PIECES DE THEATRE POUR ENFANTS.
Consterné dans sa nouvelle tenue, l'aubergiste craint d'être pris et pendu comme malfaiteur ; il tombe assis, les coudes appuyés sur la table et la tête dans ses deux mains ; du fond, on voit alors apparaître Pierrot, affublé du costume de Spalatro, il porte gravement sa lance sur l'épaule et semble croire qu'on ne le reconnaîtra pas ; il raconte que l'estafier étant ivre, il l'a couché dans un ravin, qu'il a pris ses vêtements après avoir mis les siens à côté de lui. Habillé comme il l'est, c'est lui qui va faire peur aux autres ; en ce moment il aperçoit Ayoli revêtu du costume du bandit, il se met à trembler ; l'aubergiste a relevé la tête, il voit l'estafier et tremble à son tour ; tout deux tombent à genoux en se demandant grâce ; en s'agenouillant Pierrot laisse tomber sa lance. Au bruit qu'elle fait, Ayoli se relève, pousse un cri et s'enfuit par la montagne. Pierrot qui a vu fuir celui qu'il croit être le brigand, se redresse avec fierté, fait des évolutions avec sa lance, l'accroche à un arbre, la lâche avec frayeur en courant à l'autre extrémité de la scène, il se met à rire en reconnaissant la cause de sa peur, puis songeant qu'Ayoli est seul dans l'auberge où il doit être revenu, il pense à lui faire une bonne farce et s'assied en frappant avec force sur la table.
Scène XIV.
Ladrone, en aubergiste, vient gravement demander ce qu'on désire. À boire ! répond Pierrot qui ne regarde pas Ladrone supposant que c'est l'hôtelier et qu'il doit avoir peur ; Ladrone qui a reconnu Pierrot, apporte une bouteille, deux gobelets, verse, et trinque : à ce moment, Pierrot l'examine ; à la vue de ce visage bronzé, le gobelet lui échappe : le bandit lui saisit le bras et lui reproche d'avoir tué l'estafier ; Pierrot s'en défend, tremble et demande grâce ; Ladrone alors lui commande de retirer les vêtements de Spalatro et de les lui remettre ; Pierrot s'en défait, aide Ladrone à s'en affubler à son tour en lui passant les manches de travers et lui fourrant la pointe du chapeau dans l’œil ou dans la bouche ; le brigand se met en colère, menace Pierrot craintif, puis s'emparant de la lance, sort par la gauche en le couchant en joue avec sa hallebarde ; Pierrot se jette à genoux et Ladrone s'en va.
Scène XV.
Enhardi par le silence, Pierrot se relève et, ne voyant personne, saute de joie de l'avoir échappée belle ; il court faire un pied de nez dans la direction prise par Ladrone ; Ayoli rentre craintivement, il a d'abord peur de Pierrot, puis le reconnaissant il l'appelle ; Pierrot se retourne, croit voir un second bandit, tourne pour lui échapper et tout en courant fait tomber la table et les tabourets dans les jambes d'Ayoli qui saute, cabriole et vient saisir Pierrot par un bras ; celui-ci s'agenouille, demande grâce et veut offrir de l'argent au brigand ; il se tâte, pousse un cri de désespoir, se redresse en arpentant la scène ; Ayoli se campe devant lui en demandant ce qu'il a. Pierrot le reconnaît, l'embrasse et lui explique qu'il a perdu son portefeuille ; s'étonnant du costume d'Ayoli, il lui demande s'il ne l'a pas volé ; soudain il réfléchit que ce portefeuille est dans le vêtement qu'il a laissé près de l'estafier, il se dispose à courir le chercher.
Scène XVI.
C'est alors qu'on voit apparaître au fond Spalatro, soutenu par Piccolino, auquel il prodigue des marques de reconnaissance ; il porte le costume de Pierrot sur le bras ; ce dernier, de même qu'Ayoli, recule terrifié au fur et à mesure que l'estafier s'avance ; soudain Spalatro voit ses agresseurs, il lance le costume à la tête de Pierrot qui s'empresse de le remettre et s'assure avec joie que le portefeuille est toujours dedans ; Spalatro lui reproche de l'avoir grisé puis transporté dans la montagne ; il lui redemande son habit et sa lance ; Pierrot ne paraît pas savoir ce qu'il veut dire et invoque le témoignage d'Ayoli qui jure ses grands Dieux qu'il ne connaît rien de cette aventure ; Pierrot enhardi désigne Piccolino comme coupable, mais Spalatro lui frappe sur l'épaule avec bonhomie en disant que c'est lui qui l'a sauvé.
Scène XVII.
Un bruit sec se fait entendre et fait écarter le groupe ; c'est Ladrone qui revêtu de l'uniforme de Spalatro et frappant le sol de sa lance, vient en se posant, intimer à tous l'ordre de lui remettre les valeurs qu'ils peuvent posséder. Pierrot cache son portefeuille, Ayoli se dissimule derrière ; l'estafier retrouvant son énergie, reproche à Ladrone de lui avoir volé son justaucorps, son arme et son chapeau ; il cherche à le désarmer, Piccolino voit sur la pierre le pistolet déposé par le bandit, il s'en empare et l'arme. Ladrone donne une bourrade à Spalatro et le fait tomber dans les bras de Pierrot qui le laisse rouler à terre ; la lance lâchée en même temps, tombe sur le pied d'Ayoli qui fait une grimace de douleur ; Ladrone s'échappe par le fond et se met à courir, mais Piccolino le suit rapidement dans la direction qu'il vient de suivre et tire un coup de pistolet sur le fuyard. Pierrot qui est allé regarder, montre que le bandit est tombé. Joie générale, Spalatro donne à tous des poignées de main, en expliquant que les routes sont libres ; Ayoli apporte une bouteille et des gobelets, Pierrot réfléchit qu'il va pouvoir se reposer ; en attendant il se livre à un pas joyeux, mouvement dansant que tout le monde imite en agitant verres et bouteilles.
FIN