PIECES  DE  THEATRE  POUR  ENFANTS.

 
 
Michèle AUCLAIR

LE PÈRE NOËL mène l’enquête
Pièce en 2 Actes

Les Éditions du Cep Beaujolais – Villefranche (Rhône)
 
DÉCOR. — Cour de récréation au jardin.

PERSONNAGES  : (Fillettes de 10 à 14 ans).
JEANINE ; )
GISÈLE ;     ) Membres du complot.
CHANTAL ; )
YVETTE, la gourmande, plutôt forte fille ;
PAULE, la désordonnée ;
FRANÇOISE, riche et dépensière ;
LILIANE, menteuse ;
SIMONE, paresseuse en voie de guérison.

     ACCESSOIRES. — Le colis : boîte enveloppée et ficelée avec soin qui doit contenir les denrées énumérées dans la pièce (les paquets peuvent être factices).
     La lettre du Père Noël (écrite et mise dans une enveloppe, cachetée et placée au milieu du colis).
     Livres pour Simone.

 
PREMIER ACTE

 Les enfants, Gisèle et Jeanine, sont assises sur un banc à l’avant-scène. Au lever du rideau, Yvette entre en scène en appelant ses camarades qui se retournent, se lèvent et vont l’entourer tandis qu’elle parle.

YVETTE, appelant. — Gisèle ! Jeanine ! C’est trop fort ! Mon goûter a encore disparu !

GISÈLE et JEANINE. — Ton goûter a disparu !

YVETTE. — Pas entièrement. Seulement le meilleur : mes trois bouchées de chocolat. On m’a laissé le pain beurré.

GISÈLE, moqueuse. — Trois bouchées de chocolat ! Eh ! bien.

JEANINE, même jeu. — Rien que ça !

YVETTE, piquée. — Que voulez-vous, ce n’est pas un crime. J’adore le chocolat !

GISÈLE, malicieuse. — Et puis les confitures !

JEANINE, même jeu. — Et puis tout ce qui est bon, quoi !

YVETTE, vexée. — Il faut croire que je ne suis pas la seule à aimer les bonnes choses car depuis quinze jours je suis au régime : pain beurré, pain confituré, mais au goûter je ne vois plus l’ombre d’une bouchée ni d’une friandise. Tout disparaît.

GISÈLE, légèrement. — Mon pauvre chou ! Tu vas prendre la ligne malgré toi !

JEANINE. — Et que dit la maîtresse de cela ?

YVETTE. — Elle n’y comprend rien. Elle ne désespère pourtant pas de découvrir le, la ou les coupables.

GISÈLE. — A-t-elle des soupçons ?

YVETTE. — Absolument pas. Elle a une confiance totale dans le personnel. Elle continue d’ailleurs sa surveillance sur les élèves.

JEANINE. — Enfin, est-ce que ces disparitions t’ont tellement privée ?

YVETTE. — Pour dire vrai, non. Mais j’ai tellement eu l’habitude d’être gâtée que je n’aime me priver de rien.

GISÈLE. — Ce que c’est que d’être fille unique ! Avoue que tu ne t’en portes pas plus mal !

YVETTE. — C’est Maman qui s’inquiète parce que je maigris !

GISÈLE, moqueuse. — Oh ! tu sais, tu peux encore vivre sur tes réserves.

JEANINE. — Si vous étiez six comme chez Chantal, ta mère n’aurait pas le temps de s’inquiéter à tort.
     (Arrivée de Paule qui bougonne).

PAULE. — Ça y est ! J’ai encore perdu des affaires !

JEANINE, doucement. — Ça t’étonne ?

PAULE, rudement. — Un peu, oui ! Cela fait un mois que ça dure. Je commence à en avoir assez !

YVETTE. — Bizarre !

PAULE, furieuse. — Qu’est-ce que tu veux dire avec ton (exagérant) « bizarre ».

YVETTE. — Je peux dire bizarre, non ?

PAULE. — Tu peux dire tout ce que tu veux, ma pauvre fille, ce n’est pas ça qui me rendra ce que j’ai perdu.

YVETTE, sentencieuse.
 Qui sait ?

PAULE.— Mademoiselle a découvert une piste.

YVETTE, vexée. — J’ai tout simplement découvert que cela fait également un mois que chocolat, bonbons, friandises, oranges, etc, disparaissent comme par enchantement.

JEANINE, moqueuse. — Passez, muscade !

YVETTE. — N’empêche que tu ne rirais pas si cela t’arrivait !

PAULE. — Tu oublies que Jeanine n’est pas gourmande, elle !

YVETTE. — Ni désordonnée comme toi ! C’est toujours elle que la maîtresse te cite en exemple quand elle trouve du fouillis dans ta case ! Ce n’est pas étonnant que tu perdes tout !

PAULE, féroce. — Je me demande si en cherchant bien on ne retrouverait pas mon taille-crayon, mon critérium, mes ciseaux et le reste dans ton estomac. La Maîtresse nous a parlé aussi de la gourmandise de l’autruche.
(Coupant court à la dispute, Françoise entre en scène l'air sens dessus-dessous).

GISÈLE. — Tiens ! Voilà Françoise avec une figure à l’envers.

FRANÇOISE. — Il va de quoi ! Qu’est-ce que je vais entendre quand je vais demander à Maman d’autre argent pour m’acheter un stylo à bille !

GISÈLE. — Mais tu en as déjà au moins cinq !

FRANÇOISE. — Oui, mais celui-là est plus beau. Pourquoi voudrais-tu que je me prive ?

