PIECES  DE  THEATRE  POUR  ENFANTS.

 
 

LE SINGE THORIX

Comédie en 1 acte pour 8 garçons

de Pierre PIVO

PERSONNAGES :

GUY, ALAIN, DENIS, YVES (tous ont une dizaine d'années) ;
DANIEL, 7 ans ;
ROBERT, HENRI, 11 ans ;
MARCEL, l2 ans.

DÉCOR :

Une cour de récréation. Elle pourra être évoquée par une toile de fond.
À l'arrière plan, à droite, dans un angle, le préau.


 

SCÈNE PREMIÈRE


GUY : (lançant les osselets) Un, deux, trois... Loupé ! J'ai lâché le rouge !

ALAIN : On ne dit pas loupé !

GUY : Comment qu'on dit, alors ?

ALAIN : On dit Manqué !... (un temps). On dit : Comment dit-on... dans quelle famille es-tu élevé ?

GUY : (vexé) Oh, dis !... Fais gaffe !... J' parle pas de tes parents, moi !

ALAIN : On ne dit pas : Fais gaffe !.... On dit : Fais attention !... ou alors : Prends garde à toi !...

GUY : (riant aux éclats) Oh ! Dis !... Prends garde à toi !... comme ma grande sœur quand elle chante Carmen !...


     (Il imite sa sœur et éclate de rire encore. Le jeu d'osselets a continué pendant le dialogue).


ALAIN : (à Guy) C'est à toi pour la lancette.

GUY : (comique) Manqué !... (Il a prononcé le mot avec le maximum d'affectation). Tu vois... Je parle maintenant comme les gens du monde... du beau monde (silence très court). Du tien !

     (Le jeu continue, très animé mais sans dialogue).

DENIS : (regardant un personnage qui s'approche) Oh ! les gars... Attention !


ALAIN : (surpris) Fais gaffe. (à Guy) Je parle aussi mal que toi maintenant !


GUY : (sentencieux) Dis moi qui tu hantes... a écrit le maître au tableau ce matin.

YVES : (le jeu cessant) Qu'est-ce que vous regardez tous les trois comme ça ?


DENIS : Le Singe Thorix.

     (Le jeu reprend).

GUY : (méprisant) Il n'a rien à faire ici, le Singe Thorix... Il a mangé à la cantine avec nous... C'est bien suffisant... Qu'il s'en aille !...

ALAIN : Il s'en va de lui-même. On dirait qu'il a compris que tu ne le voulais pas.

GUY : Non, je ne le veux pas !

ALAIN : Pourquoi ?

GUY : C'est une cloche.

ALAIN : Il n'est pas donné à tout le monde d'être intelligent comme toi... (Un temps) D'abord, il ne s'appelle pas le Singe Thorix, mais Daniel. Et c'est un enfant bien gentil et bien élevé...

GUY : (de mauvaise humeur) Oh ! Tu nous cours, toi, avec tes histoires de famille...

DENIS : Pourquoi l'appelle-t-on le Singe Thorix ? Moi, je suis nouveau dans l'école... Je ne sais pas.

GUY : C'est toute sa classe qui l'a baptisé comme ça... (Un temps) Un jour, le Maître venait de faire une leçon sur la Gaule et sa conquête par les Romains... Pour savoir si tout le monde avait suivi, il a demandé qui avait défendu la Gaule contre Jules César... Sais-tu ce qu'il a répondu, le petit môme ?

DENIS : Non.


GUY : Le Singe Thorix !...

     (Les trois garçons éclatent de rire à l'exception d'Alain).


ALAIN : Il avait mal compris, voilà tout.

GUY : Bien sûr... Mais prendre Vercingétorix pour un singe... (riant de plus belle) Avoue que pour ça il faut tout de même bouillonner de la cafetière.

ALAIN : (méprisant) Bouillonner de la cafetière !...


GUY : (même jeu, les doigts frémissant à la hauteur des yeux) Onduler de la toiture, si tu veux !...

ALAIN : (idem) Onduler de la toiture !... Si tu crois que tu es intéressant, toi, avec ton argot !

GUY : Avec quoi ?


ALAIN : Avec ton argot !... Tu ne sais pas ce que c'est que l'argot ?

GUY : Non !... Je parle comme mes grands frères, un point c'est tout.

ALAIN : (à Guy, sur une dernière lancée) Tu as encore gagné. Partons !... Fais la ramassette... (un temps) Le voilà qui revient !... On ne va pas pouvoir l'éviter... Alors, continuons à jouer.

     (Le jeu reprend. Daniel s'approche. Personne ne paraît maintenant remarquer sa présence. Il demeure debout).

 

SCÈNE II


     (Daniel est un petit garçon très timide, qui bégaye et s'exprime difficilement. Plusieurs fois, dans le dialogue qui va suivre, il s'approchera pour poser une question mais n'osera pas).

