PIECES  DE  THEATRE  POUR  ENFANTS.

 
 

SCÈNE II - LA MÈRE - BIBI


BIBI : Bonne fête, Maman, bonne fête !

LA MÈRE : (se dégageant avec peine de l'étreinte de Bibi) Mais, voyons, Bibi, qu'est-ce qui te prend ? D'où viens-tu si tard ? Que signifient ces fleurs et ces paquets ?

BIBI : Mais Maman, c'est aujourd'hui ta fête ! Hurrah ! hurrah ! Vive Maman ! Bonne fête, Maman ! (Il la couvre de baisers).

LA MÈRE : Ma fête ! Ma parole, tu est fou, Bibi ? Tu sais bien que ma fête est le trente-et-un janvier.

BIBI : Eh oui, je sais bien, petite Mère. Ce n'est pas aujourd'hui la Sainte Marcelle, c'est la Fête des Mères, de toutes les mères, comprends-tu ?

LA MÈRE : Ah ! la Fête des Mères ! C'est vrai, j'ai vaguement lu cela sur le journal... Mais, mon pauvre Bibi, qui t'a donné l'idée... Comment as-tu fait pour acheter ces fleurs magnifiques ? C'est invraisemblable. Enfin, vas-tu m'expliquer ?

BIBI : Ah ! Maman, Maman, c'est toute une histoire !... Figure-toi... Ah ! par quoi commencer ? Par l'agent, par la concierge ou par la fée ?... Il y a tellement à raconter !... Voilà... C'est deux copains qui m'ont renseigné. Moi, j' savais pas, tu comprends ? Alors, j'ai voulu faire comme eux et t'offrir un petit cadeau. Comme j'avais pas l' sou, j'ai eu une idée...

LA MÈRE : Tu n'as pas volé, Bibi ?

BIBI : Oh ! Maman ! qu'est-ce que tu vas supposer ? Non, pour gagner de quoi t'acheter un bouquet, tout l'après-midi, j'ai chanté dans les cours, oui, Maman, j'ai chanté pour toi !

LA MÈRE : Oh ! Bibi !

BIBI : Ne m' gronde pas, p'tite Mère. J'ai été assez puni comme ça. Il faut croire que ma voix n'a rien de charmeur car, partout, j'ai été reçu comme un chien dans un jeu d' quilles et, au lieu de pièces de monnaie, on m'a balancé des seaux d'eau et des ordures sur la tête !

LA MÈRE : (l'embrassant) Mon pauvre Bibi !... Mais alors, ces fleurs ?


BIBI : Attends, j'y arrive ! Sur le point d'être arrêté par un flic...

LA MÈRE : Oh ! mon Dieu... arrêté !

BIBI : Te frappe pas, Maman, c'est pas arrivé !... Sur le point donc d'être arrêté, j'ai été sauvé par une fée.

LA MÈRE : Une fée ?

BIBI : Oui, Maman, une belle dame comme on en voit au cinéma, avec des diamants partout, mais pas des en verre comme la broche de Tête d'Hareng, des vrais qui brillaient comme des étoiles. Ah ! Maman, elle était belle, elle sentait bon, elle sentait... oui, sûrement, ça devait être "Un soir d'été en Andalousie" !

LA MÈRE : (ahurie) La fée ? Tête d'Hareng ? L'Andalousie ? Que signifie ce charabia ?


BIBI : Ah ! oui, c'est vrai, je t'expliquerai ! Alors, la fée - je veux dire la belle dame - a empêché l'agent de m'emmener à la poste.


LA MÈRE : À la poste ? Pourquoi diable voulait-il t'emmener à la poste ?


BIBI : Parce que c'est défendu, paraît-il, de chanter sans autorisation sur la voie publique. Heureusement la fée était là. Elle m'a appelé : "Mon petit Robert" avec une voix si douce que j'en ai eu soudain envie de pleurer, là, bêtement, sans savoir pourquoi. Tu comprends, M'man, c'était la première fois qu'on m'appelait par mon vrai nom !


LA MÈRE : (émue) Mon tout-petit, pardonne-moi ! Je ne savais pas que ça te peinait, ce surnom de Bibi.

