PIECES  DE  THEATRE  POUR  ENFANTS.

 
 
LE PÈRE NOËL. Eh ! bien, galopins, qu’est-ce que vous fichez là, au lieu de faire votre boulot ? Le zinc est prêt à décoller et vous vous tournez les pouces. Dépêchez-vous ou je vais vous allonger les oreilles !
     (Il sort à droite après avoir placé les jouets dans un sac).

PIF. — Son langage aussi a rajeuni ! Et sa poigne a l’air solide. Nous ferions bien de lui obéir.

POUF, empoignant un sac. — Décidément, je n’y comprends rien.

     (Ils sortent à gauche, emportant le sac. Le Père Noël rentre à droite. Même jeu que plus haut. Il a encore rajeuni. Il n’a plus ni barbe, ni moustache. Il porte un manteau rouge, comme d’habitude mais il est plus petit que tout ci l’heure. Pif et Pouf rentrent à gauche et s’arrêtent stupéfaits en le voyant).

LE FILS NOËL, joyeux. — Dites donc, les gars, je viens de trouver un train électrique du tonnerre, avec les tunnels, les signaux et tout le barda. C’est un truc épatant. (Détaché). Bien sûr, moi, ça fait au moins un an que je ne m’intéresse plus à ces machins de gosse. (Enthousiaste). Mais je suis sûr qu’il va être drôlement content le mioche qui le trouvera dans ses godasses.
     (Il sort à droite).

POUF, avec inquiétude. — Écoute Pif, il y a de la sorcellerie là dessous. Voilà que le Père Noël a la taille et le langage d’un collégien. Et rien ne dit qu’il ne va pas continuer à rajeunir. Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?

PIF, se frappant le front. — Tu as dit « sorcellerie » Pouf ? Mais tu as raison. C’est la Fée Carabosse qui a dû l’ensorceler !

POUF, avec épouvante. — Carabosse ? Mais alors...

     (À ce moment le Père Noël rentre. Mais cette fois, ce n’est plus du tout le Père Noël. C’est le Petit Noël. Il n’a pas plus de huit ou neuf ans. Il est toujours, bien entendu, revêtu d’un manteau rouge à capuchon, mais a un visage frais et rose, sans ombre de barbe. Il porte une boîte. Pif et Pouf le contemplent, sidérés).

LE PETIT NOËL, confidentiel. — Écoutez, les copains. J’ai trouvé une boite avec une belle auto de course. Après tout, avant de tout distribuer aux gosses de la Terre, nous ferions bien de penser un peu à nous. Alors, je vais planquer la bagnole. Et de retour de ma tournée, on y jouera tous les trois. D’accord ?
     (Il pose la boîte sur la table puis sort à droite).

POUF, alarmé. — Écoute, Pif, le Père Noël ne peut pas continuer à rajeunir. Il faut l’en empêcher ! Il faut faire quelque chose ! Tu n’as pas une idée, voyons ?

PIF, de même. — C’est Carabosse qui lui a jeté un sort, c’est sûr.

POUF, au comble de l’angoisse. — Mais s’il rajeunit sans cesse, il va finir par disparaître !

PIF. — Et c’est sans doute ce que voulait cette affreuse sorcière.

POUF, suppliant. — Fais quelque chose, Pif, je t’en supplie. Il faut conjurer le mauvais sort ! Mais que faire ? Que faire ?
     (Il est en proie à un profond désarroi).

PIF. — Reste là. Je vais courir prévenir la Fée Joyeuse. Je ne vois qu’elle qui puisse nous aider. Je reviendrai le plus tôt possible. Occupe-toi de lui !

     (Il sort en courant par la gauche. Et voici que... Bébé Noël fait son entrée par la droite. Il a, lui aussi, le classique manteau rouge à capuchon, à sa taille bien entendu. Il traîne au bout d'une ficelle un jouet en bois).

BÉBÉ NOËL, pleurnichant. — Hi ! hi ! hi ! Petit Nono y veut sa maman !

