PIECES  DE  THEATRE  POUR  ENFANTS.

 
 
CHARLOT. - Je ne demande pas mieux, quoique ce ne soit pas divertissant d'être toujours ainsi sur le qui-vive.


HENRIQUE. - Qu'est-ce que cela fait ? Veux-tu encore du pâté ?


CHARLOT. - Ce n'est pas de refus. (Écoutant.) Attendez donc... Il me semble....

HENRIQUE. - Bon ! Qu'est-ce qui te prend maintenant ?


CHARLOT. - Je croyais avoir entendu....


HENRIQUE. - Mange donc tranquillement !


CHARLOT. - Tranquillement l C'est plus facile à dire qu'à faire. (Avec satisfaction.) C'est égal, ce pâté-là... Je m'en souviendrai !


HENRIQUE. - À la crème maintenant.


CHARLOT, riant. - Voilà une crème comme nos vaches n'en donnent pas. (Il y goûte et fait claquer sa langue avec satisfaction.) Pour la crème !... Je ne dis que çà ! (S'interrompant.) Ah ! cette fois !... (Il tend de nouveau l'oreille.)


HENRIQUE, de même. - Oui, tu as raison.


CHARLOT. - On approche.


HENRIQUE. - Je reconnais le pas de mon maître.


CHARLOT, effrayé. - Vous croyez !


HENRIQUE. - Oui, c'est bien lui ! Oh ! pour le coup, Chariot, cache-toi bien vite. (Charlot se blottit de nouveau sous la table.)



SCÈNE VI.


HENRIQUE, CHARLOT, caché, LE MAÎTRE, en dehors.


LE MAÎTRE. Eh bien, monsieur Henrique, pourquoi donc êtes-vous enfermé ?


HENRIQUE. - Pour rien, Monsieur.


     (Tout en parlant, il se bâte de faire disparaître les assiettes, qu'il fourre sous la table ou est déjà Chariot ou bien sous les fauteuils, ou bien encore sous l'autre table. Il est très agité.)


LE MAÎTRE. - Ouvrez-moi la porte.


HENRIQUE, continuant ses rangements et replaçant les livres et les cahiers sur la table. - Voilà, Monsieur, voilà ! (Bas, à Chariot.) Es-tu bien caché ?


CHARLOT. - Oui.


LE MAÎTRE, avec impatience. - Ah ça ! M'ouvrirez-vous ?


HENRIQUE. - Tout de suite, Monsieur. (Apercevant la casquette de Charlot sur un fauteuil.) Ah ! encore cette casquette ! (Il la fourre dans sa poche ou dans un vase à fleurs. Chariot est sous la table, ahuri, se faisant le plus petit possible, retenant son souffle et tenant toujours son pot de crème d'une main et son biscuit de l'autre.) (Henrique ouvre la porte.)


LE MAÎTRE, entrant. - Ce n'est pas dommage ! Vous avez eu bien de la peine à vous décider à m'ouvrir ! À quoi donc étiez- vous occupé ?


HENRIQUE, avec embarras. - Je faisais le pensum que vous m'avez donné.


LE MAÎTRE, avec incrédulité. - Votre pensum ? Et il était nécessaire de vous enfermer pour cela ? (Tout en partant, le maître inspecte la chambre). Eh bien, l'avez-vous fini ce pensum ?


HENRIQUE. - Pas encore, Monsieur.


LE MAÎTRE. - Je crois en effet qu'il ne doit pas être très avancé, car je soupçonne que vous étiez occupé à tout autre chose.


     (Henrique murmure des paroles intelligibles.)


LE MAÎTRE. - C'est ce que nous verrons tout à l'heure, quand je reviendrai vous donner votre leçon.


     (Le maître sort.)


SCÈNE VII.


HENRIQUE, CHARLOT.


HENRIQUE, attend quelques instants à la porte, puis, quand les pas du maître ne se font plus entendre, il ferme de nouveau la porte. - Vite, vite, Charlot, reprends ta place et finissons notre goûter.


CHARLOT, sortant de dessous la table. - Ah bien ! écoutez, monsieur Henrique, j'en ai assez. C'est désagréable d'avoir toujours l'oreille au guet et d'être obligé à chaque instant de se cacher comme si l'on faisait quelque chose de mal. Sans compter que cela vous a forcé de faire de la peine à votre petite sœur et de tromper ce monsieur, votre maître, ce qui n'est point beau. Moi, je n'aime pas mentir et je ne veux pas que les autres mentent non plus à cause de moi. Certainement votre cuisine vaut mieux que la nôtre. Jamais de la vie, c'est sûr, je ne mangerai quelque chose d'aussi bon que ce pâté, dont la croûte était d'une couleur si appétissante, et que cette crème noire dont je n'ai fait que goûter. N'importe ! je préfère à l'avenir me contenter de ce qu'on mange chez nous. À votre prochaine visite à la ferme, je ferai mon possible pour vous bien recevoir et je vous servirai ce que nous possédons de meilleur. Dame ! ce ne sera pas des friandises, comme celles que vous m'avez offertes et je ne vous régalerai pas comme vous m'avez régalé. Seulement nous goûterons en paix, personne ne viendra nous déranger et vous ne serez pas dans des transes continuelles, comme je l'ai été ici.


HENRIQUE. - Finis du moins ton petit pot de crème.


CHARLOT. - Non ; je vous le répète :

Air connu. (Il chante.)

Merci bien, monsieur Henrique ;
Bientôt vous viendrez chez moi
Ce n'est pas que je me pique
De tous vos festins de roi.
Mais rien ne vient m'interrompre !
Je mange tout à loisir.
Adieu donc ! Fi du plaisir
Que la crainte peut corrompre.


RIDEAU
 


INDICATIONS POUR LA MISE EN SCÈNE

DU

RAT DE VILLE ET DU RAT DES CHAMPS.



     Le théâtre représente un salon. Une seule entrée est nécessaire. Sur le devant du théâtre, une table garnie de livres et de ce qu'il faut pour écrire, avec un tapis, laissant voir aux spectateurs tout ce qui se passe sous la table. (Il sera nécessaire de le fixer à l'aide de deux petits clous, pour qu'il ne glisse pas lorsqu'on enlèvera ce qui est dessus.) Une autre table, avec un tapis descendant jusqu'à terre, ou bien fauteuils garnis de housses.


Costumes.

HENRIQUE. — Costume d'écolier.


CHARLOT. - Costume de paysan endimanché.


Accessoires.

Livres. Couteau à papier. Plateau avec assiettes et ce qui est énuméré dans la scène III.



     On pourra trouver une version de cette histoire plus proche de la fable d'origine sur : http://ombres-et-silhouettes.wifeo.com/le-rat-de-ville-et-le-rat-des-champs.php

 


 



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