PIECES  DE  THEATRE  POUR  ENFANTS.

 
 
LA  PRINCESSE  MOROSE

Fantaisie en 1 acte par Marcel ABADIE


250 000 cliparts Mindscape

PERSONNAGES :

 
LA  PRINCESSE  :  ÉGLANTINE ;
LA  SUIVANTE  :  ISABELLE ;
LE  ROI  DE  CHIMÉRIE ;
LA  REINE ;
L'ASTROLOGUE ;
LE  MÉDECIN ;
LE  CHAMBELLAN ;
LE  BOUFFON ;
LE  TROUVÈRE ;
LE  JONGLEUR - UN  HÉRAUT - UN SERVITEUR ;
LE  PRINCE  DE  CYCLOPIE  ET  SA  COUR ;
LE  PAGE  : PLUMOVAN ;

et d'autres personnages facultatifs :
TROUBADOUR, MENESTREL, BOHÉMIENS ; SEIGNEURS et leur suite ; HÉROS des chansons populaires ; ROIS des pays étrangers, etc...

     (L'histoire de la princesse mélancolique qu'on essaie de faire rire pour la guérir existe, sans doute, dans le folklore de tous les pays. On la retrouve dans un conte de GRIMM : "L'Oie d'or" et dans "La Vie de Polichinelle" d'Octave FEUILLET... Ce thème permet d'introduire de nombreux intermèdes. Nous en avons indiqué quelques-uns. On peut, sans inconvénient, en ajouter ou en retrancher beaucoup).

     La scène se passe dans la salle du palais du roi de Chimérie. À gauche, un trône et deux fauteuils. Au fond, face au public, des sièges pour les grands personnages du royaume : astrologue, médecin, chambellan, premier ministre, etc. À droite, une porte.
     Au lever du rideau, la fille du Roi est assise dans un fauteuil, le menton appuyé sur sa main, rêveuse, pâle et triste. Isabelle, sa confidente, entre à droite, fait une révérence et s'approche de la princesse.


 
SCÈNE  PREMIÈRE

LA  PRINCESSE,  LA  CONFIDENTE.

 
ISABELLE. - Toujours aussi mélancolique, Madame ?... Je suis navrée de vous voir dans un pareil état... Voilà trois jours que vous êtes dans ce fauteuil, refusant de parler, de manger, de dormir ! Mais vous voulez donc mourir, Madame ?

ÉGLANTINE. - Laisse-moi, Isabelle, je t'en supplie.

ISABELLE, joignant les mains et tombant aux pieds de la Princesse. - Si je savais seulement le chagrin qui vous ronge !


ÉGLANTINE. - À quoi bon  Isabelle ? Mon mal est sans remède.

ISABELLE. - Ne dites pas cela, madame. Laissez-moi vous soigner. Je vous ai si souvent arrachée à la mort, quand vous étiez enfant. Souvenez-vous, Princesse...


ÉGLANTINE. - Ce n'est pas la même chose, Isabelle. Cette fois, mon corps n'est pas malade.

ISABELLE. -- Ah ! sotte que je suis ! Je comprends maintenant !


ÉGLANTINE, récitant les yeux perdus dans son rêve. -
     "Ariane, ma sœur, de quel amour blessée
       Vous mourûtes aux bords où vous fûtes laissée..."


ISABELLE, grondeuse. - Mais il ne faut pas mourir d'amour, Madame ! D'abord, de qui s'agit-il ?

ÉGLANTINE. - Connais-tu Plumovan, damoiseau de la Reine ?

ISABELLE. - Ah, Princesse, comme je vous comprends ! Ce jeune homme est charmant, en effet !

ÉGLANTINE. - Mais le Roi, mon père, ne veut pas que je l'épouse.

ISABELLE. - Parce qu'il est le fils d'un petit seigneur, sans gloire et sans fortune !