YVES : (à Guy) C'est à toi pour la lancette...


GUY : Voilà ! Pas loupé, cette fois !... (Très enjoué, chantant le rythme d'une comptine). Un, deux, trois, je lance... Un, deux, trois, je prends... Un, deux, trois, je lance... Un, deux, trois...

YVES : (à Guy, le coupant) ...Dis-donc, Guy...


GUY : (comique) Monsieur désire ?...


YVES : Est-ce que le directeur a trouvé qui a cassé le carreau de votre classe ?

GUY : Non. On a seulement retrouvé le ballon de foot à l'intérieur. Comme la porte était fermée à clé, le ballon a été lancé de la cour... ou plutôt du préau.

YVES : Pourquoi le préau ?

GUY : C'est toujours là qu'on le laisse... et il est tout à fait dans le champ de tir.

YVES : C'est vrai que le directeur a dit que le carreau coûtait neuf-cents francs ?

GUY : C'est vrai. (Un temps. Lançant de nouveau les osselets). Mais à ce tarif là, personne ne se dénoncera ! Pour payer, il faudrait casser une trop grosse tirelire !... (reposant les osselets et regardant Daniel) C'est peut-être toi qui l'as cassé, le carreau ?

DANIEL : (qui a tressailli) Non... non... Ce n'est... Ce n'est pas moi !

GUY : (perfide) Tu as répondu bien vite !

DANIEL : (toujours tremblant et bégayant) Je te dis que... je te dis que... ce n'est... ce n'est par moi !


     (Le jeu reprend. Daniel fait mine de partir).

GUY : (impératif) Non, reste... Si tu partais, tu pourrais attirer les soupçons... Voilà les grands qui arrivent.


     (Le jeu continue au moment où les Grands : Robert, Henri, Marcel, s'approchent du groupe).

GUY : Pourtant, tu étais là, toi, ce matin, sous le préau... Tu arrives toujours une demi-heure avant la rentrée.

DANIEL : Oui... j'étais là... mais... ce n'est pas moi.

GUY : Il n'y avait que toi et le petit Michou dans la cour à ce moment là.

 

DANIEL : Je n'en... je n'en sais rien... Je n'ai... je n'ai pas vu... je n'ai pas vu... le petit Michou.


GUY : Tu vois bien que tu mens !

MARCEL : (après un bref conciliabule avec les deux assesseurs, à Daniel) Écoute, le môme... Il faut que, toi aussi, tu jures sur l'honneur... Tu sais ce que cela veut dire ?...


DANIEL : ... (Il ne répond pas).

MARCEL : Il faut que tu jures sur l'honneur que ce n'est pas toi.

DANIEL : (très décidé mais bégayant toujours) Je... ne veux pas... je ne peux pas... jurer !

 

GUY : : (à Daniel) Tu vois bien que c'est toi, petit hypocrite que tu es !


MARCEL : (condescendant, sur un ton beaucoup plus doux) Allons, jure... C'est le seul moyen de prouver que ce n'est pas toi. Nous attendons.

DANIEL : (après un long silence, très péniblement) Je ne... je ne veux pas... jurer ! Je dis... je dis seulement... que ce... que ce n'est pas moi.


MARCEL : (triomphant, assez méchamment) Ah ! Enfin... Nous tenons le coupable !.. C'est le directeur qui va être content !... (Aux deux assesseurs) Tâchez de le voir le plus tôt possible et annoncez-lui la bonne nouvelle !...

     (Robert et Henri partent).


SCÈNE IV


LES MÉMÉS, moins ROBERT et HENRI.


MARCEL : (Sur un ton plus doux, à Daniel qui baisse les yeux et qui est bien près de pleurer) Pourquoi ne l'as-tu pas dit plus tôt que c'est toi qui as cassé le carreau ?
 

DANIEL : ... (Il pleure à chaudes larmes).


MARCEL : Tu préférais en faire accuser un autre à ta place ?...

 

DANIEL : … (Ses sanglots redoublent).

MARCEL : (maladroit, voulant s'excuser) On dit que tu n'es pas très intelligent. Tes camarades t'appellent le Singe Thorix... Mais tout de même... Explique-nous comment tu as fait...

DANIEL : ... (Toujours le même mutisme).


MARCEL : Explique...


DANIEL : J' peux pas dire...


MARCEL : Où était le ballon ?..

DANIEL : J' sais pas.

MARCEL : Tu dois bien le savoir... Il n'y avait que Michou et toi, ce matin, sous le préau... C'est vrai ou pas vrai ?...

DANIEL : (Pleurant de plus belle) J' sais pas !

MARCEL : (cessant de l'interroger) J'ai l'impression que tu fais l'imbécile... (après un bref silence) Et tu as de l'argent pour payer ?

DANIEL : Oui... j'ai... j'ai une... tirelire...

 
 



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