PIECES  DE  THEATRE  POUR  ENFANTS.

 
 
Scène X.


     Pierrot qui n'a pas encore dégainé, paraît surpris de cette expression. Il tourne la tête et voit Mosquito qui, portant la main à sa poitrine, chancelle en reculant jusqu'à la coulisse de droite où il semble aller tomber. Pierrot court y jeter un coup d’œil, il joint les mains et ouvre démesurément les yeux en montrant que Mosquito est tué. Saisi d'effroi, il tire son épée pour montrer qu'elle est intacte... Horreur ! Elle est humide. Il l'essuie avec son manteau et rengaine, alors il croit entendre des bruits étranges et s'imagine qu'on est à sa poursuite. Il ramasse son or avec une vive agitation perdant ses pièces, les ramassant de nouveau pour les perdre encore. Lorsqu'il les tient, il va pour s'enfuir et se rencontre avec Cornichez qui revient tout joyeux d'avoir retrouvé son mouchoir. Tous deux en se heurtant, s'étaient sur le sol, se soulèvent à moitié en se menaçant saris se reconnaître, ils se lancent réciproquement à la tête, tout ce qui leur tombe sous la main. Pierrot jette un objet au nez de Cornichez et s'enfuit pendant que le bonhomme éternue.


Scène XI.


     Cornichez d'abord abasourdi, ramasse l'objet qu'il a reçu comme projectile et reconnaît que c'est un sac d'argent ; il le pèse, l'examine et le presse sur son cœur avec une expression de joie. Alfonso accourt, marche vers le bonhomme en lui tendant les bras et en cherchant à l'embrasser. Le vieux cachant son sac le repousse durement ; Alfonso le supplie d'être indulgent pour lui et de l'accepter comme un neveu ; nouveau refus du vieillard. Alors Alfonso , tire une pièce de sa bourse et lui demande une fois, deux fois, trois fois s'il veut accéder à sa prière. Au troisième refus, il sort en lançant sa pièce et Cornichez se met à danser fébrilement cherchant en vain à s'arrêter en s'accrochant aux saillies, il parvient difficilement à ouvrir sa porte et rentre chez lui, exténué, épuisé, en sautant toujours.



Scène XII.


     Du fond, à droite, Pierrot arrive épouvanté, marchant à reculons devant Mosquito qui avance sur lui, à mesure que Pierrot recule d'un pas. Il donne des signes de frayeur et montre que c'est le fantôme de celui qu'il a tué ; Mosquito lui saisit le bras et l'arrête.


MOSQUITO (son frère jumeau). - Pardon seigneur ? N'auriez-vous pas vu mon frère ? (Pierrot l'examine d'une façon vague et ne sait quoi répondre). Vous ressemblez d'une façon surprenante à un certain Pierrot... qu'il voulait voir ce matin... et avec lequel il désirait se mesurer. (Pierrot est d'abord stupéfait et regarde du côté où doit être tombé le supposé mort). Dites-moi si vous l'avez vaincu. Car nous nous sommes jurés protection !... et je reprendrais sa cause. (Pierrot jure que non). Il m'a dit que ce Pierrot était l'adversaire d'un sien ami qui voudrait se rapprocher d'un oncle... que ce Pierrot prévient contre lui... (geste d'attention de Pierrot). J'ai juré que cet ami serait heureux... et que tout ce qui lui ferait obstacle, serait brisé comme un verre. (Mouvement d'effroi de Pierrot). Votre geste vous a trahi !... Vous êtes bien le rival de celui que je protège... Nous allons donc nous couper la gorge ensemble... et prenez garde ! C'est toujours moi qui la coupe aux autres. (Pierrot affolé court en sens divers, poursuivi par Mosquito qui s'arrête tout à coup en marquant la mesure d'une musique étrange qu'on entend au dehors).

 
Scène XIII.


     Entraîné lui-même par l'exemple. Pierrot se met à danser en montrant la droite par laquelle arrive un gitan jouant du tambour de basque. C'est Alfonso qui a pris ce costume pour approcher Cornichez sans être reconnu : Mosquito s'avance à sa rencontre et lui parle bas.


