PIECES  DE  THEATRE  POUR  ENFANTS.

 
 
SCÈNE  III


Les MÊMES, JEANNETTE, Les petites PAYSANNES

 
JEANNETTE. - Oh ! Blanchet ! Blanchet ! Vous l'avez tué ! vous l'avez tué !... Mon canard blanc, mon tout petit... Oh ! méchant homme ! méchant homme ! de quel droit avez-vous fait cela ?

2ème DAME. 
(sévère- Du droit de vie et de mort que notre vénéré Prince possède sur tous les êtres qui se trouvent sur ses terres, petite insolente !

JEANNETTE. - Ah ! c'est vous le Prince !... c'est vous qui avez fait cela ? (
Elle chante en sanglotant)
          Ô fils du roi, tu es méchant (bis)
          D'avoir tué mon canard blanc
          Tout le long de la rivière...


     (Elle s'écroule à ses pieds, la tête dans ses mains, tandis que les petites paysannes chantent avec une poignante tristesse).

PETITES  PAYSANNES. -
          C'est l'bon vent, c'est l' joli vent !...


   (Jeannette se redresse soudain menaçante, devant le Prince).

JEANNETTE. - Mais que m'importe après tout que vous soyiez Prince ou mécréant. Votre titre ne vous donnait pas le droit de détruire pour votre plaisir égoiste ce que je possède de plus cher au monde !

1ère DAME. - Au lieu d'insulter le fils du roi, petite bécasse, vous devriez être honorée que l'héritier du trône ait daigné s'intéresser à votre horrible bestiole !

JEANNETTE. (
déchaînée- Une horrible bestiole, mon Blanchet ! Si l'on peut dire ! C'est vous qui êtes horrible, vieille sorcière, malgré vos falbalas et vos bijoux !

1ère DAME.
 (bégayant de colère- Oh ! Sire ! vous l'entendez ! Cette pécore ! cette gardienne de dindons ! Appeler une dame de la cour vieille sorcière ! Quelle impudence !

2ème DAME. - Qu'on l'empoigne et qu'on la jette dans un cachot du palais !

3ème DAME. - Qu'on lui fasse rentrer ses paroles à coups de bâton !

LES  PETITES PAYSANNES (
avec désespoir) - Oh ! non, non, Prince ! Ne faites pas cela, elle a tant de chagrin !

LES  3 DAMES. - Pas de pitié, Prince ! Qu'on l'enferme !

LE  PRINCE. - Du calme, du calme, Mesdames !... Cette enfant a raison !

LA  SUITE  DU  ROI. -- Oh ! Prince !

LE  PRINCE. 
(avec force- Oui, 
elle  raison. J'ai été égoiste et cruel en tuant cette pauvre bête pour le seul plaisir de détruire. (S'approchant de Jeannette, la main tendue). Me pardonnerez-vous, Mademoiselle ?

LES  3 DAMES. - Oh ! Mademoiselle ! Appeler une vulgaire paysanne Mademoiselle !

LE  PRINDE. - Silence, je vous prie ! 
(À Jeannette qui détourne la têteMa petite fille, pardonnez-moi ! J'ignorais combien vous teniez à ce canard, et si je vous avais connue avant... jamais je n'aurais voulu courir le risque de faire pleurer vos beaux yeux.

1re DAME.
 (bas- Mais, ma parole, il lui débite des galanteries, maintenant.

2ème et 3ème DAME. (
même jeu- C'est une honte !

LE  PRINCE.-- Que tout le monde se retire ! Je veux être seul avec cette jeune fille !


     (La suite du Prince et les petites paysannes sortent au fond emportant le canard blanc que le fils du roi a confié à ses écuyers).


 
SCÈNE  IV


JEANNETTE,  LE  PRINCE

 
LE  PRINCE. - Vraiment ! vous m'en voulez tant que cela ?

     (Tout en sanglotant, la tête dans son tablier, Jeannette fait de la tête un signe affirmatif).

LE  PRINCE. (essuyant doucement ses larmes- Voyons, voyons, fillette, ne pleurez plus ! Je vous ferai bâiller cent écus pour vous dédommager !

