PIECES  DE  THEATRE  POUR  ENFANTS.

 
 

LA SAINTE CATHERINE

ou

LA SERVANTE MALADROITE

PANTOMIME MORALE EN UN ACTE.


http://urlz.fr/3B0U

Almanach des enfants. Amusements et jeux pour jeunes filles et jeunes garçons

1880


PERSONNAGES :

CLÉMENCE, jeune fille bourgeoise.
TAQUINE, sa plus jeune sœur.
SIMPLETTE, leur servante.
LA MENDIANTE, rôle grave.
ROSE, jeune paysanne.
NANETTE, sa voisine.
FRANCINE, sa voisine.
ADÈLE, compagne des autres.
DEUX PETITS ANGES.

La scène se passe dans une maison de campagne.


Un salon de campagne.


Scène première.

 


SIMPLETTE, seule.


 

     Simplette, un plumeau à la main, fait une entrée lente, tourne deux fois autour du salon, puis s'assied en se demandant ce qu'elle est venue faire. Jetant les yeux sur son plumeau, elle réfléchit qu'elle vient mettre le salon en état ; elle époussette une chaise qu'elle place ensuite sur la table, en nettoie plusieurs autres qu'elle remet à leur place, mais elle aperçoit qu'il lui en manque une, elle la cherche partout, sous les autres, sous la table, dans sa poche ; regarde par la fenêtre si elle n'y serait pas tombée et se désole en croyant la chaise enlevée ou perdue ; soudain elle la voit sur la table, elle se frappe le front en avouant qu'elle a peu de mémoire ; après avoir reposé la chaise à l'endroit où elle manque, elle continue son nettoyage, prend un pot de porcelaine et l'époussette à son tour ; en ce moment on frappe au fond. En voulant aller ouvrir, elle lâche le pot qui se brise ; effrayée de ce qu'on pourra lui dire, elle ramasse vivement les morceaux qu'elle veut mettre dans son tablier ; elle met ces débris à côté, il tombent sans cesse à terre, ce qui rend l'opération plus longue ; on frappe à plusieurs reprises, elle fait signe qu'elle va ouvrir ; enfin ayant ramassé tous les fragments de la potiche, elle délie son tablier, pose le tout sur la table et va ouvrir la porte.



Scène II.

PIERRETTE, ROSE, NANETTE, FRANCINE, ADÈLE.



     Une jeune paysanne fait son entrée, c'est la voisine Rose ; elle tend la main à Simplette qui la prie de s'asseoir un instant ; elle prend son tablier pour aller au-dehors le débarrasser des tessons qu'il contient, mais Rose lui indique qu'on heurte à la porte ; Simplette va, ouvrir. Nanette, une .seconde paysanne, fait son entrée ; le même fait se renouvelle encore deux fois pour Adèle et Francine ; Simplette paraît contrariée, mais sans y mettre ni impatience ni colère, elle reçoit les quatre jeunes filles et leur demande ce qui les amène ainsi toutes. Les paysannes se mettent à rire et répondent qu'elle le sait très bien ; Simplette affirme naïvement qu'elle n'en sait rien ; Rose déplie une grande feuille sur laquelle il est écrit : Aujourd’hui, Sainte Catherine, fête des demoiselles. Les quatre paysannes entourent la servante et l'interrogent pour savoir si mademoiselle Clémence, la maîtresse de la maison, fêtera leur sainte. Simplette hausse les épaules en signe d'ignorance. Elle n'en sait rien ! Vexées de la niaiserie de Simplette, les quatre jeunes filles se concertent et décident que si la fête n'a pas lieu dans cette maison, elles la donneront dehors, en invitant tout le monde ; c'est convenu : on saute de joie ; Adèle saisit Simplette par les deux mains et la fait tourner comme un toton, puis elles se lâchent. Simplette va tomber sur une chaise à droite, Adèle sur une autre à gauche. Mais elle a fait trop tourner la pauvre servante qui se trouve étourdie et suffoquée ; ses camarades lui demandent si elle a du mal. Francine court chercher un verre et une bouteille pour lui faire prendre quelque chose ; au moment où elle va verser, Rose lui retient le bras... c'est une bouteille d'encre !... On rit de la méprise, Simplette est remise de son étourdissement et ne désire rien ; on lui donne la feuille annonçant la fête en la chargeant de la remettre à sa maîtresse, puis les paysannes s'en vont en lui disant : Au revoir !



