PIECES DE THEATRE POUR ENFANTS.
Le Père Noël est un malin
Comédie enfantine en 1 acte et 3 tableaux
par JOANNY GIRARD.
PERSONNAGES :
JACQUES, JEANNOT, LILIANE, frères et sœur.
MAURICE, HUGUETTE, MARTINE, frère et sœurs.
LE PÈRE NOËL.
N.-B. - Liliane et Maurice sont plus âgés que les autres enfants.
DÉCOR. - La chambre de Liliane. Lit à gauche avec petite table de nuit. Cheminée au fond. Porte à droite. Un guéridon. Autres meubles et des chaises ad libitum, à condition que la cheminée reste visible de la salle de spectacle. Gravures enfantines contre les murs ; tout est propre, clair, bien rangé : n'oublions pas qu’il s’agit d’une chambre de fillette !
PREMIER TABLEAU
(La nuit de Noël. L'action se passe avant minuit. Au lever du rideau, Jacques et Jeannot sont agenouillés devant la cheminée où ils viennent de placer leurs souliers. Entre Liliane, portant une paire de chaussures).
Liliane (devant la cheminée). - Ah ! non !... Il ne faut pas mettre vos souliers au beau milieu de la cheminée !
Jeannot. - Comment, alors ?
Liliane. - Plus à gauche ! (Jacques et Jeannot changent leurs souliers de place). Là !... Moi, je vais placer les miens à côté des vôtres ! (Ce qu'elle fait). Il faut laisser de la place à droite pour les souliers de Maurice Martin et de ses sœurs !
Jacques. - Maurice Martin et ses sœurs ?
Liliane. - Oui !... Ils habitent une maison neuve avec le chauffage central... et il n'y a pas de cheminée !
Jeannot. - Alors, ils vont apporter leurs souliers chez nous ?
Liliane. - Oui !... Je les attends d'un moment à l'autre ! (On sonne). Justement. Les voici !... Jacques ! Va leur ouvrir.
(Jacques sort et revient presque aussitôt, suivi par Maurice, Martine et Huguette qui portent, chacun et chacune, une paire de souliers).
Maurice. - Bonjour tout le monde !
Huguette et Martine. - Bonjour !
(On se serre la main, on s'embrasse).
Liliane (à Jeannot). - Regarde les souliers de Huguette et de Martine comme ils sont bien cirés !
Jeannot. - Toi. tu nous casses les oreilles ! (À Jacques). Elle va encore nous taire une leçon de propreté !
Liliane. - Parfaitement !... Si vous croyez que le Père Noël est content lorsqu'il voit des souliers malpropres ou mal cirés dans une cheminée ?
Maurice. - Écoute, Liliane ! Je vais te dire !... Si les souliers de mes petites sœurs sont si reluisants, c'est qu'ils sont tout neufs !
Huguette. - Maman nous les a achetés hier chez Renard ! (On pourra remplacer « Renard » par le nom du marchand de chaussures local).
Jacques (à Liliane). - Et voilà !... (Au public). Je me disais aussi que ces souliers-là étaient trop bien cirés pour être honnêtes !
Liliane (à Maurice et à ses sœurs). - Posez vos souliers à droite de la cheminée !
(Ce qu'ils font).
Maurice (après avoir posé ses souliers). - Il ne reste plus maintenant qu'à attendre les cadeaux du Père Noël !
Liliane. - Hélas ! Que celle nuit va être longue ! Je sens que je ne pourrai pas fermer l'œil !
Jeannot. - Des blagues !... Tu vas ronfler comme une bienheureuse !
Jacques (à Liliane). - Toi, tu ne penses qu'à dormir !
Jeannot (moqueur). - « Ma fille est endormie ! Mademoiselle se prélasse l... » (Il a pris une voix de femme pour dire cela). Ce n'est pas moi qui le dit : c'est Maman !
Jacques. - Elle dit aussi que tu es trop paresseuse pour avoir la poupée que tu as demandée au Père Noël ! '
Martine (montrant Maurice). - C'est comme Maurice ! Il est si polisson que Papa a demandé au Père Noël de lui apporter un martinet !
