PIECES  DE  THEATRE  POUR  ENFANTS.

 
 

PIERROT PORTIER

PANTOMIME À CASCADES EN UN ACTE.


http://urlz.fr/3B0N

 

Almanach des enfants. Amusements et jeux pour jeunes filles et jeunes garçons

1877


PERSONNAGES :


RICHARDIN, propriétaire.
PAPILLON, son fils.
PIERROT, leur concierge.
CASCARET, gamin du voisinage.

La scène se passe dans la cour d'une maison bourgeoise.

 


     La cour d'une maison, au fond un mur avec porte-cochère ; à droite la maison de Richardin ; à gauche, la loge.

 

Scène première.


     Pierrot sort de sa loge, tenant une cage dans laquelle frétille un oiseau. Il lui fait la risette, l'oiseau le mord et reçoit une tape ; la cage accrochée au mur, Pierrot va écouter à la porte de Richardin et fait signe qu'il ronfle ; il prend un balai et commence à nettoyer lorsqu'on sonne ; il tire le cordon, va regarder au dehors ; une main lui passe plusieurs journaux dont il retire les bandes et qu'il lit ; on sonne de nouveau, il ouvre, on lui passe une boîte de lait dont il goûte une partie, recommence et trouvant qu'il en a trop bu, remplit la boîte avec de l'eau de son baquet de cordonnier ; on sonne encore, il ouvre, une poignée de main lui remet plusieurs lettres, c'est le facteur ; il parcourt les lettres qu'on vient de lui donner, cherchant à lire dans leur intérieur, lorsqu'on sonne derechef à tout rompre, Pierrot, impatienté, tire le cordon et va se placer derrière la porte.



Scène II.


     Entre Papillon, en costume de déguisé et portant un faux-nez. Pierrot qui croit que c'est un mystificateur, lui donne un coup de pied ; Papillon saute et retire son faux-nez ; Pierrot reconnaît le fils de son propriétaire et s'incline à diverses reprises en s'excusant. Le jeune homme comprend sa méprise, il s'est ainsi costumé pour aller à une fête de nuit sans que son père le sache et demande si l'on s'est aperçu de son absence ; sur la réponse négative de Pierrot, il lui donne quelque monnaie pour acheter son silence et rentre pour se reposer un peu.



Scène III.


     Par la porte restée ouverte, entre Cascaret, un gamin du voisinage, vêtu d'une blouse et coiffé d'un bonnet de papier, il examine le déguisement de Papillon et fait un pied de nez derrière Pierrot qui compte l'argent qu'il a reçu ; en retournant à sa loge, il aperçoit le gamin, se met en colère et lui intime l'ordre de sortir ; Cascaret répond par des gestes moqueurs. Pierrot le pourchasse, le gamin s'échappe lui jetant au milieu des jambes ce qui lui tombe sous la main ; Pierrot saisit son balai, veut en porter un coup à Cascaret qui s'échappe en riant, tandis que ce coup frappe la cage de l'oiseau. Pierrot pleure en voyant la chute de son volatile.



Scène IV.


     Richardin, en robe de chambre et calotte, sort de son logis et vient voir ce que fait Pierrot ; celui-ci croyant que c'est Cascaret, rentre dans sa loge, saisit un tire-pied et frappe à coups redoublés sur le propriétaire qui arpente la cour en criant, butte contre la cage et tombe ; Pierrot le reconnaît, l'aide à se relever et le met sur une chaise où il tombe en pâmoison. Pierrot va chercher son baquet et lui jette de son eau à la figure ; Richardin éternue et se dresse menaçant devant le portier qui se jette à genoux en tombant sur les pieds du bonhomme ; celui-ci jette un cri de douleur et se laisse vaincre par le désespoir de Pierrot qui lui conte la scène du gamin et la chute de son oiseau. Richardin pardonne, demande ses journaux et rentre chez lui, suivi de Pierrot qui porte la boîte au lait et s'amuse à en boire pendant que son maître lui tourne le dos.


Scène V.


     Par la porte restée ouverte, Cascaret avance la tête, ne voit personne, entre en sautillant, ne voit rien dans la loge, regarde le désordre de la cour, examine la cage de laquelle il retire l'oiseau mort qu'il remplace par une savate, il raccroche la cage, écoute dans la maison de Richardin, entend du bruit et se cache derrière le bâtiment pour jouir de la surprise de Pierrot, à la vue du singulier oiseau qui occupe la place du sien.

 


Scène VI.