JEANINE, écœurée. — Oh ! pour rien ! Seulement je trouve dommage que juste au moment où la Maîtresse a fait appel à nous pour l’arbre de Noël des petits et des nécessiteux tu n’avais rien à donner. Il faut reconnaître que le hasard fait bien les choses ! Pour toi tout au moins ! Comme ça tu n’as pas eu à te priver !

FRANÇOISE, pincée. — Libre à vous de ne pas me croire.

GISÈLE. — Nous profiterons de la liberté, sois-en sûre !

FRANÇOISE. — En tous les cas, vous pouvez vous réjouir, Mesdemoiselles les Moralistes : aujourd’hui, je n’aurai pas mon stylo.

YVETTE. — Mais ce n’est pas la première fois que tu es volée !

FRANÇOISE. — Non ! J’ai souvent assez d’argent et ne peux préciser le montant des vols. La Maîtresse m’a recommandé de ne plus apporter d’argent à l’école. Comme si c’était facile !

PAULE. — Gosse de riche, va ! Je m’en passe bien, moi !

YVETTE, qui a réfléchi jusque-là. — Mais j’y suis, un mois, c’est le moment où la Maîtresse a parlé de monter un Arbre de Noël.

PAULE. — Possible ! Mais où est le rapport ?

YVETTE. — Il doit y en avoir un.
     (Le petit groupe réfléchit tandis que, face au public, Gisèle et Jeanine échange rapidement mais visiblement un coup d’œil).
     (Chantal, Liliane et Simone rejoignent leurs camarades qui leur font place).


LILIANE, vaniteuse. — C’est pourtant comme je vous le dis !

SIMONE, haussant les épaules, les yeux au ciel. — Elle veut nous faire prendre son oncle pour l’Aga Khan.

LILIANE, dépitée. — Tout cela parce que je lui ai dit que mon oncle est venu me chercher pour m’emmener chez lui, en Cadillac.

CHANTAL, minaudant. — Pour emmener Mademoiselle dans sa riche propriété de Juan-les-Pins.

GISÈLE, riant. — Deux gages.

JEANINE. — Ma pauvre Liliane, si tu devais porter le collier de vérité de l’enchanteur Merlin, qui diminue à chaque nouveau mensonge, il y a longtemps que tu serais étranglée !

LILIANE, vexée. — Vous pouvez rire ! Même que l’intérieur de la voiture est en léopard !

JEANINE. — Et tu as osé poser ton petit derrière dessus !

CHANTAL. — Trois gages ! Non ! mais tu n’es pas gênée de mentir comme ça ?


JEANINE, à Simone. — Encore des livres sous le bras. (Elle les regarde). Sciences ! Histoire !

SIMONE. — Que voulez-vous. Les livres d’aventure ou les illustrés que j’achetais disparaissent ; alors je me rabats sur mes livres de classe.

GISÈLE. — Reconnais que tu les connaissais très mal.

SIMONE. — Je le reconnais volontiers et le plus fort c’est que j’y prends goût depuis un mois que ça a commencé.

YVETTE. — Depuis un mois ! Il faut faire part à la Maîtresse de nos remarques. Peut être y verra-t- elle plus clair que nous. Allons-y sans tarder.
(Toutes la suivent, sauf Gisèle, Jeanine, Chantal).

JEANINE. — Et maintenant, il faut agir et vite.

GISÈLE. — Comme nos petits camarades déshérités vont être heureux et quel bel Arbre de Noël ils auront.

CHANTAL. — Moi qui suis chargée de l’inventaire, j’ai compté cinquante paquets de bonbons, douze pots de confiture, trente bouchées, huit kilos de chocolat, six kilos d’oranges, plus le reste.

JEANINE. — On aurait tout de même pu ne prélever que deux ou trois tablettes de chocolat par paquet.

CHANTAL. — Oui. Et pourquoi pas deux ou trois tranches seulement par orange aussi ? Pour qu’il s’abîme : jamais de la vie. Pas de demi-mesure !

GISÈLE. — On a quand même eu du mérite à déjouer la surveillance de la Maîtresse.

JEANINE. — Elle a tellement confiance en nous. Mais aussi on ne fait pas de mal : c’est pour le bon motif !

CHANTAL, énergique. — Qui veut la fin, veut les moyens ! Qu’est-ce qu’on voulait ? Donner aux petits nécessiteux de l’école un bel Arbre de Noël. Or comment faire ? Où prendre l’argent ? Les cadeaux ?

GISÈLE, convaincue. — Là où ils étaient !

CHANTAL. — D’ailleurs nous rendons en même temps service aux soit-disant victimes qu’on corrige de leurs défauts.

GISÈLE. — Parfaitement. Yvette est moins gourmande.

JEANINE. — Paule apprend à ranger ses affaires, à force de vérifier si rien n’a disparu !

CHANTAL. — Et Françoise apprend à ne plus jeter l’argent par les fenêtres.

JEANINE. — Mais une à qui nous avons rendu service, c’est à Simone. Elle a pris goût au travail et a découvert que les livres de classes sont remplis de choses passionnantes.

GISÈLE. — Quant à la pauvre Liliane, je la crois incurable !

CHANTAL. — Que veux-tu ? Son bonheur, c’est de mentir, de broder ; trois gages aujourd’hui, ce qui représente trois objets à confisquer. Ça vous dégoûte ! Avec elle, on n’arrête jamais.

JEANINE. — Et maintenant (elle regarde partout), maintenant que tout paraît tranquille, allons vite déposer le colis sur le bureau de la Maîtresse.

 
RIDEAU



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