Scène III.

TAQUINE, PIERRETTE.



     Toujours mal avisée, Simplette fourre par distraction dans la poche du tablier qui contient les débris du vase, la feuille que les paysannes lui ont confiée : Taquine a montré sa tête, elle entre ensuite doucement, examine et surprend Simplette en train de cacher quelque chose ; puis elle sort vivement en faisant tomber une chaise ; Simplette se retourne, repose son tablier sur la table, regarde de tous côtés pour savoir ce qui a pu renverser la chaise qu'elle remet sur pied. Elle sort par la porte du fond. Taquine revient prestement, ouvre le tablier, en retire la feuille et s'enfuit en entendant revenir Simplette qui n'a vu personne et s'imagine être le jouet d'un songe ; elle va pour sortir de nouveau, son tablier plié à la main, lorsqu'elle réfléchit qu'elle emporte le papier qu'on l'a chargée de remettre à Clémence, mais ce papier n'y est plus ; elle le cherche en vain de tous côtés en accusant sa mémoire, elle finit par supposer que le vent l'aura jeté par la fenêtre ; elle va se débarrasser de ses tessons et en même temps rechercher ce papier ; au moment de sortir par la porte du fond, Taquine qui est venue d'une chambre de côté lui barre le passage en lui demandant ce quelle tient là, si bien dissimulé. Simplette interdite, avoue franchement sa faute et lui montre les débris du vase qu'elle a brisé ; Taquine fait une exclamation menaçante, et, entrouvrant une porte à droite fait un signe d'appel au dehors.



Scène IV.

CLÉMENCE, TAQUINE, PIERRETTE.



     Au bout d'un instant et par une porte latérale, entre Clémence, sœur de Taquine. C'est une grande et belle jeune fille à la mise et à la tournure modestes et distinguées, paraissant aussi posée que sa sœur est turbulente ; elle demande, avec un sourire aimable, pour quelle cause on l'appelle. Taquine lui explique la maladresse de Simplette en disant qu'elle a brisé le vase qui ornait la console ; sans se fâcher, Clémence demande si c'est vrai à Simplette qui baisse la tête ; Taquine, froissée de son silence, lui retire avec brusquerie le tablier qu'elle tient toujours plié par les quatre coins, elle l'ouvre et en montre le contenu, mais au lieu des débris qu'elle croit y rencontrer, ce sont des fleurs qui s'en échappent !... Étonnement de toutes ! Taquine est stupéfaite ! Simplette croise les mains en remerciant la Providence qui a dû intervenir en sa faveur. Clémence reproche, à sa sœur d'avoir fait une dénonciation mensongère. Taquine, vexée se promet d'éclaircir ce mystère, Simplette remise de son émoi, conte à sa maîtresse, la visite des quatre voisines, puis le dépôt du papier disparu d'une manière qu'elle ignore. Clémence sourit, lui touche délicatement la joue en disant que sa mémoire n'est pas heureuse. Taquine, pendant ce court dialogue, est allée déposer le tablier accusateur qu'elle tenait à deux mains, elle revient avec le papier remis par les paysannes. Le voilà ! dit Simplette en l'apercevant !... Je l'ai trouvé, répond Taquine !... Clémence se met à le lire et ajoute gaîment qu'elle y avait songé !... C'est elle qui fêtera ce jour même la Sainte Catherine traditionnelle, elle va écrire des lettres d'invitation pour les demoiselles ses voisines qui ont bien voulu se rappeler à elle, puis donnant une pièce d'or à Simplette, elle lui remet en même temps un papier sur lequel sont inscrites les diverses marchandises qu'elle ira commander pour leur petite collation, Elle lui recommande d'être exacte, ajoutant qu'elle sera de la fête également ; puis elle sort avec dignité, priant sa sœur de venir l'aider à écrire les lettres pour ses invitées.