BIBI : Mais non, Maman, qu'est-ce que tu vas penser là ? Non, ça m' changeait, voilà tout ! J' continue mon histoire. Une fois débarrassés de l'agent qui, au fond, était un brave type, la belle dame m'a emmené dans des baths magasins où elle a acheté ces belles fleurs et des montagnes de cadeaux pour toi. (Il tend les boîtes). Tiens, regarde, Maman, regarde ! Y a de tout dans ces paquets : du linge, des gâteaux, des robes, de la charcuterie, des souliers... et pis y a aussi une lettre !


LA MÈRE : Une lettre ?


BIBI : Oui, une lettre de la fée pour toi ! (Il cherche et la découvre à travers les paquets). Tiens, la voici !

LA MÈRE : (prenant la lettre) Quelle étrange aventure (lisant) "Madame, permettez-moi tout d'abord de vous féliciter d'avoir un fils tel que votre petit Robert. C'est un brave enfant plein de cœur et de courage qui sera, j'en suis sûre, la consolation de votre vie. Ces cadeaux que je vous prie d'accepter, ce n'est pas moi qui vous les offre. C'est votre petit. Il les a gagnés aujourd'hui avec ses chansons et surtout avec son cœur. Vous ne me devez, Madame, aucune reconnaissance. C'est moi qui dois à votre enfant une des plus douces joies de ma vie."

Signé : Comtesse de X...

     (La mère qui a lu à mi-voix, demeure songeuse, la lettre à la main).

BIBI : Qu'est-ce qu'elle te dit, la fée, dis M'man ? Elle t'a pas fait de la peine, au moins ? Tu as l'air toute chose !

LA MÈRE : Non, mon chéri ! Elle m'a ouvert les yeux. Elle m'a appris à mieux te connaître, à mieux t'aimer !

BIBI : Cette blague ! Tu m'aimais pourtant déjà bien... avant !

LA MÈRE : Oui, mon chéri, je t'aimais. Seulement, je ne te le montrais peut-être pas assez ! Tu comprends, mon travail, mon chagrin, mes soucis... (vivement) Mais maintenant, tu vas voir, tu vas voir si je vais me rattraper, mon petit... Robert !

BIBI : (ému, se précipite vers sa mère et l'embrasse, assis sur ses genoux) Maman ! Répète : tu le dis encore mieux que la fée !

LA MÈRE : Mon petit Robert !


BIBI : Ma p'tite Maman !

LA MÈRE : (secouant son émotion) Et maintenant, Robert, avant d'ouvrir tous ces paquets, je vais te demander quelque chose.

BIBI : Quoi donc, Maman ?

LA MÈRE : Voilà... Cette chanson que tu as répétée tout l'après-midi, sans succès, à travers les cours, cette chanson qui t'a valu tant de déboires et tant de peines, veux-tu la chanter ce soir pour moi, rien que pour moi ?

BIBI : J'veux bien, Maman, mais...


LA MÈRE : Mais quoi ?


BIBI : (soupirant) Elle me rappelle de bien mauvais souvenirs, tu sais !

LA MÈRE : Ils s'effaceront vite près de moi, mon chéri. Allons, va, va !... je t'écoute.

BIBI : (toujours blotti sur les genoux de sa mère, se met à chanter. Mais, peu à peu, les images de l'après-midi surgissent, douloureuses. Un voit qu'il se raidit et lutte contre les larmes qui, malgré lui, emplissent ses yeux).
Jolie maman, jolie maman,
Tu es la plus jolie.
Ce soir, c'est ta fête,
Ce soir, c'est la fête...

     (À ce moment psychologique, il éclate en sanglots et se jette au cou de sa mère, surprise !)

LA MÈRE : Pourquoi pleures-tu, mon petit Robert ? Allons, continue, continue...

BIBI : Pardonne-moi, Maman ! Cet après-midi, c'est curieux, j'ai jamais pu aller plus loin. C'est à cet endroit là qu'arrivait la tuile : le seau d'eau, le balai, l'agent. Même maintenant, près de toi, il y a encore quelque chose qui me serre la gorge, qui m'étouffe et je sens que jamais, jamais plus, Maman, je ne pourrai chanter jusqu'au bout cette chanson !

 


- F I N -
 


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