POUF, à part. — Il n’a pas plus de trois ans, maintenant ! Mais qu’est-ce que nous allons devenir ? (Il lève les bras au ciel).

BÉBÉ NOËL. — Petit Nono y veut sa maman !

POUF, évasif. — Elle est... heu... elle est allée au marché.

BÉBÉ NOËL, trépignant. — Ze la veux ! hi ! hi ! Hi !

POUF, le cajolant. — Ne pleure pas mon chéri ! Mon trésor ! Mon petit lapin !

BÉBÉ NOËL, pleurant. — Hi ! hi ! hi ! Hi !

POUF, tirant de sa poche une sucette enveloppée de papier. — Tu aimes les sucettes, mon petit chou ?

BÉBÉ NOËL, calmé. — Oui. Donne-moi z-en !

POUF. — Mouche-toi d’abord. (Il mouche l’enfant puis lui remet la sucette. Bébé Noël la suce avec conviction. Pouf pousse un soupir de regret). Et dire que je la gardais pour mon dessert ! (Il regarde dans la coulisse de gauche). Pourvu que la Fée se dépêche !

BÉBÉ NOËL, pleurant. — Hi ! hi ! Hi !

POUF. — Qu’est-ce qu’il y a encore ?

BÉBÉ NOËL. — Petit Nono y veut zouer.

POUF. — (Il va prendre la boite contenant l’auto gui était sur la table, puis, à quatre pattes sur le sol, il se met en devoir d’amuser le bambin). Regarde la jolie toto... Tu-tu-tut... Vrou... vrou... (Il se lève et va regarder dans la coulisse, à gauche). Et les autres qui n’arrivent pas !

BÉBÉ NOËL, pleurant. — Hi ! hi ! Hi !

POUF, impatienté. — Qu’est-ce que tu veux ?

BÉBÉ NOËL. — Petit Nono y veut pas la toto. Y veut le dada.

POUF. — Un dada ? Un cheval tu veux dire ? Il n’y en a plus. Ils sont tous emballés. (Il montre les sacs).

BÉBÉ NOËL, battant des mains. — Oui, oui, petit Nono y veut un cheval emballé !

POUF. — Mais...

BÉBÉ NOËL. — Baisse-toi. C’est toi le cheval emballé. (Il grimpe sur le dos de Pouf). Cours maintenant ! (Pouf fait plusieurs fois le tour de la scène en galopant avec Bébé Noël sur son dos). À dada ! À dada ! À dada !

POUF, s’arrêtant, exténué. — Bon, descends maintenant. Ça suffit. (Regardant dans la coulisse, à gauche). Mais qu’est-ce qu’ils attendent ? Je me le demande !

BÉBÉ NOËL, pleurant et trépignant. — Hi ! hi ! hi !

POUF. — Quoi encore ?

BÉBÉ NOËL. — Pipi ! pipi !

POUF, l’entraînant précipitamment vers la droite. — Viens vite !
     (Un temps. Puis Pouf fait son entrée par la droite en poussant un landau d'enfant à la capote baissée. Dans ce landau est couché un gros bébé revêtu d'un manteau rouge à capuchon. Il tient un biberon qu'il tette).

POUF, agitant le hochet. — Où qu’il est le joli petit bébé de son gros Poupouf ? Il est là ! Guili ! guili ! (Chantant). Ainsi font, font font, les petites marionnettes ! (Parlé). Qui c’est qui a bu tout le bon lolo ? C’est le joli bébé ! Maintenant il va faire un grand dodo ! (Le berçant et chantant). Do-do, l’enfant do ! l’enfant dormira bientôt ! (Parlé). Si Pif et la Fée n’arrivent pas, je ne réponds plus de rien !
     (Il continue à bercer le bébé en chantant).

 
SCÈNE V

PIF, POUF, LE PÈRE NOËL, LA FÉE JOYEUSE.

     (Pif entre à gauche entraînant la Fée Joyeuse qui tient une baguette étincelante, est très agité).