MOSQUITO. - Tu tentes sous ce déguisement d'obtenir le pardon de ton oncle ? Souviens-toi que tu ne feras rien sans mon aide. (Pierrot qui pendant ce dialogue, a cru reconnaître Alfonso sous son déguisement, derrière lui, se glissant, va frapper à la porte de Cornichez). Attention ! Pierrot nous sert en allant prévenir Cornichez.



Scène XIV.


     Le vieux sort de sa maison et salue tout le monde en continuant de danser ; Pierrot cherche le ressort qui le fait mouvoir et lui appuie sur les épaules pour arrêter son mouvement... Alfonso touché de pitié, jette un ducat en l'air, aussitôt Cornichez se tient calme et se tâte bras et jambes pour bien s'assurer qu'ils ne fonctionnent plus malgré lui ; Mosquito s'approche du bonhomme.

 

MOSQUITO. - Rassurez-vous, seigneur !... Vous pouvez être parfaitement tranquille... (Cornichez semble lui demander une explication). Vous devez le calme à ce jeune Gitan, qui possède un secret pour la guérison des maladies nerveuses. (Le vieillard serre la main d'Alfonso). Aussi pour récompense, ne vous demande-t-il que votre amitié. (Cornichez regarde Pierrot qui lui dit de n'en rien faire). Si vous écoutez Pierrot qui mériterait de confire dans un bocal, vous deviendrez sous peu comme lui. (Cornichez et Pierrot scandalisés, se croisent les bras, arpentent la scène avec indignation, s'arrêtant l'un à droite, l'autre à gauche et se regardant en hochant la tête). Il est aisé de vous en fournir la preuve. (Sur un signe de Mosquito, deux énormes bocaux transparents viennent de la coulisse, portant pour étiquette : Cornichons : Pierrot et Cornichez apparaissent derrière, demandent à sortir). Nous verrons lequel se conservera le mieux. (Les deux hommes font des efforts pour s'échapper et implorent leur grâce. Alfonso supplie également Mosquito de les laisser libres). On me demande votre délivrance... Vous êtes cependant bien là-dedans... (Signe négatif des prisonniers). Je ne vous ouvrirai la porte qu'à une condition... C'est que Cornichez accueillera son neveu Alfonso, au même titre que Pierrot. (Cornichez refuse). Alors, qu'il confise à son aise. (Signe désespéré du vieux qui consent ainsi que Pierrot). Allons donc ! Vous devenez raisonnables.
 

     Les deux bocaux disparaissent, Pierrot et Cornichez délivrés se flairent l'un l'autre. Mosquito présente Alfonso...

 

MOSQUITO. - Voici votre neveu !... Accueillez-le de bon cœur et soyez fidèle à votre promesse. (Cornichez, Pierrot et Alfonso s'embrassent, après quoi Mosquito attire le jeune homme à l'écart). Tu es heureux, grâce à mes talismans !... Ils se remplaceront d'eux-mêmes comme c'est convenu. Mais tu m'appartiendras le jour où cette bourse se déchirera. (Alfonso prend un air chagrin, Cornichez s'approche pour en connaître la cause. Le jeune homme lui parle bas à l'oreille pendant que Mosquito ricane à l'écart. Sur l'invitation du vieillard qui lui conseille de rejeter cette bourse, Alfonso veut la tirer de sa poche, mais elle s'accroche à sa ceinture, se déchire, l'argent tombe à terre, Mosquito se rapproche vivement). Imprudent ! Ta maladresse a devancé l'échéance du pacte. Cette bourse rompue te met en ma possession dès cette heure... Je viens réclamer ma proie que rien ne saurait, m'arracher. (Pendant ce temps, Pierrot a ramassé l'argent. Cornichez le remet dans la bourse et jette le tout dans un bénitier attenant à sa maison ; Mosquito recule avec rage). Cette bourse !... Dans le bénitier de la Madone... Malédiction ! Il m'échappe. (Il s'enfuit en fureur ! Cornichez donne la main à ses deux neveux. Tous les trois forment un groupe satisfait).


RIDEAU.




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