     (Elle pleure de plus belle et, pendant toute la tirade du Prince, elle demeurera muette, ses sanglots croissant à chaque offre nouvelle. Pour la liste suivante, on pourra improviser façon comedia dell'arte).

     Tenez, j'irai jusqu'à mille écus, mille écus d'or ! C'est quelque chose ça !
- Je vous donnerai de belles robes de soie et de dentelle.
- Un anneau d'émeraude ou de saphir.
- Un bracelet d'or massif.
- Un collier de diamants à faire pâlir d'envie toutes les dames de la cour.
- Préférez-vous un carrosse doré traîné par six chevaux blancs ?
- Ou bien un beau château ?
- Mais non, suis-je sot ! Tout ce luxe vous déplaît sans doute. Je parie que vous aimeriez mieux une petite maison rose avec un grand jardin plein de fleurs et une basse-cour, oui, c'est cela, une base-cour peuplée de milliers de canards de toutes les couleurs.
- Je vous en prie, petite fille, répondez-moi ! Dites-moi ce que vous désirez. Je vous l'accorderai sur l'heure. Voyons, peut-être voudriez-vous...

JEANNETTE. 
(éclatant- Non, non, ne continuez pas, Prince, c'est inutile. Je ne veux pas de vos cadeaux. Voyez-vous, aucune fortune, aucun trésor au monde ne pourrait remplacer mon Blanchet !

LE  PRINCE. 
(penaud- Ah ! il s'appelait Blanchet ?

JEANNETTE. (
attendrie- Oui. Il était si joli, si familier ! Il me comprenait, vous savez. Il venait manger dans ma main en faisant : "Coin, coin, coin, coin !" Blanchet, mon pauvre Blanchet ! Dire que je ne le verrai plus jamais, plus jamais ! (Elle éclate à nouveau en sanglots).

LE  PRINCE. - Et si je vous le rendais !

JEANNETTE. - Me le rendre ? Oui, je serais heureuse de pouvoir l'enterrer dans notre petit jardin. Je mettrai tous les jours des fleurs blanches sur sa tombe.

LE  PRINCE. - Vous ne m'avez pas compris, jolie bergère ! Je voulais dire : si je vous le rendais... vivant !

JEANNETTE. - Vous vous moquez, Prince ! Vous n'avez tout de même pas le pouvoir de ressusciter les morts ?

LE  PRINCE. - Pas moi, petite fille, mais ma marraine, la Fée des Oiseaux, possède ce don merveilleux.

JEANNETTE. - Est-ce possible, Prince ?

LE  PRINCE. - Tout à fait possible, ma douce enfant. Il suffirait que je le lui demande... Et, comme ne sait rien me refuser !...

JEANNETTE. - Oh ! alors, demandez-lui, demandez-lui vite ! Quelle me rende mon canard blanc !

LE  PRINCE. - J'accepte;.. mais à une condition !

JEANNETTE. - Une condition ? Laquelle ?

LE  PRINCE. - C'est que vous acceptiez de devenir ma femme !

JEANNETTE. - Votre femme ! (
riantMoi, une pauvre bergerette, une malheureuse gardienne de dindons ! Décidément, Prince, vous vous gaussez de moi !

LE  PRINCE.
 (gravement- Non, fillette, je parle très sérieusement. Depuis des années, je cherchais l'épouse de mes rêves. Je l'ai enfin rencontrée. Petite bergère, voulez-vous être reine ?

JEANNETTE. - Mais, c'est impossible !

LE  PRINCE. - Je vous suis donc tellement antipathique ?

JEANNETTE. (
vivement- Non, non, ce n'est pas cela... au contraire, mais...

LE  PRINCE. - Mais quoi ?


JEANNETTE. - Un roi ne peut épouser une bergère. Cela ne se voit que dans les contes de fées !

LE  PRINCE. - Eh bien ! n'est-ce pas un conte de fées que nous vivons en ce moment, puisque ma marraine va vous rendre Blanchet ?... si vous dites oui !

JEANNETTE. - Je n'ose prendre votre proposition au sérieux. Voyons, Prince, vous ne me connaissez que depuis dix minutes et vous m'offrez de m'épouser, comme cela, tout de go. N'est-ce pas une nouvelle fantaisie que vous regretterez demain ? 

