PIECES DE THEATRE POUR ENFANTS.
LES FILLES DE LA ROCHELLE
Fantaisie musicale sur le thème d'une chanson populaire
par Raymond RICHARD
PERSONNAGES
LES FILLES DE LA ROCHELLE, en nombre illimité ;
MARYVONNE ;
ANNAÏK ;
LE CAPITAINE ;
YVON, le petit mousse.
La scène représente le pont d'un navire. On créera aisément l'atmosphère en tendant un vieux drap ou une nappe blanche en guise de voile. Une échelle couchée simulera le bastingage. Cordages, échelle de corde achèveront de situer la scène. Toile de fond bleue figurant le ciel : tenture ou chassis recouvert de papier sur lequel on pourra peindre à la gouache de légers nuages et des oiseaux.
Au lever du rideau, les filles de La Rochelle, costumées en marins et penchées au bastingage, agitent leur mouchoir en direction d'un quai imaginaire. En coulisse, le choeur chante.
SCÈNE I. - Les filles de La Rochelle
LE CHŒUR (à la cantonade)
Sont les fill's de La Rochelle,
Qu'ont armé un bâtiment (bis)
Pour aller faire la course
Par-delà les océans.
LES FILLES DE LA ROCHELLE (chantant, agitant leur mouchoir)
Ah ! la feuille s'envole au vent !
Ah ! la feuille s'envole, s'envole,
(Elles crient). Adieu Maman ! adieu Anne-Marie ! adieu La Rochelle ! Adieu !...
MARYVONNE (tristement) - Adieu, mon beau pays !
(Elle quitte le groupe bruyant qui continue à crier et vient s'asseoir, à l'avant-scène, sur un paquet de cordages. Elle contemple une rose blanche qu'elle tient à la main).
Adieu, Yvon, le petit mousse ! Je n'emporte de toi que cette rose blanche, cueillie dans le vieil enclos. Je te garderai même fanée, petite fleur, en souvenir du cher compagnon de mon enfance. Ah ! pourquoi ne m'as-tu pas suivie ? (Elle s'essuie les yeux).
ANNAÏK (s'approchant) - Comment, Maryvonne, tu pleures ?
MARIVONNE - Non, non, c'est le vent qui me pique les yeux !
ANNAÏK (souriant) - C'est le vent ! Pauvre Vonnette ! Pourquoi essaies-tu de me mentir ? N'es-tu donc pas heureuse de partir avec nous pour le plus beau des voyages ? Les Îles sous le vent ! Quel rêve !
MARYVONNE - Si, bien sûr, je suis heureuse puisque j'ai accepté de vous suivre dans cette folle aventure. Mais on ne quitte pas ainsi son pays sans un déchirement.
ANNAÏK (malicieuse) - Son pays ! hum !... et surtout Yvon, le petit mousse !
MARYVONNE (piquée) - Il n'est pas question d'Yvon ! Je te prie de ne pas me parler de lui !
ANNAÏK - Bon, bon, ne te fâche pas ! (Elle lui pose tendrement la main sur l'épaule). Voyons, Maryvonne, chasse ces pensées mélancoliques pour être tout entière à la joie du voyage. Regarde notre bateau. N'est-il pas magnifique ?
(Chantant)
La grand' voile est en dentelle,
La misaine en satin blanc (bis)
Et la coque est en bois rouge
Travaillé fort proprement.
LES FILLES DE LA ROCHELLE (toujours appuyées au bastingage, chantent le refrain)
Ah ! la feuille s'envole, etc...
MARYVONNE - Je n'ai jamais vu, il est vrai, un aussi beau navire !
ANNAÏK - Et l'équipage, Maryvonne ? (Montrant les filles accoudées au fond) Que dis-tu de l'équipage ?
MARYVONNE (chantant) -
L'équipage du navire
C'est tout filles de quinze ans (bis)
Le capitaine qui les commance
Est le roi des bons enfants.
LES FILLES DE LA ROCHELLE (chantant)
Ah ! la feuille s'envole, etc...
ANNAÏK - Quand on parle du loup, il sort du bois. Le voici justement notre bon capitaine !
(Le capitaine, pipe aux dents, casquette de vieux loup de mer, paraît à gauche).
SCÈNE II. - Les mêmes - le capitaine.
