Marthe BIANCHINI
DANS LA FORÊT DES ARBRES DE NOËL
Saynète en 1 acte
PERSONNAGES :
FANCHON, 8 ans ;
PLIC ET PLOC, lutins de la forêt ;
LA FÉE DU BOIS ENCHANTÉ ;
LE PÈRE NOËL ;
LES LUTINS DU BOIS ENCHANTÉ.
Le décor représente une foret. Au début de l'acte, le rideau ne se lève qu’à moitié, dans la partie droite de la scène. La partie gauche reste cachée. Un tronc d’arbre couché au milieu de la scène.
SCÈNE PREMIÈRE.
FANCHON seule.
(Fanchon entre. Elle est pauvrement vêtue. Robe en haillons. Pieds nus. Petit bonnet. Elle porte un fagot de bois. Elle est très fatiguée).
FANCHON, entrant. — J’ai perdu mon chemin ! Comme la nuit est noire ! Ma tante va me battre, bien sûr ! Mais je me suis égarée dans toute cette neige. (Elle pose son fagot à terre et s’assied dessus. Tristement). Et c’est Noël, ce soir ! Les petits enfants mettent leurs souliers dans la cheminée et les arbres de Noël resplendissent de mille feux. Puis le Père Noël fait sa ronde et leur porte de magnifiques présents ! Hélas, et je n’aurai rien, moi, je ne suis qu’une pauvre orpheline ! Personne ne m’apportera la poupée dont je rêve depuis si longtemps ! Oh ! pourquoi n’ai-je plus de papa et de maman ? (Elle pleure. Se levant). Mais il faut que je m’en aille, que j’essaye de retrouver mon chemin car, si je m’attarde, je risque d’être dévorée par les loups.
(Le rideau qui masquait la partie gauche de la scène se lève lentement. découvrant un magnifique arbre de Noël tout couvert de guirlandes, de jouets, de bougies et de friandises. On voit scintiller au loin, dans la forêt, des milliers d’arbres de Noël.
Fanchon qui, déjà, s’était baissée pour ramasser son fagot, se redresse, se dirige vers la gauche et brusquement aperçoit le sapin. Saisie :)
FANCHON. — Oh ! (Elle recule, émerveillée). Oh ! un arbre de Noël. (Elle pose son fagot à terre et joint les mains, extasiée). Qu’il est beau ! Je n’en ai jamais vu d’aussi brillant ! (Elle regarde au loin). Mais... est-ce que je rêve ? Tous les arbres de la forêt se couvrent de guirlandes d’or et d’argent, tous les arbres de la forêt s’embrasent de mille feux et scintillent sous le ciel noir. (Tendant la main). Un autre ! un autre là-bas ! un autre encore ! Tous les sapins ont revêtu leur parure de jouets et d’étoiles et je suis dans une forêt d’arbres de Noël ! (S’approchant de l’arbre qui est sur la scène). Oh ! les belles guirlandes, les magnifiques joujoux. Si on me disait de choisir, lequel prendrais-je ? Ce ballon ? Non, c’est un jouet de garçon. Une trompette ? Ma tante aurait tôt fait de la découvrir et de la jeter par la fenêtre. Non, c’est cette poupée que je choisirais, cette poupée en robe rose qui me regarde avec ses yeux bleus et qui me tend les bras. (S’approchant de la poupée). Que veux-tu, petite poupée blonde ? Tu cherches une maman ? Ah ! si tu étais ma fille, je saurais bien t’aimer, va ! Je te bercerais le soir pour t’endormir et je t’appellerais Pâquerette. (Avec un soupir). Mais tu n’es pas pour moi. Ta robe de satin est trop riche, tu es trop belle, et je ne suis qu’une petite fille pauvre et abandonnée. (Hésitant). Pourtant, si je t’emportais, qui le saurait ? Personne. La forêt est déserte et il y a des milliers et des milliers de joujoux accrochés aux arbres. Qui s’en apercevrait ? (Elle hésite puis, brusquement). Non, ce serait mal. Personne ne m’a permis de te prendre. Il faut que je m’en aille par les sentiers glacés. Que j’essaye de retourner à la maison (Aux arbres). Adieu, beaux sapins scintillants. (À la poupée, tristement). Adieu, petite Pâquerette. (Elle s’éloigne lentement, à regret).
