PIECES DE THEATRE POUR ENFANTS.
Les Facéties de Cloclo
Raymond RICHARD
LE PARAPLUIE DE FERME L'ŒIL
SCÈNE COMIQUE
POUR GARÇON OU FILLETTE
EN MARGE D'UN CONTE D'ANDERSEN
DÉCOR : Un intérieur. Au fond, une fenêtre donnant sur un jardin. Porte à gauche.
CLOCLO (Au public). - Connaissez-vous Ferme l'Œil ? (Il (1) cligne de l’œil en souriant). Vous savez, Ferme l’Œil, ce vieux bonhomme que personne n’a jamais vu et qui vient chaque soir jeter du sable dans les yeux des petits enfants ?
Lorsqu'ils sont endormis, il s'approche à pas de loup de leur berceau, tenant sous chaque bras un parapluie. L’un d'eux est fait d’une étoffe magnifique sur laquelle sont imprimées toutes sortes d’images merveilleuses : celui-là est pour les enfants sages. Il l’ouvre au-dessus d’eux et, toute la nuit, ils rêvent les plus jolies histoires.
L’autre parapluie est recouvert d’une triste étoffe noire sur laquelle il n’y a rien du tout. Il est destiné aux méchants enfants. Ils font d’affreux cauchemars on bien ils dorment d’un sommeil lourd, stupide, qui ne leur laisse au réveil aucun joli souvenir.
Voilà l'histoire de Ferme l'Œil telle que me l'a contée ma bonne grand-mère. (Interpellant un spectateur) Comment, Monsieur, vous semblez incrédule ? Pourtant, je suis sûr (1), moi, que le marchand de sable existe. (Confidentiellement) La preuve, c’est que j’ai fait, il y a quelques instants, une découverte ex-tra-or-di-nai-re ! (Un doigt sur les lèvres en regardant avec méfiance autour de lui) Chut !... Vous allez voir !
(Il se dirige sur la pointe des pieds vers la porte de gauche, derrière laquelle il tire un parapluie qu'il rapporte, triomphant, au centre).
Regardez ! Voilà ce que je viens de dénicher en furetant dans le vestibule. Ce mystérieux parapluie n'appartient pas à mes parents et je ne l’ai jamais vu dans la maison. En tous cas, il n’y était pas hier soir quand je suis allé me coucher !
Alors ! D'où peut-il venir ? Vous ne devinez pas ? Voyons ! Mais c’est l'un des deux parapluies de Ferme l'Œil. Il l'aura oublié cette nuit en sortant de ma chambre. Quelle merveilleuse trouvaille, n'est-ce pas ?
(Un temps) Dites-moi, qu’est-ce que vous feriez à ma place ? Vous remettriez le parapluie à l'endroit où vous l’avez découvert pour que le père Ferme l’Œil le retrouve ce soir ?
Pas si bête ! Ce méchant pépin est responsable de tous nos affreux cauchemars. (Avec force) Il faut le détruire sans remords ! Ainsi les petits enfants n’auront plus de nuits agitées et leur sommeil ne sera peuplé, désormais, que de jolis rêves.
Alors, c'est décidé : je fais disparaître le parapluie. (Un temps) Oui, mais comment ?... Le lancerai-je dans la rivière ? Le mettrai-je en mille pièces dans le feu ou l'enfouirai-je au fond du jardin ? (Se frappant le front) Oh ! Une idée ! Si je le jetais plutôt dans le puits abandonné de la cour, personne n’ira le chercher là !... (Moqueur) Pas même le vieux Ferme l’Œil ! Vite, allons-y !
(Il se dirige sans bruit vers la fenêtre et jette un regard au dehors).
La cour est déserte. Tout va bien ! (Au public) Je puis compter sur votre discrétion, n’est-ce pas ?
(Il sort furtivement à gauche, emportant le parapluie. À peine a-t-il disparu qu'on entend en coulisse un bruit confus de voix. Exclamations de surprise et de courroux).
VOIX DE LA MÈRE. - C’est extraordinaire ! Monsieur Pinsonnet ne retrouve plus son parapluie qu’il avait déposé il y a un instant dans le vestibule ! Qui a bien pu le prendre ? (Appelant) Amélie ! Vous m'avez pas vu le parapluie de monsieur Pinsonnet ?
(Bruit confus de voix qui s'éloignent. Cloclo rentre triomphant (1) sans le parapluie).
CLOCLO. - Ça y est ! Adieu le vilain parapluie de Ferme l'Œil ! Je l’ai jeté, lesté d’une grosse pierre, au fond du puits. (Riant) Ah ! ah ! il va en faire une tête, l’homme au sable !
(Nouveau brouhaha en coulisse).
VOIX DE MONSIEUR PINSONNET (Courroucé). - Enfin, Madame, c'est tout de même fantastique. Un parapluie ne s’envole pas comme une fumée. Il faut que quelqu’un l'ait dérobé !
CLOCLO (prêtant l'oreille). - Hein ! Quoi ! Qu'est-ce qu'il dit !
VOIX DE LA MÈRE (Désolée). - Oh ! Voyons, monsieur Pinsonnet, ce n’est pas possible. Il n’y a pas de voleur dans la maison. Je suis désolée. croyez-le, désolée !... (Brusquement) Mais j'y pense ! Peut-être Cloclo pourra-t-il (1) nous renseigner. Où est-il ce garnement ?(1) (Appelant) Cloclo ! Cloclo !
CLOCLO (Pâlissant). - Eh bien ! J'ai fait du joli, moi !
VOIX DE LA MÈRE. - Cloclo ! Cloclo !
CLOCLO (Tout bas). - Que faire ? Je suis bien obligé (1) de répondre... (Haut) Je suis là, Maman !
VOIX DE LA MÈRE. -Ah ! Enfin !... Dis-moi, n’aurais-tu pas pris, par hasard, le parapluie de monsieur Pinsonnet ?
CLOCLO (Bafouillant). - Le pa... le parapluie de... Ah ! Oui, le parapluie... Si j’ai pris le parapluie ?... Euh... Non, oui, je... enfin... (À part) Aïe ! Aïe ! Quelle histoire...
VOIX DE LA MERE. - Enfin, réponds-moi : l’as-tu pris, oui ou non ?
CLOCLO (Bas). - Faut-il mentir ? Oui, ça vaudrait mieux. Oh ! Non, c'est très mal ! Allons, du courage ! (Avec difficulté) Oui, Maman... Je l'ai pris !
VOIX DE MONSIEUR PINSONNET ET DE LA MÈRE (Triomphants). - Ah ! Enfin !
VOIX DE LA MÈRE. - Je vous le disais bien, monsieur Pinsonnet, votre parapluie ne pouvait être perdu. Allons, Cloclo, dis-nous vite où tu 'as mis ?
CLOCLO (Atterré). - Oh ! la, la, la, la !
VOIX DE LA MÈRE. - Allons, Cloclo ! Réponds vite. Monsieur Pinsonnet est pressé. Où as-tu mis son parapluie ?
CLOCLO (Un silence, puis avec un grand effort). - Dans le puits Maman... (Au public) Et maintenant, sauve qui peut !
(Puis il se sauve en courant tandis que le rideau tombe).
Raymond RICHARD.
(l) En féminisant ces mots, cette scène pourra être interprétée par une fillette.
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