PIECES  DE  THEATRE  POUR  ENFANTS.

 
 
Scène XV.


     Pierrot, ceint d'une épée, arrive en époussetant son jabot et ses manchettes ; à la vue de Dindonnet contenant le tambour il fait un geste de surprise et d'indignation. Il commande au bonhomme de détacher cet ivrogne et de le bannir de sa vue ; on le détache avec force bourrades et on le fait partir. À deux on trois reprises différentes, il rentre et on le chasse de nouveau à l'aide d'un coup de pied. Enfin il est parti, semblent dire les deux hommes qui surveillent sa marche ; après quoi Dindonnet complimente Pierrot dont il admire la tournure ; celui-ci étale ses grâces avec une comique complaisance ; Dindonnet l'invite à entrer, mais Pierrot préfère prendre l'air et demande à s'asseoir devant la maison en prenant quelque chose. Le bonhomme défère à ses voeux, place la table, offre une chaise à Pierrot, la retire aussitôt pour souffler dessus, Pierrot qui allait s'asseoir tombe à terre. Il se relève, Dindonnet s'excuse, place la chaise qu'il retire encore, pour la mettre plus au milieu. Pierrot, qui croit s'asseoir de confiance, tombe encore et se fait mal. Dindonnet l'aide à se relever, tout en le laissant retomber ; un violent effort le remettant sur pied envoie Pierrot s'aplatir sur la table ; il souffle avec violence et demande à boire pour se remettre de ses émotions. Dindonnet entre chez lui chercher du vin pendant que Pierrot assis tâte ses membres un peu courbaturés.



Scène XVI.


     S'étirant et bâillant avec complaisance, Pierrot n'aperçoit pas les six paysans qui rentrent sans bruit et armés de triques ; ils se montrent. Pierrot dont ils ne voient que le dos et qu'ils prennent pour Bouton-d'Or : l'un l'autre ils s'engagent à taper dessus, mais c'est à qui n'osera pas commencer. Enfin, s'enhardissant et s'excitant du regard, les six coups de bâton tombent ensemble sur les bras, le dos et les reins du pauvre Pierrot qui se redresse et fait le tour de la scène, en repassant à plusieurs reprises devant chaque paysan qui lui assène un nouveau coup.



Scène XVII.


     Accourant au bruit, Dindonnet sort de sa demeure et tombe au milieu des paysans, qui dans leur fougue, ne font nulle attention à qui vient et tapent sur les deux. À la fin Pierrot saisit le bâton d'un de ses agresseurs, Dindonnet en saisit un autre ; alors les yeux s'ouvrent, l'erreur commise est reconnue. Dindonnet leur explique qu'ils ont eu l'audace de frapper Monseigneur et qu'ils vont le payer cher. Les paysans consternés se jettent à genoux ou joignent les mains en demandant grâce. Pierrot en faisant des grimaces, par suite du mal qu'il ressent, montre qu'il veut être inflexible. Dindonnet en reculant clopin-clopant, de même que Pierrot, désigne le bailli qui arrive au loin et auquel il va faire une déclaration qui amènera un procès-verbal. Les paysans se concertent pendant que Pierrot et Dindonnet se donnent la main, en faisant des contorsions occasionnées par la douleur.

 


Scène XVIII.


     On se retourne ; en effet, le bailli arrive méthodiquement, avec un grand portefeuille sous le bras, longue perruque et robe noire. Il salue, les paysans s'inclinent avec soumission. En voulant répondre au salut du bailli, Pierrot et Dindonnet se heurtent ou se tournent constamment le dos, de manière que l'un d'eux se pose le visage sur les reins de l'autre. Le bailli demande ce qu'on désire de son ministère. Pierrot et Dindonnet, le tirant chacun par un bras de droite à gauche, puis de gauche à droite, l'amènent au milieu du théâtre et lui expliquent que ces marauds les ont battus ! Le bailli fait une grimace très expressive et dit qu'il va dresser contravention. Il désire qu'on approche la table ; elle est amenée, tiraillée, replacée, non sans débat. Pierrot offre une chaise au bailli, Dindonnet la retire pour l'offrir à Pierrot, le bailli tombe à terre, on le relève. Dindonnet prend une autre chaise et va pour s'asseoir, le bailli s'en empare et s'assied. Dindonnet tombe à terre. Furieux, il se relève, et va chercher une troisième chaise qu'il pose avec violence sur le pied du bailli ; celui-ci étendant les deux bras soufflette du même coup Pierrot et Dindonnet ; enfin le bailli tire ses papiers et commence à écrire en faisant avancer devant lui chaque paysan soumis et pleurant ; pendant qu'il verbalise, il croit tremper sa plume dans l'encre et pique la main de Dindonnet. À la fin, lisant de tout près l'acte qu'il vient de rédiger et feignant de mordre le nez de Pierrot qui s'approche pour en connaître le libellé, il le prie de signer l'acte réquisitoire.

 


Scène XIX.


     Pierrot s'apprête à mettre sa griffe sur le papier, lorsqu'une main le repousse, s'empare du papier et qu'un homme à l'air majestueux et hautain vient se mettre entre lui et les autres personnages ; c'est Bouton-d'Or costumé en élégant seigneur ; à sa vue, Pierrot fait un mouvement, recule et se découvre en demandant grâce ; le bailli rit à se tordre ; Dindonnet d'abord surpris, après avoir fait enlever la table et les chaises par les six paysans qui se montrent empressés, demande ce que signifie cette scène. Bouton-d'Or, montrant le poteau, dit que c'est lui qui est le seigneur et que Pierrot est son domestique, lequel s'était affublé de ses vêtements pour tromper la bonne foi générale. Dindonnet furieux tape sur Pierrot qui se tient l'oreille basse ; les paysans rassurés se moquent de lui et lui envoient des bourrades. Pierrot mortifié, montre le procès-verbal que Bouton-d'Or déchire aussitôt et fait ensuite appel au bailli, qui, pouffant de rire à nouveau, retire sa robe, ses lunettes et sa perruque, montrant le tambour du village qui le raille comme tous les autres. Pierrot s'agenouille devant Bouton-d'Or, qui reconnaissant son repentir, lui accorde sa grâce ; tout le monde embrasse le seigneur et l'acclame. Pierrot content d'être pardonné prend le tambour à bras-le-corps et commence un pas comique auquel se mêlent Dindonnet et tous les paysans.

 

FIN




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