SCÈNE II.
FANCHON, PLIC, PLOC.
(Deux lutins font irruption par la gauche. Ils saisissent violemment Fanchon).
PLIC. — Arrêtez-la, arrêtez-la, la voleuse ! Ah ! Ah ! nous t’y prenons en train de dévaliser les arbres de Noël du Bois Enchanté. Mais tu ne t’échapperas pas, tu es notre prisonnière.
FANCHON, suppliante. - Je vous en prie, petits lutins, laissez-moi partir.
PLIC, ricanant. — Partir ? Nous sommes chargés par la fée, notre maîtresse, de surveiller le Bois Enchanté et nous ne laisserons pas échapper une voleuse.
FANCHON. — Je n’ai rien volé, Monsieur le Lutin, je regardais seulement les beaux arbres de Noël.
PLIC. — Tu essayais de voler cette poupée, je t’ai vue !
PLOC. — Laisse-la, va, Plic. Je crois qu’elle dit la vérité.
PLIC. — C’est une menteuse, et d’ailleurs aucune petite fille ne doit pénétrer dans ce bois. (Sévère). Que faisais-tu ici ?
PLOC. — C’est vrai, il est tard. Pourquoi n’es-tu pas dans ton lit ?
FANCHON, tristement. — Je n’ai pas de lit.
PLIC. — Elle ment.
FANCHON. — C’est la vérité, Monsieur le Lutin, je couche au grenier dans la paille.
PLOC, ému. — Tu n’as donc pas de maman ?
FANCHON. — Elle est morte et c’est ma tante qui m’a recueillie.
PLOC. — Et pourquoi te fait-elle coucher dans la paille ?
FANCHON. — Elle dit que c’est assez bon pour moi et puis elle ne veut pas que j’use ses draps.
PLOC, indigné. — La méchante femme !
PLIC. — Ne la crois pas, Ploc. Elle dit tout cela pour nous attendrir. Il n’y a pas un mot de vrai.
PLOC. — Je crois qu’elle est sincère, Plic.
PLIC. — Mais que faisais-tu dans le Bois Enchanté ?
FANCHON. — Je ne sais pas. Ma tante m’a envoyé chercher du bois dans la forêt. J’ai perdu mon chemin dans la neige. J’ai marché, marché, et je suis venue jusqu’ici.
PLIC, ironique. — Tu veux nous faire croire que tu ne savais pas que c’est ce soir Noël et que c’est ce soir que la Fée du Bois Enchanté touche chaque sapin de sa baguette pour le changer en arbre de Noël scintillant de mille feux ?
FANCHON, sincère. — Je ne le savais pas, Monsieur le Lutin.
PLIC, de même. — Et tu ne savais pas non plus que c’est ici que le Père Noël vient récolter les joujoux qu’il mettra dans les cheminées, et que c’est ici que naissent les beaux arbres de Noël qui, en ce jour de fête, iront réjouir les maisons de tous les petits enfants ?
FANCHON. — Je vous assure que non. (Essayant de se dégager). Laissez- moi partir !
PLOC. — Laissons-la. va. Je crois qu’elle dit vrai.
PLIC, l'empoignant de plus belle. — Pour qu’elle revienne dans une heure, escortée de tous les gamins du pays qui mettront nos beaux arbres au pillage ! Jamais ! C’est une curieuse qui a voulu savoir où poussaient les arbres de Noël. Elle sera punie. (À Fanchon). Ma fille, la Fée du Bois Enchanté va passer dans un instant. Elle te touchera de sa baguette et tu deviendras un crapaud ou une araignée.
FANCHON, épouvantée, se débattant. — Non ! non ! je ne veux pas être une araignée ! Je veux m’en aller !
PLIC, conciliant. — Remarque qu’elle poussera peut-être l’indulgence jusqu’à se contenter de te charger les pieds de chaînes et de te garder toute ta vie comme servante dans ses demeures souterraines.
FANCHON, sanglotant. - Je ne veux pas habiter sous la terre. Je veux retourner à la maison !
PLIC. — D’ailleurs, elle te jugera elle-même car la voici.
