LE HÉRAUT, annonçant à son de trompe. - Le Prince héritier de Cyclopie ! (On voir entrer un individu grotesque, lourd et contrafait, suivi de personnages horriblement laids. Tous ces acteurs font des salutations ridicules, des contorsions grotesques, des grimaces affreuses.
La Princesse éplorée prend son mouchoir, se tamponne les yeux, se mouche et pleure abondamment. Toute la Cour l'imite -les mouchoirs préalablement mouillés laissent échapper des ruisseaux de larmes).
LE ROI, sanglotant. - Ces gens vont tuer la Princesse ! Qu'on les éloigne de notre vue ! Héraut, raccompagnez-les !
(Les personnages de Cyclopie se retirent à reculons, très dignes et vexés). LE HÉRAUT, revenant et annonçant. - Jacques Bonhomme, paysan de Chimérie ! (Jacques Bonhomme entre. Costume classique du paysan français au Moyen-Âge. Il porte en bandoulière une petite caisse ou un panier de pêches. Il fait une profonde révérence et dépose sa boîte à ses pieds).
LE ROI, sévère. - Or ça, manant, que veux-tu faire ici ? Crois-tu réussir là où tout le monde a échoué ? Prétendrais-tu, par hasard, faire rire la Princesse ?
JACQUES BONHOMME. - Telle est mon intention,Sire ! (Il renverse tout d'un coup sa boîte sur le sol et l'on voit s'échapper de petits animaux : lézards, grenouilles, souris, sauterelles, etc. qui se mettent à courir en tous sens sur la scène. Aussitôt, la panique s'empare des grands personnages de la Cour. L'Astrologue, le Médecin, le Chambellan, le premier Ministre donnent des signes du plus complet affolement. Ils montent sur leur chaise, en descendent, y remontent précipitamment, serrent leurs robes autour de leurs jambes et poussent des cris perçants).
L'ASTROLOGUE, tremblant et l'index tendu. - Là, une souris !
LE MÉDECIN, même jeu. - Un lézard ! LE CHAMBELLAN, même jeu. - Une grenouille !
LE MINISTRE, même jeu. - Une sauterelle !
L'ASTROLOGUE, se trémoussant. - J'ai un lézard dans ma culotte !
LE MÉDECIN, criant. - J'ai une souris dans ma poche !
LE CHAMBELLANT, se grattant. - J'ai une grenouille dans ma chemise !
LE MINISTRE, bras au ciel. - J'ai une sauterelle dans mes cheveux ! (Ils courent en tous sens, se tamponnent, se cachent derrière le trône du Roi, remontent sur leurs chaises, font des signes de croix, appellent au secours, mettent leurs robes sur leurs têtes, enlèvent leurs perruques, leurs vêtements, pleurent, crient, tremblent, etc...
Ce spectacle fait d'abord sourire la Princesse, puis elle est prise d'un fou-rire que rien ne semble pouvoir arrêter. Le Roi et la Reine rient aussi aux éclats et trépignent frénétiquement.
Quand le public aura suffisamment ri, le Roi frappera dans ses mains). LE ROI, au paysan. - Bonhomme, tu veux nous faire mourir d'un éclatement de la rate... Arrête-toi...
(Le paysan rattrape ses bêtes et les enferme dans la boîte.
Le Roi se lève et s'approche du paysan). Jacques Bonhomme, mon ami, tu as réussi à faire rire la Princesse. Je te remercie. Tu as bien gagné ta récompense. Evidemment, j'aurais préféré marier ma fille à un Seigneur, mais chose promise, chose due... Je te donne ma fille en mariage et la moitié de mon royaume... JACQUES BONHOMME, s'agenouillant, puis se relevant. - Sire, je vous remercie de votre générosité, mais n'ayez aucun regret. Je ne suis pas un grand prince, mais je suis noble tout de même ! (Il enlève rapidement sa perruque, sa veste de toile et l'on reconnaît le jeune page). Je suis Plumovan, le page de la Reine !
(Aussitôt la Princesse se lève et court se précipiter dans les bras du jeune homme. Ils s'embrassent).
LE ROI. - Tout est bien qui finit bien. Allons célébrer le mariage ! (La Princesse donne le bras à Plumovan, le Roi à la Reine, l'Astrologue au Médecin, le Chambellan au Ministre, le Trouvère au Jongleur, etc... et le cortège tourne sur la scène tandis que les trompettes sonnent).
RIDEAU
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