     Papillon, en tenue de ville non habillée, sort de la maison de son père en bâillant et en s'étirant ; il vient pour recommander de nouveau la discrétion à son concierge, il le cherche en vain de tous côtés et comme il est un peu endormi, il heurte le petit veilloir sur lequel Pierrot a posé ses outils de cordonnier, il les ramasse, les met pêle-mêle un peu partout, puis il s'assied sur le tabouret, se redressant aussitôt en faisant une grimace, c'est qu'en effet il vient de se poser sur une alêne qu'il avait par mégarde placée sur le tabouret ; après une angoisse d'un moment, il se met en colère et vient donner un coup de pied qui renverse le tabouret innocent.
 


Scène VII.


     Pierrot qui sort à son tour de la maison en tenant une pile d'assiettes les laisse tomber à terre et donne un autre coup de pied au jeune homme en lui demandant ce qu'a fait son tabouret pour être maltraité. Papillon ramasse les assiettes et les envoie dans les jambes de Pierrot qui riposte de même ; à la fin, le jeune homme veut se faire reconnaître de Pierrot qui ne l'écoute pas et pour le punir d'avoir maltraité son ménage, le menace de dire à son père qu'il a passé la nuit dehors avec un costume et un faux nez ; Papillon fait à part un signe de mécontentement qui semble dire que puisque Pierrot veut lui jouer un tour, il va lui en jouer un autre ; pendant que le portier fait des gestes de mauvaise humeur, le jeune homme sort prestement par le fond en tirant la porte sur lui.


Scène VIII.


     Au bruit que fait la porte, Pierrot se retourne, il ne voit plus Papillon, regarde de tous côtés, s'imagine que le jeune homme est entré chez lui, saisit son tire-pied et pénètre dans sa loge. Cascaret , accourt sur la pointe du pied et cherche à fuir mais la porte extérieure est fermée, il fait un signe d'impatience et songe à tirer le cordon lui-même, lorsque prêt à mettre son idée à exécution, il court se recacher en indiquant le retour de Pierrot.



Scène IX.


     Celui-ci revient et annonce qu'il n'a vu personne, le jeune homme sera remonté chez lui ; il va profiter du beau temps pour travailler dans la cour ; il jette au hasard un coup d’œil sur sa cage et semble surpris de la voir accrochée ; il la descend, retire l'oiseau pour le caresser et se trouve extrêmement surpris de ne rencontrer qu'une savate. Il ne sait à qui s'en prendre et se promet de surveiller le faiseur de niches ; il entre plusieurs fois dans sa loge et autant de fois en sort un objet différent qu'il met dans la cour ; Cascaret sort de sa cachette à chaque disparition de Pierrot et après lui avoir fait un geste de menace ; il change de place les ustensiles apportés par le concierge ; d'abord le veilloir qu'il recule, lorsque Pierrot vient avec confiance pour poser une forme et de la chaussure dessus, il les laisse tomber à terre sans comprendre comment cela se fait. Pendant une autre absence, Cascaret enduit le cordon de colle en pâte, ensuite il pose le tabouret sur le veilloir, la cage sur le tabouret, la botte dans le pot à colle ; puis il se cache de nouveau ; Pierrot revient et furieux de ces changements, il cherche en vain de tous côtés, soupçonnant Cascaret d'être l'auteur de ces espiègleries, mais la porte du fond est fermée, il va l'ouvrir et se mettre à l'affût ; en conséquence il tire le cordon et pousse un cri, en se sentant la main pleine de colle ; Cascaret qui guettait ce moment, sort de son coin s'empare du tire-pied dont il frappe Pierrot en lui faisant la poursuite, puis il s'enfuit de la maison en riant aux éclats. Pierrot remis de sa stupeur, reprend son tire-pied et le brandit d'un air menaçant en cherchant son insaisissable ennemi.


Scène X.


     Richardin, en tenue de ville, sort de la maison à droite et se dirige vers la porte de sortie ; à peine est-il parvenu jusque-là que Pierrot s'imaginant avoir affaire à son tourmenteur, lui assène une volée de coups, il bondit, saute, crie, pendant que Pierrot semble dire : Je te tiens ! tu vas me le payer et continue de le battre en ricanant. Richardin qui lui tourne constamment le dos, va butter contre le veilloir qu'il renverse en roulant pêle-mêle avec les outils ; Pierrot furieux de ce remue-ménage lui donne plusieurs coups de pied. Richardin saisit forme, savate, éponge et lance le tout à la tête de Pierrot qui les lui renvoie, puis les deux adversaires se jettent l'un sur l'autre, se prennent à bras le corps en poussant des cris ; au milieu de cette bousculade, Pierrot reconnaît son propriétaire et tombe à genoux en confessant sa méprise ; Richardin lui montre son œil poché, Pierrot montre le sien noir également ; le propriétaire prie alors son concierge de lui expliquer pour quelle cause il s'acharnait ainsi à le frapper. Le portier raconte les mauvaises farces du gamin, sa colère à lui, et les mauvaises suites qu'elles ont occasionnées. Richardin rit tout en se tâtant les côtes et en grimaçant vu les douleurs que les coups lui procurent... Enfin il pardonne et tirant un portefeuille de sa poche, montre à Pierrot que c'est de l'argent qu'il va placer.