SCÈNE III.
FANCHON, PLIC, PLOC, LA FÉE du bois enchantée,
LE PÈRE NOËL, 8 PETITS LUTINS.
La Fée et le Père Noël entrent majestueusement précédés et escortés par les lutins qui gambadent et poussent des cris de joie.
LES LUTINS. — Vive le Père Noël ! Vive la Fée du Bois ! Vive Noël ! Vive Noël ! (Ils agitent leurs bonnets).
LA FÉE, s’installant avec le Père Noël sur le tronc d’arbre. — Nous voici arrivés au bois. Reposez-vous un instant, cher Père Noël. Mais quelle est cette petite fille ?
(Plic et Ploc saluent la Fée et le Père Noël).
PLIC et PLOC. — Bonsoir, Père Noël. Bonsoir, notre Princesse.
PLIC. — Cette petite fille, Princesse, est une voleuse que j’ai eu l’honneur et le plaisir de surprendre en train de dévaliser le plus bel arbre de la forêt.
Tous LES LUTINS, se rapprochant en demi-cercle, avec indignation. — Oh !
FANCHON, sanglotant. — Ce n’est pas vrai, je n’ai pas volé, j’ai perdu mon chemin.
LA FÉE, sévère. — Voyons, petite fille, montre ton visage. Je n’aime pas les enfants qui cachent leur figure. J’aime les grands yeux clairs levés vers moi. (Fanchon essuie ses larmes et regarde la fée avec des yeux candides et suppliants. La fée, dans une exclamation). Mais je la reconnais. C’est Fanchon de l’Étang Fleuri.
FANCHON, étonnée. — Vous me connaissez, Madame ?
Tous LES LUTINS, mystérieux, un doigt sur les lèvres. — La Fée du Bois Enchanté connaît tout, tout, tout.
LA FÉE, avec bonté. — Je te connais, Fanchon, et je connais aussi ta méchante tante. C’est elle, n’est-ce pas, qui t’a envoyée chercher du bois dans la neige et la nuit ?
FANCHON, confuse. — Oui, Madame la Fée.
LA FÉE. — Et qui te laisse marcher pieds nus et coucher dans la paille du grenier ?
FANCHON, l’excusant. — Oui, Madame, mais elle est si pauvre !
LA FÉE. — Ce n’est pas vrai, Fanchon, elle cache dans sa cave de gros sacs pleins d’écus d’or.
FANCHON, étonnée. — Oh ! comment le savez-vous ?
Tous LES LUTINS, même jeu que plus haut. — La Fée du Bois Enchanté connaît tout, tout, tout !
LA FÉE. — Et dites-moi, lutins, connaissez-vous une petite fille qui recueillit un jour un écureuil blessé par un méchant garçon, qui le soigna en cachette et lui rendit la liberté quand il fut guéri ?
Tous LES LUTINS. — C’est Fanchon de l’Étang Fleuri ! C’est Fanchon ! C’est Fanchon !
FANCHON, confuse. — Oh ! Madame, sa petite patte était tout en sang !
LA FÉE. — Connaissez-vous, lutins, une petite fille qui, voyant sa tante maltraiter son âne, apporte à la pauvre bête tous les chardons qu’elle trouve en chemin, sans crainte de se piquer les doigts.
Tous LES LUTINS. — C’est Fanchon de l’Étang Fleuri ! C’est Fanchon ! C’est Fanchon !
FANCHON. — Il me fait pitié, il est si malheureux.
LA FÉE. — Et connaissez-vous une petite fille qui partage avec les oiseaux du ciel la mince tranche de pain que sa tante lui donne pour son dîner ?
Tous LES LUTINS. — C’est Fanchon de l’Étang Fleuri ! C’est Fanchon ! C’est Fanchon !
FANCHON. — C’est qu’ils ne trouvent rien à manger sous la neige. Mais, Madame la Fée, qui donc vous a dit tout cela ?
Tous LES LUTINS, même jeu. — La Fée du Bois Enchanté connaît tout, tout, tout.
LA FÉE. — Tous les petits hôtes de la forêt te connaissent et t’aiment, Fanchon, car ils savent que tu es une bonne petite fille.