ÉGLANTINE. - Oui. Et mon père me destine depuis toujours au fils du puissant Roi de Cyclopie, un jeune homme borgne, bossu, bègue, boiteux et méchant !... C'est de cela que je meurs, Isabelle !

ISABELLE. - Oh ! Majesté, il ne faut pas que ce mariage se fasse !

ÉGLANTINE, tristement. - Il n'y a pas moyen de l'empêcher, Isabelle !

ISABELLE. - Ayez confiance en moi, Princesse ! Je vous sauverai !
          (Elle sort).


 
SCÈNE  II

 
LA  PRINCESSE,  LE  ROI,  LA  REINE,  L'ASTROLOGUE,
LE  MÉDECIN,  LE  CHAMBELLAN
puis BOUFFON, TROUV
ÈRE, JONGLEUR, etc.

 
     (Le Roi entre à droite. il est accompagné de la Reine et suivi de l'Astrologue, du Médecin, du Chambellan et du Premier Ministre, tous en robe longue).

LA  PRINCESSE, se soulevant un peu sur son fauteuil. - Bonjour, Père. Bonjour, Mère.

LA  REINE. - Dieu, que vous êtes pâle, Églantine ! Seriez-vous plus malade ?

     (Signe de dénégation de la Princesse).

LE  ROI,  inquiet. - Quel mal avez-vous donc, ma fille ?

     (Le Roi et la Reine soulèvent chacun une main de la Princesse mais ses mains retombent sans force sur les bras du fauteuil.
     Le Roi et la Reine soupirent et s'asseyent tristement).


LE  ROI. - Approchez, Monsieur l'Astrologue et dites-nous ce que vous savez de la maladie de notre chère Princesse.

L'ASTROLOGUE, longue robe, chapeau pointu, perruque blanche, lunettes. Il fait une révérence et trace dans l'air des signes mystérieux. - Kabbalistus, kabbalistum... L'examen attentif de la conjonction du Soleil et de Saturne, en quadrature avec Jupirer au zénith de l'antenne draconitique du troisième Décan est l'indice maléfique que la Princesse mourra de sa maladie...

LE  ROI  ET  LA  REINE. - Ooooh !...

L'ASTROLOGUE. - Elle mourra, dis-je, si on ne parvient pas à la guérir !

LE  ROI. - Ah !... L'astrologie est une belle chose ! Venez vite, Monsieur le Médecin !

LE  MÉDECIN, accourant. - Sire, me voici !

LE  ROI. - Il faut que vous guérissiez ma fille, immédiatement !

LE  MÉDECIN, tâtant le pouls de la Princesse. - Sire, la Princesse est atteinte d'une mélancolie profonde, du Grec...

LE  ROI. - Au diable le Grec !

LE  MÉDECIN. - D'une mélancolie profonde dont elle mourra bientôt...

LE  ROI  ET  LA  REINE. - Ooooh !


LE  MÉDECIN, l'index levé. -- Si on ne parvient à la faire rire !

LE  ROI, soulagé. - Ah, bon ! Eh ! bien, faquin, qu'attends-tu pour le faire ?

LE 
MÉDECIN, vexé. - Sire, je suis médecin... Je ne suis pas pitre !

LE  ROI, en colère. - Va-t-en au diable ! Et qu'on aille me chercher des gens dont la profession est de nous faire rire : Trouvères, Jongleurs, Ménestrels, Histrions, Baladins !

     (Un serviteur sort).

LE  ROI, cherchant de tous côtés. - Mais où est passé mon bouffon ?

LE  BOUFFON, accourant, brandissant une marotte. - Sire, je suis là !

LE  ROI. - Bouffon, il faut que tu fasses rire la Princesse !

LE  BOUFFON, à part. - Autant essayer de faire fondre la banquise en y soufflant dessus ! (Il se gratte le nez). Sire, je ne vois qu'un moyen : me permettez-vous de faire des chatouilles sous les pieds de la Princesse ?

LE  ROI, s'étranglant. - Des chatouilles sous les pieds !... Hors d'ici, maraud, faquin, insolent !... La majesté de la Princesse ne saurait s'accommoder de pareilles familiarités !