PIF. — Venez vite, Madame la Fée ? Pourvu qu’il soit encore temps ! C’est Carabosse qui l’a ensorcelé. Regardez ce que j’ai trouvé devant la porte. (Il lui tend une fiole vide).

JOYEUSE, lisant l’étiquette. — « Philtre de rajeunissement ». Oh ! je comprends ! Vite ! Vite ! Où est-il ?

POUF. — Il est ici. Chut, il dorf !

PIF, apercevant le bébé. — Oh ! Qu’il est petit !

     (La Fée se place rapidement derrière le landau, face an public. Avec sa baguette étincelante, elle décrit des cercles et des arabesques au-dessus du bébé en récitant sur un ton d’incantation :)

JOYEUSE. — Abracadabra
     Deux et un font trois
     Mon joli poupon,
     Mon beau nourrisson,
     Ne rajeunis plus !
     Rikiki, Lustucru.
     Turbitutu, chapeau pointu !
     (Elle continue à agiter sa baguette, sous les regards anxieux des lutins. Enfin la baguette s’éteint).

JOYEUSE, d’une voix triomphante. — Ça y est ! J’ai réussi. Mais il a fallu tout le fluide de ma baguette pour combattre le sortilège de Carabosse.

PIF, déçu, contemplant le poupon. — Mais... c’est toujours un bébé !

JOYEUSE. — Bien sûr. Mais il ne rajeunira pas davantage.

POUF. — Mais, Madame la Fée, maintenant, il faudrait le faire re-grandir.

PIF. — Et re-vieillir.

JOYEUSE. — Hum ! Ça sera beaucoup plus difficile.

POUF, suppliant. — Essayez, Madame la Fée !

PIF. — Songez à la tristesse des enfants si le Père Noël ne faisait pas sa tournée cette nuit !

JOYEUSE. — Soit. Je vais essayer. Mais je ne sais si je réussirai. Voyons : il me faut un grand voile blanc. (Montrant la table). Tiens, Pouf, donne-moi cette nappe. (Pouf obéit). Vous allez la tenir déployée devant le bébé, là, comme ceci, et en tenir chacun une extrémité.

     (Pif et Pouf saisissent chacun un coin de la nappe et l’élèvent perpendiculairement au sol et parallèlement à la rampe de manière à cacher complètement le landau aux yeux du public. Elle forme un petit écran qui dissimulera la Fée et le landau pendant la scène qui va suivre. Pouf est à gauche et tient un coin de la nappe de son bras gauche levé. Pif est à droite, tenant la nappe de son bras droit levé. Il est appuyé contre le montant droit de la scène. La Fée disparaît derrière ce rideau improvisé).

JOYEUSE. — Là. C’est parfait. Et ne regardez pas surtout. (D’une voix éclatante). Lumière, éteins-toi ! (La lumière qui éclaire la scène s’éteint tout-à-coup. Une lueur bleue surnaturelle s'élève derrière le rideau blanc tendu ainsi que des tourbillons de fumée. On entend la voix de la Fée qui psalmodie sur un ton d’incantation:)
     Petit bébé grandira
     Bonne soupe mangera
     Petit garçon deviendra.
     À l’école s’en ira,
     Aura son certificat,
     Puis jeune homme deviendra.
     Un beau jour se mariera
     Bientôt deviendra papa.
     Tout doucement vieillira
     Et ses enfants mariera
     Enfin sera grand-papa.
     Grand-papa ! Grand-papa ! Grand-papa ! (Un silence. La lueur bleue s'éteint peu à peu De la fumée s'élève. Enfin on entend la voix de Joyeuse :)  Lumière ! (La lumière de la scène se rallume et Joyeuse crie d'une voix triomphante). J’ai réussi ! Regardez !

     (Pif et Pouf lâchent rapidement le voile et se retournent. On peut voir, dans la fumée qui se dissipe, le Père Noël, le vrai, celui de la scène première, comiquement couché dans le landau. Ses pieds et sa tête dépassent de chaque côté. Il continue à sucer le biberon que le Bébé Noël avait gardé dans sa bouche en s'endormant).

 



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