Scène V.

SIMPLETTE, LA MENDIANTE.



     Restée seule, Simplette examine la pièce qu'on lui a remise, puis se remémorant les recommandations faites par sa maîtresse, elle ira porter chez le boulanger du lieu le papier qui comporte la commande d'un gâteau. La pauvre fille toujours ahurie, va, vient d'une place à l'autre, oubliant tantôt sa pièce, tantôt le papier ; au moment de sortir, elle trouve sur le seuil de la porte, une vieille femme encapuchonnée et s'appuyant sur un bâton ; elle est courbée par l'âge et tend la main, timidement. Simplette la voyant fatiguée, l'invite à s'asseoir. La vieille la remercie en disant qu'il lui faut aller de porte en porte pour demander le pain quelle ne peut plus gagner. Simplette met la main à sa poche pour lui donner une obole, elle ramène la pièce d'or... mais cette pièce appartenant à sa maîtresse, elle n'a pas le droit d'en disposer. Elle prie la mendiante d'attendre un instant pendant qu'elle ira chercher ses économies particulières.
 

Scène VI.


TAQUINE, LA MENDIANTE, SIMPLETTE.



     Aussitôt Simplette disparue, la vieille se dresse de toute sa hauteur, elle grandit et prend une pose majestueuse en montrant que si le cerveau de cette jeune fille est simple, son cœur est bon... Après cette observation, elle reprend son attitude humble. Taquine vient de montrer sa tête curieuse ; elle examine la vieille qui semble ne pas la voir et se cache en entendant revenir Simplette !... Cette dernière rentre allègrement, elle tient à la main un long bas dans lequel sont amassées ses petites épargnes ; elle en tire quelques sous qu'elle donne à la vieille, puis ayant posé son bas sur un meuble, elle offre à la pauvresse de s'appuyer sur son bras : elle a des courses à faire, elle lui servira d'appui le plus loin possible.


 

Scène VII.

CLÉMENCE, TAQUINE.



     Taquine, qui s'est dissimulée pendant cette dernière partie de la scène, revient vivement au meuble sur lequel Simplette a posé sa tirelire un peu ménagère. Elle en rit d'abord, puis sa curiosité prenant le dessus, elle en visite le contenu qui est composé de pièces d'or !... Étonnement de la jeune fille. Clémence entre en scène tenant quelques lettres. Ce sont des invitations aux voisines pour venir fêter la Sainte Catherine chez elle, elle veut faire porter ces invitations par Simplette et se retourne en cherchant sa servante, elle voit sa sœur ébaubie de sa découverte ; elle lui en demande la cause. Taquine explique que ce bas appartient à Simplette et qu'il est plein d'or. Clémence reproche à sa sœur une curiosité coupable et lui ordonne de remettre ce qu'elle tient où elle vient de le trouver. Taquine en colère n'écoute rien et veut interroger sa servante.


Scène VIII.

TAQUINE, SIMPLETTE, CLÉMENCE.



