PIECES  DE  THEATRE  POUR  ENFANTS.

 
 
Scène XI.

Violette, Mignonne.


     (La porte de la chaumière s'ouvre, Violette sort, suivie de la fée Mignonne qui a repris les vêtements de la vieille et qui lui parle avec bonté).


MIGNONNE. - Tu t'es bien reposée, n'est-ce pas, mon enfant ? tu vas aller me chercher maintenant, mon pot de beurre et ma galette ?... Pour arriver plus vite... traverse la forêt. (Violette indique que ce parcours peut être dangereux). C'est le chemin le plus court... que crains-tu donc ?... (La jeune fille explique qu'il s'y trouve des loups croquant les moutons). Tu as peur des loups ?... Je vais te donner un préservatif contre tous les dangers. (Elle tire un coqueluchon de dessous sa robe). Ce petit chaperon rouge. (Le donnant à Violette). Porte-le... toujours.


AIR : Non, vous ne l'aurez pas.
Ainsi qu'aux jours de ta naissance,
À peine en butte aux bruits jaloux,
Tu garderas ton innocence
Et craindras peu renards et loups ;
Qu'on t'appelle ou rat ou minette,
D'aucun flatteur n'écoute le ronron ;
Et surtout, gente mignonnette,
De mère-grand, accepte un avis rond :
Ne quitte pas ton petit chaperon.

 

     (Violette qui, pendant ce couplet, s'est coiffée du petit chaperon rouge, assure à la fée, qu'elle croit sa grand-mère, qu'elle ne le quittera sous aucun prétexte. Mignonne se dirige alors vers la maison).


     J'ai confiance en toi ; va, mon enfant !... Je rentre dans ma chaumière ; le Ciel te garde des mauvaises rencontres !



Scène XII.

VIOLETTE, ASMODÉE.



     (Lorsqu'elle est sûre que sa grand-mère est rentrée, Violette va se mettre en route, lorsqu'Asmodée apparaît devant elle).


ASMODÉE. - J'arrive à temps ! ma jeune proie m'échappait. (Violette s'arrête surprise). Bonjour, Violette ! Tu ne me reconnais pas ? (Violette fait un signe négatif et recule instinctivement). Oh ! ne crains rien ! je ne suis pas un compère loup !... Mon intention n'est pas de te mordre... Bien que tu sois gentille à croquer !... Comment ! tu ne remets pas un camarade d'enfance ? Le diable !,... qu'on appelait Lutin... Farfadet... l'Espiègle ?


AIR : Gentille Bachelette.
Gentille Bachelette,
Dis-moi, te souviens-tu ?
Lorsque, courant seulette
Par le sentier battu ?
Tout plein de gaminage,
Du milieu des roseaux,
Je surgissais en nage,
Tenant des nids d'oiseaux ?...
Souvenirs du jeune âge !
Va, donne-moi la main ;
Nous rirons en chemin.

     (Violette ne le reconnaissant pas, recule en cachant ses mains avec un sentiment de crainte).

     Tu refuses ? Oh ! le joli chaperon rouge ! (Il va pour le toucher et semble éprouver une commotion qui le force à reculer). Quelle impression étrange ! Je me trompe sans doute... Il approche de nouveau et se trouve repoussé d'une façon invisible. Il y a dans ceci quelque nouvelle machination de ma rivale la fée Mignonne !... Jouons un autre jeu. (Souriant). Où vas-tu de ce pas ? (Violette indique quelle va chercher un pot de beurre et une galette de l'autre côté du bois). À la ville ? Chercher un pot de beurre et une galette pour ta mère-grand ?... Je gage avec toi que tout en prenant la route de l’Épingle, qui est deux fois plus longue que celle de l'Aiguille que je laisse... j'arrive ençore avant toi !... Le premier touche au but !



Scène XIII.

 

VIOLETTE, BÉBELLE.