Scène XI.


     Le propriétaire sorti, Pierrot referme la porte, range tous les objets épars dans la cour et serre l'ensemble dans sa loge ; après quoi il dit qu'il va préparer le déjeuner. En ce moment, on sonne, il ouvre, va au devant de celui qui entre et se trouve en présence d'un individu vêtu en incroyable qui sautille constamment et fait une foule de salutations que Pierrot a de la peine à suivre. C'est Papillon qui s'est déguisé en professeur de danse ; Pierrot qui se laisse gagner par son mouvement perpétuel, finit par l'imiter et tout en sautant d'une manière lourde, lui demande ce qu'il désire : Papillon lui montre une adresse ; après l'avoir regardée, Pierrot lui indique le logis de Richardin, l'engageant à monter au premier étage, mais à essuyer d'abord ses pieds sur le paillasson ; il lui demande le but de sa visite, Papillon dit qu'il vient apprendre la danse à son maître, Pierrot rit, Papillon saute et montre à Pierrot le pas qu'il vient enseigner, avec accompagnement de chants et de coups de pied. Toute cette scène s'est effectuée au milieu d'une sauterie qui échauffe et fatigue Pierrot, lequel finit par pousser le maître à danser dans la maison de Richardin.


Scène XII.


     Le jeune homme parti, Pierrot s'assied en s'essuyant le front et en trouvant que tout son corps est courbaturé ; enfin, il se décide à faire sa cuisine, va chercher dans sa loge un fourneau qu'il allume dans la cour, puis il pose une marmite dessus, épluche des légumes qu'il goûte et jette à moitié nettoyés dans la marmite y ajoutant les épluchures, d'énormes poignées de sel et de poivre et tassant le tout avec son pied, l'eau étant chaude, il se brûle et pousse un cri ; pour se remettre il prend une prise, la tabatière lui échappe des mains et tombe dans la marmite, il essaie de la ressaisir mais comme le bouillon est chaud, il tire un mouchoir de poche qu'il essuie avec sa manche, s'en enveloppe les doigts et cherche à repêcher sa tabatière ; se brûlant de nouveau, il va chercher des pincettes, pose sa marmite à terre et se met à explorer dedans ; on frappe ; un instant, semble dire Pierrot ; on frappe de nouveau sans qu'il se dérange absorbé qu'il est dans son opération, la tabatière lui échappant chaque fois qu'il croit la tenir ; il la saisit enfin lorsqu'on sonne avec violence, il jette ses pincettes avec colère et va tirer le cordon.



Scène XIII.



     Pierrot revenu auprès de sa marmite, s'accroupit sans regarder la personne qui entre ; la porte ouverte livre passage à un fantôme enveloppé d'un drap blanc, lequel pénètre doucement dans là cour et suit les actions de Pierrot ; le fantôme écarte son drap, montrant la tête railleuse de Cascaret qui fait un geste de menace comique ; après quoi, se drapant de nouveau, il vient s'accroupir comme le concierge, de l'autre côté de la marmite ; Pierrot : tourne nonchalamment la tête, regarde sans comprendre d'abord, ce fantôme qui semble imiter tous ses gestes, il fait une grimace effrayée et se relève doucement, Cascaret fait de même ; Pierrot recule, Cascaret avance ; ils font ainsi le tour de la scène ; Pierrot, marchant à reculons mais toujours poursuivi par le fantôme, vient mettre le pied dans la marmite et se brûle ; il pousse une exclamation, puis affolé par la frayeur, il se jette à genoux, les mains jointes, en marmottant une oraison ; Cascaret ouvre son drap et lui fait un pied de nez. Pierrot vexé se relève furieux, saisit son balai et se dispose à fustiger le polisson. Au moment où il va l'atteindre, celui-ci s'avance armé d'un pistolet amorcé dont il fait jouer la détente, l'amorce éclate et pendant que Cascaret s'enfuit, Pierrot porte la main à sa poitrine, tombe à terre en agitant les jambes et en faisant des appels désespérés.



Scène XIV.



     Papillon sort de sa demeure, il a repris ses habits de ville, il court vers le concierge criant et gesticulant, il essaie de le soulever, le met sur son séant, le lâche pour le relever encore, il finit par le faire tomber sur une chaise et le prie de s'expliquer. Pierrot raconte la scène du coup de feu, il se tâte croyant sentir une blessure, voyant qu'il en est quitte pour la peur, il se met à danser.


 




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