petits enfants du monde.

CARABOSSE. — Vous ne pensez qu’aux enfants sages. Mais les autres ? Ceux qui sont espiègles, curieux, querelleurs, désordonnés, écervelés, vantards...

LE PÈRE NOËL, en colère. — Assez, vous dis-je ! (Avec reproche). Vous n’auriez pas honte, Carabosse, de tromper l’attente confiante de ces pauvres petits chéris et de les régaler d’un martinet alors qu’ils désirent tant avoir de beaux jouets.

CARABOSSE. — Mais...

LE PÈRE NOËL, catégorique. — Il n’y a pas de mais. Tous les enfants de la terre, tous, vous m’entendez Carabosse, sont de petits êtres candides et confiants qui ont besoin de tendresse et de bonté. (Avec émotion). L’enfance, Carabosse, est un âge magnifique, un âge merveilleux où l’on ouvre des yeux tout neufs sur le monde. (Marchant sur Carabosse, avec colère). Et vous, méchante sorcière, vous oseriez faire de la peine aux enfants ? (Menaçant). Hors d’ici, affreuse vipère, hors d’ici, horrible mégère. Sortez, sortez ou... je vais vous dire des choses désagréables !
     (Prestement, Carabosse s’enfuit dans la coulisse de gauche).

 
SCÈNE II

LE PÈRE NOËL, PIF, POUF.

PIF, entrant à droite avec une pelote de ficelle. — Père Noël, voici la ficelle pour attacher les sacs.

LE PÈRE NOËL. — Bon, dépêche-toi.

     (Pouf, entrant à droite avec un plateau portant un verre de café-filtre et une soucoupe avec quelques morceaux de sucre. Père Noël, voilà votre café-filtre).

LE PÈRE NOËL. — Bon, pose-le sur la table et aide Pif. Je vais chercher des jouets pour finir de remplir les sacs.
     (Il sort à droite).

     (Pouf, prestement, croque à belles dents tous les morceaux de sucre de la soucoupe).


PIF. — Tu n’as pas honte de croquer tout le sucre du Père Noël ?

POUF, penaud. — Que veux-tu, le sucre, c’est tellement sucré !

PIF, sentencieux. — Pouf, tu seras toujours un incorrigible gourmand.

POUR. — Et toi, je suis sûr que tu te demandes ce que la fée Carabosse est venue faire ici ?

PIF, très digne. — Tu te trompes. Je ne me le demande pas...

POUF, sceptique. — Ça m’étonne.

PIF, naturel. — ... Parce que je le sais.

POUF. — Comment ?

PIF. — J’ai écouté à la porte.

POUF, triomphant. — Ah ! tu vois ! (Sentencieux). Pif, tu seras toujours un incorrigible curieux !

PIF, entraînant Pouf vers la droite. — Viens. Allons aider le Père Noël et je vais te raconter comment il a déjoué les noirs desseins de cette vieille sorcière.

POUF, riant. — Ah ! ça ne m’étonne pas. C’est toujours lui qui est le plus fort.
     (Ils sortent à droite).

 
SCÈNE III

LA FÉE CARABOSSE, seule.

     (Carabosse entre à gauche avec précautions. Elle s'assure que là pièce est vide, puis éclate d'un rire sardonique).

CARABOSSE, riant. — Ha ! ha ! ha ! ha ! Vous refusez de m’emmener avec vous, mon cher Père Noël ? Vous allez me payer ça ! Ha ! ha ! ha ! ha ! (Elle tire une fiole de sa poche et la contemple avec satisfaction). Ha ! ha ! (Imitant la voix du Père Noël). « L’enfance, Carabosse, est un âge magnifique, un âge merveilleux » m’avez-vous dit ? (Riant). Ha ! ha ! Vous allez bientôt pouvoir en parler en connaissance de cause, mon cher « Vieux » Père Noël !
     (Elle vide prestement le contenu du flacon dans le verre de café et remet le filtre en place. Puis elle sort rapidement en faisant entendre son rire infernal : « Ha ! ha ! ha ! ha ! » qui décroît dans la coulisse de gauche).

SCÈNE IV

PIF, POUF, LE PÈRE NOËL aux différents âges.

     (Pif, Pouf et le Père Noël rentrent par la droite, les bras chargés de jouets et de boîtes ficelées qu’ils introduisent dans les sacs).

POUF. — Père Noël, vous ne buvez pas votre café ? Il va refroidir.

LE PÈRE NOËL. — C’est vrai. (Il se dirige vers le plateau et avale d’un trait le contenu du verre. Faisant une grimace). Dis-donc, Pouf, il a un drôle de goût, ton café !

POUF, confus. — Heu... Je crois que j’ai oublié de le sucrer.

LE PÈRE NOËL. — Peut-être, peut-être. Mais en plus de ça, il a quand même un goût curieux.

POUF, qui veut changer de conversation. — Père Noël, pouvons-nous commencer à charger l’avion ?

LE PÈRE NOËL. — Mais oui, dès que les sacs seront prêts. Je vais achever de les remplir.
     (Il sort par la droite. Pif et Pouf empoignent le dernier sac à gauche et sortent par la gauche. Un temps. Le Père Noël rentre à droite, les bras chargés de jouets et de boîtes. Il remplit les sacs. Il est placé derrière les sacs, face au public. Il arbore une splendide barbe... grise.
Pif et Pouf rentrent à gauche. Pif ne regarde pas le Père Noël et se met en devoir d'attacher le sac de gauche. Pouf contemple le Père Noël avec ahurissement).


LE PÈRE NOËL. — Continuez à transporter les sacs dans l’avion.
     (Il sort rapidement à droite).

POUF. — Pif, tu as vu ?

PIF. — Quoi ?

POUF. — La barbe du Père Noël est devenue grise.

PIF. — Tu as rêvé.

POUF. — Mais non, je t’assure.

PIF. — Alors, c’était un effet de lumière. Tiens, empoigne ce sac.

     (Ils sortent tous deux à gauche portant un sac. Le Père Noël rentre à droite, portant boîtes et jouets. Même jeu que plus haut. Cette fois, il a une magnifique barbe noire et ses moustaches sont aussi du plus beau noir. Pif et Pouf rentrent à gauche).

PIF, au comble de la stupéfaction, contemplant le Père Noël. — Oh ! ça alors !

     (Mais le Père Noël n'entend pas cette exclamation de surprise. Il sort à droite).

LE PÈRE NOËL, sortant par la droite.
 — Allons, mes petits, dépêchez- vous !

POUF, triomphant. — Tu as vu ? Sa barbe est noire maintenant.

PIF. — Le Père Noël s’est teint la barbe ! Peut-être est-ce pour plaire à la Fée Joyeuse.

POUF. — Tu es fou, voyons. D’ailleurs sa démarche est plus dégagée. Il a l’air d’avoir rajeuni.

PIF. — Je me demande comment il s’y prend. Viens, allons voir.

     (Avec précautions ils vont jeter un coup d’œil dans la coulisse de droite, mais reculent vivement).

POUF, stupéfait. — Oh ! Il rajeunit de plus en plus !

     (En effet, le Père Noël apparaît à droite, portant ses colis. Mais est-ce bien le Père Noël ? Il porte toujours le même manteau mais il a perdu quelques centimètres de sa taille, et sa belle barbe noire n’est plus qu’un petit « bouc » noir qui frisotte sons son menton. Il porte une toute petite moustache noire).



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