     Violette va s'élancer sur les traces d'Asmodée lorsqu'elle s'arrête tout à coup, en croyant imprudent d'écouter les conseils d'un inconnu. Elle regarde à terre et ramasse la rose magique que, dans sa précipitation, Pierrette a laissée tomber ; elle la respire avec délice et la met à son corsage ; pendant ce temps, Bébelle revient mécontente, elle ne retrouve ni la douairière, ni Pierrette... ni le chien !... Elle aperçoit Violette, la trouve gentille ; Violette est toute confuse de ce qu'une si belle personne s'occupe d'elle ; la princesse voit sa rose et la lui demande ; Violette l'accorde ; Bébelle, en aspire le parfum, éprouve un sentiment d'amitié soudain pour la jeune fille et veut l'emmener avec elle. Violette, s'en défend, indiquant qu'il faut qu'elle aille chercher un pot de beurre et une galette ; la princesse insiste ; Violette s'échappe et se sauve, suivie de Bébelle qui ne veut plus la quitter.



Scène XIV.


PIERRETTE, ASMODÉE.



    (Pierrette arrive chagrinée, regardant à droite, à gauche et cherchant à terre la rose magique que lui donna la fée ; laquelle fleur doit être tombée dans les environs ; pendant qu'elle cherche, Asmodée revient en scène).


ASMODÉE. - Je reçois un télégramme de Satanor... Il m'apprend que je me trompe !... Mignonne veut faire adopter Violette par la douairière pour que celle-ci la dote... Une rose magique qu'elle a donnée à Pierrette, tombée par inadvertance entre les mains de sa filleule, vient de la faire aimer de Bébelle qui veut la présenter à sa tante. Par malheur, je ne puis rien sur la jeune paysanne, protégée qu'elle est par son chaperon rouge... autre cadeau magique de nia rivale enchanteresse. (Regardant Pierrette qui cherche toujours). Tiens ! Pierrette !... Elle a perdu sa rose et la cherche !... qu'elle la retrouve !... mais que cette que je fais croître sous ma main fasse détester la personne qui l'offrira par celle qui en recevra l'hommage.


Il fait un geste et disparaît ; une deuxième rose pousse sur le buisson. Pierrette qui cherche tout en ramassant une foule d'objets divers, aperçoit la fleur nouvelle, et s'étonne de la voir revenue à la place où elle l'avait cueillie, néanmoins elle s'en empare et la place à son corsage.



Scène XV.


PIERRETTE, BÉBELLE.



La princesse revient décontenancée, Violette lui a échappé ?... C'est dommage !... Cette petite lui convenait !... Tout à coup elle aperçoit Pierrette et lui fait impérieusement signe d'approcher ; celle-ci craint la princesse, mais elle songe qu'elle possède un moyen pour la calmer... sa rose magique !... Elle la tire de son corsage et la montre à Bébelle qui la repousse en lui montrant qu'elle en possède une jolie. Pierrette insiste en disant que ça lui en fera deux ; en même, temps elle lui met la rose sous le nez... Bébelle bondit, fait un mouvement de fureur, se cache les yeux pour ne plus voir Pierrette qui la croit devenue folle !... Elle lui donne de nouveau la chasse en la menaçant de son éventail et de coups d'ongles... Pierrette se sauve, la princesse sort en la poursuivant.


 

Scène XVI.

ASMODÉE, seul.


Il entre en scène, le front soucieux.


Par la malpeste ! j'ai fait là une diable de besogne !... Besogne qui ne va pas me mettre bien dans les petits papiers de Satanor... La rose magique que suscitée par moi pour contrecarrer les effets de celle de Mignonne, produit un résultat contraire à mes intérêts !... Par les cornes de Belzébuth l... On a bien du mal pour mener le mal à bien ! J'entends du bruit .. C'est Violette qui revient !... Reprenons la mère-grand !... Tu n'es pas là, Mignonne ! j'en profiterai pour me venger a l'aise sur ta filleule.



Scène XVII.


VIOLETTE, ASMODÉE.



Asmodée entre dans la maison. Violette arrive, tenant son pot de beurre et sa galette ; elle est joyeuse et pense que sa grand-mère sera contente ; la porte est fermée, ce qui l'étonne ; elle frappe et l'on entend la voix d'Asmodée qui répond de l'intérieur :


ASMODÉE.
Sans cordon ni sonnette
Ma porte s'ouvrira.
Tire, ma Mignonnette,
La bobinette !
La chevillette cherra.


Violette obéit, la porte s'ouvre. Au moment d'entrer, la jeune fille se trouve en face d'Asmodée qui a repris la forme d'une vieille femme.