LE  PRINCE. - Non, ma douce amie. Je vous connais depuis peu, c'est vrai. Mais ces quelques instants ont suffi pour découvrir votre fraîcheur, votre grâce ingénue et charmante, toutes choses que je n'ai jamais rencontrées chez les filles de roi qu'on me proposait pour épouse.

JEANNETTE. - Oh ! Prince, vous exagérez mes mérites. Je ne suis qu'une pauvre paysanne.

LE  PRINCE. - Vous êtes la plus délicieuse créature que je connaisse et c'est de tout mon coeur que je vous demande une dernière fois : Voulez-vous de moi pour époux ?... Allons, parlez ! Songez à Blanchet !... Répondez-vite. Est-ce oui ?...
 

JEANNETTE. (après une hésitation et dans un souffle) - Oui !

     (Coup de gong. La scène s'illumine merveilleusement. Au fond, paraît la Fée des Oiseau, suivie de la cour du Prince et des petites paysannes. Ils avancent en chantant).


 
SCÈNE  V

Toute la troupe

 
LE CHŒUR. -
          Bergère, voyez sur l'étang (
bis)
          Votre canard y va nageant
          Tout le long de la rivière.
          C'est l' bon vent, c'est l' joli vent...
                                                          etc...


     (Jeannette se précipite vers le petit pont, se penche sur l'eau et pousse un immense cri de joie).

JEANNETTE. - Oh ! Blanchet ! Blanchet ! C'est bien lui ! Vivant, il est vivant ! Ai-je donc rêvé ? (courant à la fée) Ô ! merci, bonne fée, merci ! (Elle baise le bas de la robe).

LA  FEE. (souriant-- Ce n'est pas moi qu'il faut remercier, mon enfant, mais celui à vous devez ce miracle !

JEANNETTE. (
s'approchant timidement du Prince davant lequel elle plie le genou- Oui, merci, merci aussi, gentil Prince !... Je suis heureuse, si heureuse ! Oh ! tenez, je n'y tiens plus ! Laissez-moi vous embrasser !

LE  PRINCE. 
(la relevant- Avec joie, ma douce amie ! Mais auparavant, permettez que je vous présente à toute ma suite. (Se tournant vers sa cour.Nobles dames et seigneurs, saluez bien bas : voici ma fiancée ! Demain, elle sera reine !

     (Tous se prosternent avec respect devant Jeannette puis se relèvent en criant).

TOUS. - Bravo ! Hurrah ! Vive la Reine !

LE  CANARD  BLANC. (
en coulise- Coin, coin, coin, coin !

TOUS. - Et vive le canard blanc !


     (Puis, tandis que le Prince et Jeannette s'embrassent longuement, le choeur chante.)

LE  CHOEUR. -
          Ainsi s'achève heureusement 
(bis)
          L'histoire d'un beau canard blanc,
          Tout le long de la rivière.
          C'est l' bon vent, c'est l' joli vent...
                                                          etc...

 
RIDEAU

Tous droits réservés                                                    Raymond RICHARD
    Propriété de l'Auteur.

 
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NOTES  SCÉNIQUES

     Cette saynète peut être interprétée par les fillettes ou par une troupe mixte de garçons et de fillettes.
     Les figurants (paysannes, écuyers, pages, etc.) sont en nombre illimité. Costumes d'époque.
     Le canard mort sera fabriqué avec de la peluche blanche que l'on bourrera de son.
     On imitera le bruit de l'eau qui coule en agitant un bâton dans une lessiveuse pleine d'eau placée en coulisse.
     Les répliques des petites paysannes ont été réparties entre 3 enfants. Bien entendu, on peut partager ces répliques entre 4, 5 ou 6 enfants de manière à faire parler un plus grand nombre de fillettes.

     La musique du "Canard Blanc" se trouve dans le recueil "La Clé des Chants". 

http://www.sacd.fr/Demande-d-autorisation-pour-les-exploitations-amateur.204.0.html

     Le lien ci-dessus permet de déclarer toute représentation -même gratuite- de cette oeuvre à la société des auteurs.









 




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