     Rentrant par le fond, Simplette vient conter à sa maîtresse qu'elle a fait sa commission. Elle a commandé le gâteau et lui remet le reste de monnaie qui lui revient sur la pièce changée. Clémence se déclare satisfaite et, lui donnant les quatre lettres qu'elle vient d'écrire, lui dit d'aller les distribuer à leurs adresses. Simplette va sortir de nouveau, mais Taquine la retient en lui montrant son bas-tirelire et en lui demandant si elle sait ce que ce bas renferme. La servante répond qu'il est à elle et qu'elle l'a oublié sur un meuble. Taquine alors désire savoir d'où vient l'or que ce bas contient. Simplette sourit, sa tirelire ne renferme que des sous !... Taquine surexcitée, vide le bas sur la table, en effet, ce ne sont bien que des sous qui s'en échappent .La jeune espiègle est confuse. Simplette sans comprendre son étonnement remet son argent, en place, tandis que Clémence s'approche de sa sœur et lui fait un reproche sur son esprit soupçonneux et taquin. Après quoi faisant un geste amical à Simplette et lui recommandant de nouveau ses lettres, elle sort par la droite.

 

Scène IX.

SIMPLETTE, TAQUINE.


 

     La servante a reconduit cette bonne maîtresse en lui promettant tout son dévouement. Taquine restée muette de confusion et de surprise, fait à l'écart un geste de menace à Simplette, puis s'emparant des lettres d'invitation que sa sœur a posées sur la table, elle les déchire, en met les morceaux dans sa poche et montre que personne ne venant, la faute en retombera sur Simplette. Celle-ci retourne à la table où elle cherche ses lettres ; Taquine lui demande ce qu'elle veut. La servante explique qu'elle désire s'acquitter de sa commission. Taquine rit aux éclats en montrant qu'elle a perdu toute mémoire : ces lettres lui ont été données le matin et dépuis longtemps elle les a portées... Simplette est ébahie d'étonnement et accuse son manque de sagacité, sa mémoire rebelle, tandis qu'à part, Taquine fait sur son doigt, le geste de ratisser ; puis, comme on ne tardera sans doute pas à venir apporter le gâteau, elle lui dit de placer la table, après quoi Taquine sort en promettant d'autres niches à la malheureuse servante. Simplette met la table au milieu de la scène et va chercher une nappe. Taquine, en son absence, revient mettre la table à une autre place. Simplette qui rentre, la cherche et paraît toute étonnée de la voir ailleurs ; elle la remet en ordre, étend sa nappe dessus et va chercher des assiettes ; Taquine qui s'était cachée, enlève la nappe, la place sur une chaise, puis elle place la table du côté où doit revenir Simplette. Celle-ci rentre, heurte la table qu'elle renverse et ne comprend rien à toutes ces malices ; elle remet la table sur pied, cherche de, tous côtés la nappe qu'elle retrouve sur la chaise, sans deviner quel mauvais génie lui joue ces méchants tours : elle a oublié des gobelets et sort pour en prendre.. Taquine revient, met la table les quatre pieds en l'air et pose, la nappe sur ces quatre pieds, puis elle se sauve. Simplette, reparaît contente cette fois de ce que la table est restée en place. Elle met les gobelets sur la nappe qui cède et tombe sous leur poids : La pauvre fille est désolée, mais elle a tout ce qui lui faut et ne quittera plus la salle à manger : elle remet la table à gauche, un bout du côté, de l'ayant-scène, l'autre allant vers le fond, en biaisant un peu, elle remet la nappe, les assiettes, les gobelets et des sièges sans être troublée,en rien ; ensuite elle se frotte les mains contente de son travail.


Scène X.

ROSE, NANETTE, FRANCINE, ADÈLE, SIMPLETTE.



     La porte s'ouvre au fond. Rose et Nanette entrent joyeusement précédant Francine et Adèle. Elles portent un plateau au milieu duquel se trouve une brioche. Simplette, contente, les invite à la poser sur la table, ce qu'elles font avec cérémonie ; puis dans leur gaîté, elles se mettent à sauter en rond, en prenant Simplette par les mains et en l'obligeant à faire comme elles ; celle-ci se dégage, dit aux jeunes filles d'aller au jardin en attendant que sa maîtresse les appelle pour la collation. Elle leur procure raquettes, volants, cordes à sauter... Les jeunes filles disent qu'elle a raison et sortent gaîment.





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