PIF, joyeux. — Oh ! C’est bien lui !
POUF, avec reconnaissance. — Merci, Madame la Fée !
JOYEUSE. — Vous pouvez le réveiller maintenant.
PIF, criant. — Père Noël, réveillez-vous !
LE PÈRE NOËL, dormant. — A...re, a...re, a...gli, a...gli, a...gregre.
POUF. — Il se croit toujours un bébé.
PIF, le secouant. — Oh ! Père Noël ! Debout ! Debout !
LE PÈRE NOËL, s’éveillant brusquement. — Hein ? Quoi ? (Il ouvre les yeux et s’aperçoit de sa position incommode). Qu’est-ce que c’est ? Qui est-ce qui m’a mis dans cette position ridicule ? (Furieux, il jette le biberon et tente de sortir du landau).
POUF, avec sollicitude. — Attendez. Je vais vous aider.
(Enfin le Père Noël est sur pieds).
LE PÈRE NOËL, avec colère. — Vous allez m’expliquer ce que ça signifie !
POUF. — C’est très simple, Père Noël : Vous avez bu un café-philtre.
LE PÈRE NOËL, impatienté. — Je le sais bien. Et alors ?
PIF. — Et alors vous avez été ensorcelé.
LE PÈRE NOËL. — Comment ?
POUF. — C’est Carabosse. Elle a mis un philtre dans votre café.
LE PÈRE NOËL. — Tu es fou. On ne met pas un filtre dans du café. On met le café dans un filtre !
POUF. — Je n’ai pas dit : un filtre. J’ai dit : un philtre !
LE PÈRE NOËL, ahuri. — Quoi ?
PIF. — Pas un filtre : un philtre : p-h.
JOYEUSE, lui montrant la fiole vide. — Écoutez, Père Noël ; la Fée Carabosse a versé dans votre café le contenu de cette fiole qui était remplie d’un philtre destiné à vous faire retomber en enfance.
POUF. — Et petit à petit, vous êtes redevenu un petit bébé.
LE PÈRE NOËL, indigné. — Comment ? Quoi ? Cette sorcière a osé se moquer de moi ? Je vais lui briser un bâton sur les reins. (Il se précipite vers la coulisse de gauche).
JOYEUSE. — Inutile, Père Noël. Elle est déjà loin !
PIF. — Et il est l’heure de commencer votre tournée.
LE PÈRE NOËL, s’arrêtant. — C’est vrai. Mais au fait, je me souviens maintenant. Les meubles et les objets avaient l’air de grandir petit à petit.
PIF. — C’était vous qui rapetissiez.
LE PÈRE NOËL. — Mais dites donc ! l me semble que je me sens beaucoup plus souple, beaucoup plus alerte qu’avant. Regardez plutôt. (Il exécute plusieurs exercices d’agilité : saut, marche sur les mains, roue, etc... Très fier :) Que dites-vous de ça, hein ?
JOYEUSE, souriant. — Que vous êtes allé puiser dans votre jeunesse force, agilité et souplesse.
LE PÈRE NOËL. — Mais alors, il est merveilleux, le philtre de Carabosse !
JOYEUSE. — À condition d’en arrêter à temps les effets.
PIF. — Si la Fée Joyeuse ne vous avait pas désensorcelé, vous auriez continué à rapetisser et où seriez-vous maintenant ?
POUF, attendri. — Moi, je le regrette un peu, vous savez. Vous étiez si mignon avec votre petite sucette.
PIF, de même. — Et si rose, et si potelé quand Pouf vous berçait pour vous endormir !
LE PÈRE NOËL, vexé. — C’est bon. Ça suffit. Vous êtes là à raconter des balivernes et l’avion n’est pas encore chargé. Dépêchez-vous d’attacher ces sacs ! Venez Joyeuse. (Avec galanterie, il tend le bras à la Fée et se dirige vers la gauche. Aux lutins). Et je vous préviens que si dans un quart d’heure vous n’êtes pas prêts, nous partons sans vous !
(Le Père Noël et Joyeuse sortent à gauche).
POUF, profondément affecté, les bras au ciel. — Et dire que le Père Noël ose me parler sur ce ton, à moi qui l’ai bercé sur mes genoux, à moi qui lui ai donné le biberon !
PIF, dans un grand geste résigné. — Que veux-tu, mon vieux Pouf, il n’y a plus d’enfants !
RIDEAU
Marthe Bianchini.
COSTUMES
CARABOSSE. — Robe noire en haillons. Bosse dans le dos. Foulard noir sur la tête, laissant dépasser des mèches de cheveux gris en désordre.
LE PÈRE NOËL. — Quel que soit son âge, il porte toujours un manteau rouge à capuchon adapté à sa taille (peut se faire en papier crépon). Le Père Noël à barbe blanche, à barbe grise et à barbe noire peuvent être joués par un seul enfant qui changera rapidement de barbe dans la coulisse (barbe blanche en coton hydrophile, barbe grise et barbe noire en laine détricotée). Si les rôles sont joués par trois enfants différents, la même pèlerine peut servir successivement pour les trois.
Le Père Noël jeune homme (petit bouc et fine moustache dessinés au noir de bouchon), le Fils Noël et le Bébé Noël sont joués par quatre enfants différents de plus en plus petits. Le Père Noël nourrisson est un gros poupard en celluloïd. Veiller à ce que les pèlerines, tout en s’adaptant à la taille des enfants, soient rigoureusement identiques.
PIF. — Pourpoint jaune avec collerette dentée verte. Culotte bouffante verte. Bas verts (ou jambes nues). Chapeau pointu jaune avec bande dentée verte.
POUF. — Même costume en bleu et rouge.
LA FÉE JOYEUSE. — Longue robe bleue très froncée (peut se faire en papier crépon brodé de paillettes brillantes). Longs cheveux. Etoile en paillettes dans les cheveux. La baguette magique est une baguette de bois creux dans laquelle on a enfoncé la partie métallique d’un "cierge étincelant" qui sera allumé dans la coulisse juste avant l’entrée de la Fée. Ce cierge n’est pas indispensable mais fait beaucoup d’effet. Il ne présente aucun danger mais la fillette, par prudence, le tiendra à bout de bras, loin de sa robe.
La lueur bleue est produite par un feu de Bengale posé sur le sol et allumé par la Fée, ou par une ampoule bleue. Le Père Noël à barbe blanche rentrera par la coulisse de droite et prendra la place du poupard en celluloïd (qu’on cachera au fond du landau). Son entrée est masquée par la nappe tenue par les deux lutins. Le feu de Bengale est placé entre la nappe (en tissu assez léger) et le landau, afin d’éviter les ombres portées. Prendre des précautions en l’allumant.
TOUS DROITS RÉSERVÉS. — Toute représentation, même gratuite, de cette pièce, doit faire l'objet d'une autorisation préalable, de la SOCIÉTÉ DES AUTEURS DRAMATIQUES, 11, rue Ballu, Paris (9e).