LE CAPITAINE (Il siffle longuement et tempête avec une rudesse pleine de bonhomie). - Rassemblement !... (Toutes les filles accourent et se placent sur deux rangs, parallèlement à la rampe, figées dans un garde-à-vous impeccable). Mille pipes en terre ! Qui est-ce qui m'a flanqué un équipage pareil ! Le mauvais temps se prépare. Il faut veiller à la manoeuvre. Que tout le monde regagne son poste ! Allez, rompez ! (Il siffle et tout l'équipage s'égaille parmi les voiles et les cordages. Seule, Maryvonne demeure. Elle s'approche du bastingage, serrant toujours sa rose entre ses doigts. Le capitaine a disparu en grommelant : "Mille pipes en terre... Mille pipes en terre !")
SCÈNE III. - Maryvonne, seule.
MARYVONNE - Moi, je reste ici pour regarder la mer. Le capitaine n'en saura rien et je pourrai rêver tout à mon aise. (On entend le bruit du vent). Oh ! le vent se lève ! Il va arracher mon béret ! (En ajustant sa coiffure, elle lâche sa rose que le vent emporte dans la mer). Mon Dieu ! ma rose, ma rose blanche ! (Elle se penche sur l'eau). Elle danse, là-bas, comme un flocon de neige sur les vagues. Quel malheur ! moi qui voulais te garder jusqu'à la fin du voyage. Maintenant, il ne me reste rien, plus rien ! (Elle s'affaisse en pleurant sur le tas de cordages). Ah ! pourquoi, pourquoi ai-je accepté de partir ?
LE CHŒUR (à la cantonade)
Le capitaine en promenade
Dessus le gaillard d'avant (bis)
Aperçoit une brunette
Qui pleurait dans les haubans.
(Elles chantent le refrain sur un rythme très ralenti de complainte).
Ah ! la feuille s'envole, etc...
(Le capitaine est entré à gauche et contemple, interloqué, la fillette en larmes.)
SCÈNE IV. - Maryvonne, le capitaine.
LE CAPITAINE (Chantant) -
Qu'avez-vous gentill' brunette ?
Qu'avez-vous à pleurer tant ? (bis)
Avez-vous perdu votre mère
Ou quelqu'un de vos parents ?
LE CHŒUR (à la cantonade) -
Ah ! la feuille s'envole, etc...
MARYVONNE (D'une voix entrecoupée de sanglots et montrant la mer) -
J'ai perdu ma rose blanche
Qui s'en fut la voile au vent (bis)
Souvenir d'un petit mousse
Que j'aimais, que j'aimais tant !
LE CHŒUR (à la cantonade)
Ah ! la feuille s'envole, etc...
LE CAPITAINE - Mille pipes en terre ! Ce n'est que cela ? Ne pleure plus, gentille Maryvonne. Lève la tête, regarde plutôt la belle surprise qui s'avance.
(Yvon paraît à gauche, les bras chargés de roses blanches).
SCÈNE V. -- Les mêmes, Yvon.
MARYVONNE (se levant) - Yvon ! Je rêve ! Est-ce bien toi ?
LE CAPITAINE - Oui, c'est bien Yvon, le petit mousse qui n'a pas voulu quitter sa promise et s'est caché dans les cales pour te suivre. Ah ! le fripon ! J'avais bien envie de le jeter à la mer pour lui donner une leçon !
YVON (s'avançant vers Maryvonne) Pardonne-moi, Maryvonne, d'avoir désobéi au règlement. Je t'apporte des roses blanches pour remplacer celle qui le vent a emportée. Elles viennent aussi de La Rochelle. Accepte-les, Maryvonne ! Dans leur fragile corolle de neige, j'ai mis tout l'amour que j'ai pour toi !
MARYVONNE (prenant la gerbe) - Merci, Yvon, merci... Oh ! que je suis heureuse ! Mon capitaine, vous permettez que je l'embrasse ?
LE CAPITAINE - Mille pipes en terre ! Bien sûr que je permets ! Embrassez-vous, mes enfants ! Embrassez-vous ! Nous vous marierons en arrivant aux Îles du Soleil ! Mille pipes en terre ! Ce sera une belle noce !...
(Toutes les filles sont revenues à pas de loup et sont maintenant réunies autour des trois personnages).
SCÈNE VI. -- Toute la troupe.
LE CAPITAINE - Et maintenant, les enfants, chantons tous pour saluer l'union de ces deux polissons ! Un, deux ! en avant les choeurs !
TOUS (chantant)
Sont les fill's de La Rochelle,
Ont armé un bâtiment (bis)
Pour aller faire la course
Par-delà les océans.
Ah ! la feuille s'envole...
etc...
Et comme dans les histoires
Tout finira gentiment
Par un joyeux mariage
Dans les Îles sous le vent.
Ah ! la feuille s'envole...
etc...
Et tandis que Maryvonne et Yvon se prennent par le bras, sous les yeux attendris du capitaine, lentement, tombe le
RIDEAU
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