Huguette (enchaînant). - ...et rien d’autre. pas même une papillote ?
Liliane. - Et vous croyez que ça va se passer comme ça ? Non, mes amis ! Non ! Je suis assez intelligente pour me tirer d'affaire !
Jeannot. - Ça va, on le sait que tu fais des multiplications par trois chiffres !
Jacques. - …et des règles de trois !
Liliane. - Ne vous moquez pas !... et écoulez ce que je vais vous dire !
(Les enfants font cercle autour d'elle).
Jeannot. - J’ouïs !
Jacques. - Nous ouissons !
Liliane. - Si vraiment le Père Noël ne m'apportait pas la poupée que je désire tant... il ne serait pas gentil !... D'abord !
Maurice. - Et moi, s'il me privait de ce train électrique que j’attends depuis si
longtemps, je lui en voudrais, c'est certain !
Liliane. - Mais j'ai tout prévu ! Si le Père Noël n'a pas pensé à moi, je me lèverai et je le supplierai de me donner quelque chose !
Jeannot. - Tu le lèveras ?... Mais je l'ai déjà dit que tu vas dormir à poings fermés ?
Liliane. - Tu crois ?... Eh bien ! non ! Je me réveillerai, sois tranquille !
(Elle va vers le lit, fouille sous le traversin et en retire un réveille-matin qu'elle exhibe fièrement).
Jacques et Jeannot (ensemble). - Le réveil de grand-mère !
Maurice. - Tu as volé ce réveil. Liliane ?
Liliane. - Mais non !... ll n'y a là rien de mal ! Et si j'ai dérobé ce réveil, c'est pour pouvoir me réveiller à minuit quand le Père Noël viendra !... Demain, je le reporterai dans la chambre de Grand Mère !
Jacques. - Tu sais que ce réveil est un vieux souvenir de famille ?
Jeannot. - Grand-mère y tient comme à la prunelle de ses yeux !
Liliane. - J'en aurai soin, n'ayez crainte !... Je l'ai remonté et j'ai réglé la sonnerie aux environs de minuit !
Huguette. - Et si tu n’entends pas sonner le réveil ?
Martine. - Et si la sonnerie reste coincée ?
Liliane. - J'espère ne pas avoir celle malchance !
(Elle reporte le réveil sous son oreiller).
Maurice (à Jacques et à Jeannot). - Ces filles, c'est fou le culot que ça peut avoir !
Jeannot. - En tout cas, moi, je ne me risquerai pas à ce petit jeu-là avec le Père Noël !
Jacques. - C'est un coup à recevoir une botte de triques !
Liliane. - Peureux, va !... Allez donc vous coucher, ça vaudra mieux !
Maurice (à ses sœurs). - Nous aussi, nous allons nous coucher ! Demain matin, nous viendrons voir ce que nous aura apporté le Père Noël !
(Maurice et ses sœurs se dirigent vers la porte de droite).
Jeannot, Jacques et Liliane (ensemble). - Bonne nuit !
Maurice. - Bonne nuit également ! et à demain !
(Il sort, suivi par ses sœurs).
Liliane. - Et maintenant. allez ! Vite au lit !... Bonsoir !
(Elle embrasse ses frères. Ils sortent. Liliane, restée seule, sort le réveil de dessous l'oreiller et le place sur la table de nuit, non sans avoir vérifié sa bonne marche).
Liliane. - Il marche, ça va !
(Elle prépare sa chemise de nuit).
La voix de la Maman (en coulisses). - Liliane, tu n'es pas encore couchée ?
Liliane (cachant précipitamment le réveil). - Bientôt Maman !... Je vais éteindre la lumière !
La voix de Maman. - Dis ! Tu n'aurais pas vu le réveil de Grand-mère par hasard ? Elle ne le retrouve pas !
Liliane (après une hésitation). - Nnnnnon ! Maman !
La voix de Maman. - Tant pis ! Nous le chercherons demain ! Bonne nuit, ma chérie ! Couche-toi vite !
Liliane. - Bonne nuit. Maman !
(Elle replace le réveil sur la table de nuit, puis elle pose ses souliers, ses chaussettes... mais vous n’assisterez pas au petit coucher de Mademoiselle car le RIDEAU, pudique, s’est baissé lentement).