ASMODÉE. - Ah! te voilà revenue ?... avec mes petites provisions ? Tu es aimable, mon enfant !... Pose tout cela dans la maisonnette, en même temps... comme tu as chaud... à force d'avoir couru, débarrasse-toi de ton petit chaperon rouge, qui devient inutile quand je suis là. (Violette fait un signe acquiescement et entre dans la maison). Si elle m'écoute, rien ne pourra la sauver. (La jeune fille reparaît, les, mains libres et sans chaperon). Tu es charmante ainsi !... Pour te récompenser, je vais te chanter une chanson... comme je 'sais que tu les aimes. (Ils vont s'asseoir sur un banc à droite).


AIR : De l'herbagère.

Croquemitaine, un jour, au fond d'un bois,
Guettait une fillette ;
La pauvre enfant, l'âme toute aux abois,
Paraissait inquiète ;
Elle aperçoit, prête à la protéger,
L'aïeule, maternelle ;
Poule qui voit son poussin en danger,
L'abrite sous son aile :
Viens, enfant,, t’abriter ainsi,
Croquemitaine est par ici.


Violette émue, se rapproche d'Asmodée qui la tient serrée.


Or, à la voix d'un perfide démon,,
L'enfant, à peine en garde,
Avait ôté son petit chaperon...
Sa seule sauvegarde !
Le rusé drôle, alors gonflant sa voix
D'une façon certaine,
Dit à la belle : en ce lieu, tremble et vois.
Je suis Croquemitaine...
Crains, enfant, d'être prise ainsi...
Croquemitaine est par ici.


La pauvre enfant est encore plus effrayée par ces paroles qui se rapportent à sa situation ; elle demande à Asmodée pourquoi il a chanté si fort.


Que veux-tu dire, ma Bichonnette ? que ma voix est forte ? c'est pour mieux me faire entendre, mon enfant ! (Violette lui montre ses yeux). Tu. trouves que j'ai de grands yeux ?... C’est pour mieux te voir, mon enfant. (La jeune fille examine ses bras). Tu regardes que j'ai de grands bras ?... c'est pour mieux te tenir, mon enfant... Saisissant les mains de Violette. — En effet ! Je te tiens... et nul ne saurait t'arracher à ma puissance... car je ne suis pas ta mère-grand... (Se dépouillant des vêtements de la vieille) mais le lutin Asmodée, qui, par ordre infernal, viens te saisir pour t'emmener avec moi dans les profondeurs enflammées.



Scène XVIII.

Les mêmes, MIGNONNE.



Violette s'est agenouillée, Asmodée va se précipiter sur elle, lorsque la fée Mignonne arrive, étendant sa baguette entre eux.


ASMODÉE. - Mignonne ! damnation ! Elle vient me ravir ma proie !


MIGNONNE. - Il faut que les destins s'accomplissent !... Violette t'échappera !... Retourne aux enfers... honteux et vaincu .


ASMODÉE. - Je reviendrai sur terre... et, pour une que tu sauves, j'en perdrai dix autres.

Sur un nouveau geste de la fée, Asmodée s'enfuit en ricanant d'un ton sarcastique.



Scène XIX.

MIGNONNE, VIOLETTE, LA DOUAIRIÈRE, BÉBELLE, PIERRETTE.



Violette s'est jetée dans les bras de Mignonne ; au même instant la douairière arrive donnant le bras à Bébelle. Cette dernière aperçoit Violette, court à elle et la présente à sa tante qui reçoit la jeune fille, laquelle n'ose regarder sa noble protectrice...



MIGNONNE. - Bonne dame !... Je confie à vos bontés, la jeune Violette, digne à tous égards de notre haute protection... Elle a conquis l'amitié de Bébelle et lui sera une compagne aussi bien qu'une sœur... Quant à Pierrette... (Bébelle fait un geste de répulsion). Il ne faut pas en vouloir à cette pauvre fille, victime d'une odieuse machination... D'ailleurs, la voici qui ramène à la douairière le petit chien qu'elle aime et qu'elle croyait perdu. (Pierrette paraît au fond, tenant le chien en laisse ; la douairière et Bébelle courent au devant d'elle et caressent l'animal ainsi que Violette). Maintenant, aimez-vous toutes... et ma puissance vous aidera toujours ! (La fée étend sa baguette sur les quatre personnages qui se tiennent la main et forment un tableau gracieux).

FIN

 
     Une version du conte est disponible en ombres chinoises sur :
http://ombres-et-silhouettes.wifeo.com/le-petit-chaperon-rouge.php



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