     (Le bouffon s'éloigne en chantonnant).

UN  SERVITEUR, entrant et annonçant. - Voici messire Jehan, trouvère de Paris !

     (Jehan entre et salue).

LE  ROI. - Jehan, tu nous as bien souvent divertis... Je te demande maintenant de guérir la Princesse en la faisant rire.

JEHAN, souriant. - Je vais vous raconter une petite histoire. Un vilain pêchait des grenouilles dans les fossés du château de Coucy. Le Seigneur l'aperçoit et lui demande : "Est-ce que ça mord ?" Et le vilain répond : "Oh, non, Sire, les grenouilles, ce n'est pas méchant !"

     (Tout le monde rit, sauf la Princesse).

LE  ROI, désespéré. - Mais personne ne réussira donc à dérider ma fille ? (La Confidente s'approche du Roi et lui parle à l'oreille). Oui, tu as raison, Isabelle. Celui qui guérira la Princesse ne sera jamais assez payé ! Il faut le récompenser royalement ! (Il frappe dans ses mains). Appelez mon Héraut !
     (Le Héraut entre avec sa longue trompette, salue et s'approche du Roi).
     Héraut, mon ami, prends mon meilleur cheval et cours annoncer partout que celui fera rire la Princesse Eglantine de Chimérie deviendra son époux et aura la moitié de mon royaume !

     (Le Héraut salue et sort).

UN  SERVITEUR. - Voici messire Thibaut, jongleur de Notre-Dame.

     (Thibaut entre et salue).

LE  ROI. - Thibaut, je connais tes talents. J'espère que tu feras rire ma fille !

THIBAUT, il fait quelques cabrioles, sauts périlleux, etc...  puis il annonce. - Je vais vous présenter un difficile numéro d'équilibre : La Tour de Babel ! (Il sort de sa besace des cubes de carton emboîtés les uns dans les autres et les superpose en équilibre sur sa main gauche). Admirez le magnifique édifice !...

     (
Il fait quelques pas, puis l'échaffaudage de boîtes s'incline dangereusement et dégringole sur la tête du jongleur qui tombe, enseveli sous les boîtes. Tout le monde rit, sauf la Princesse... Thibaut ramasse son matériel et sort, tout penaud.
     On peut annoncer ensuite Raymond, troubadour de Toulouse qui racontera et chantera en langue d'oc, un ménestrel avec sa viole, des bohémiens qui feront danser des animaux (singes, ours), etc...
     Et toujours la Princesse baîlle et s'ennuie visiblement).


LE  HÉRAUT, entrant et annonçant. - Voici les grands Seigneurs de la doulce
France !

     (Les trompettes jouent.

     On pourra introduire ici des groupes costumés des différentes provinces qui présenteront les danses caractéristiques de leur région : bourrée d'Auvergne, polka d'Ossau, rigodon bourguignon, gavotte de Quimper, farandole du Dauphiné, carillon d'Île de France, guimbarde du Limousin, ronde Lorraine, gigouillette du Poitou, farandole de Provence, etc... tandis que le Héraut annoncera successivement : Le Prince Fandango du pays basque, le Dud de Lorraine, le Comte de Nice, le Duc de Bretagne, etc... Tout le monde se divertit fort à ces danses vivement enlevées, sauf la Princesse qui baîlle sans arrêt...
     Le Héraut peut introduire ensuite les personnages célèbres des chansons populaires : le Roi Dagobert, Malbrough, le Roi d'Yvetot, etc...
     Ensuite viendront les Rois des pays lointains, porteurs de riches présents pour la Princesse (bijoux, parfums, soieries, etc) ; les Rois Mages, un Empereur de Chine et sa suite, un Souverain noir et sa cour, une tribu de Peaux-Rouges, un groupe d'Esquimaux, etc., etc. qui interprèteront des danses de leurs pays).



 



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