DEUXIÈME TABLEAU
(Minuit n'est pas loin. La scène est presque sombre, à peine éclairée par un projecteur. Liliane est couchée et dort profondément. On entend soudain les douze coups de minuit. Le Père Noël entre doucement par la porte ; il avance... lentement vers la cheminée, puis s'approche du lit. Il remarque le réveil).
Le Père Noël. - Tiens ! Un réveil !... Et pourquoi faire ? Les enfants n'en ont pas besoin et leur Maman se charge bien de les éveiller quand il est temps !... (Il prend le réveil, l'examine et s'exclame). J'ai compris !... Voilà une petite fille bien curieuse !...
Dans une ou deux minutes, cet engin allait sonner et le tour était joué. Prenons donc la sage précaution de retarder l'heure à laquelle cette mécanique doit réveiller cette petite polissonne ! (Il tourne l'aiguille de sonnerie). Là ! voilà qui est fait ! (Il pose le réveil sur la table de nuit). Passons maintenant à notre distribution de jouets ! (Il sort un calepin de sa poche et lit). « Liliane Perdrix, Jacques et Jeannot Perdrix !... » Liliane d'abord, c'est l'aînée ! (Lisant) « Liliane ! Fillette capricieuse et menteuse... répond sans vergogne aux remarques que lui font ses parents. A dérobé un réveil à sa Grand-Mère pour surprendre le Père Noël et tenter de l'amadouer !» (Il rit). Ah ! ah ! Mâtine !... (Lisant) « Jacques et Jeannot. Turbulents. mais bons garçons ! » Ça va ! (Lisant) «Attention ! dans la même maison se trouvent les souliers des enfants Martin qui n'ont pas chez eux de cheminée pour déposer leurs souliers !...» Qu'est-ce que cela peut bien faire ? Les cheminées, c'est vieux jeu et compagnie J'ai désormais une clef atomique universelle qui ouvre toutes les portes de toutes les maisons du monde ! (Lisant) « Chez Martin, deux fillettes très gentilles... mais l'aîné, prénommé Maurice, ne mérite pas les bontés du Père Noël. Son père réclame, pour le corriger, un martinet ! » Tiens ! tiens ! (Il réfléchit un instant, puis :) Ah ! Il m'est dur de punir les enfants, même lorsqu'ils sont bien polissons ! La nuit de Noël n'est pas la nuit des punitions ! (Un temps) Soit ! je donnerai une poupée à Liliane... et à Maurice son train électrique ! (Il va déposer des jouets sur chaque paire de souliers ; puis il revient vers le lit et s'empare du réveille-matin). Mais j'emporte le réveil !... Oui, Liliane ! Il sera le gage de ta bonne conduite ! (Le Père Noël écrit sur son calepin... déchire la page sur laquelle il a écrit... et la pose sur le guéridon). Et voilà quelques explications qui t'aideront à comprendre ce qui s'est passé cette nuit ! (Il s'éloigne vers la porte. Fausse sortie). Au revoir, Liliane ! À l'année prochaine ! (Il sort).
RIDEAU
TROISIÈME TABLEAU
(Le lendemain matin. Au lever du rideau. Liliane est toujours couchée. Elle dort. Soudain, la pote s'ouvre et les autres enfants, tout habillés et ayant déjà fait leur toilette, entrent en coup de vent. Ils s'arrêtent devant la cheminée et contemplent les cadeaux du Père Noël. Maurice prend le paquet déposé sur ses souliers).
Maurice. - Mon train électrique ! Mon train électrique !... Le Père Noël me l'a bien apporté. Vive le Père Noël !
Huguette (prenant le paquet qui la concerne). - Oh ! Regardez comme j'ai un gros colis !
Martine (même jeu). - Et moi donc ?
Jeannot et Jacques (même jeu). - Nous aussi !
Maurice. - Et Liliane ?
Jeannot (allant vers le lit). - Elle dort !... Oh ! elle dort ! Ne vous avais-je pas dit elle ne se réveillerait pas ?
Maurice. - Tu n'en sais rien si elle ne s'est pas réveillée ?