PIECES  DE  THEATRE  POUR  ENFANTS.

 
 

LA BONNE ADRESSE

Petite comédie enfantine, par Lina Roth

adaptation de Nadine

- PERSONNAGES -

FRANÇOIS : l0 ans,
SYLVAIN : 9 ans,
ANNIE : 8 ans,
ZÉZETTE : 6 ans,
MAMAN : une grande fille.

 

*****

 

     (La scène est dans une pièce quelconque. Au milieu, une table devant laquelle, au lever du rideau, les enfants -moins François- sont assis, face au public).


SYLVAIN : Maman a dit : pour vos étrennes, vous aurez chacun quinze euros à dépenser comme vous l'entendrez.

ZÉZETTE : Et alors, cela fait beaucoup d'argent, quinze euros ?

ANNIE : Non, ce n'est pas beaucoup.

SYLVAIN : Ce n'est pas assez. Ainsi, moi, j'aurais voulu un train électrique avec des voyageurs, des rails, des aiguilles, des gares et des garde-barrière. J'en ai vu au bazar...

ANNIE : Il coûte combien ?

     (François entre sans bruit. Il s'assoit en retrait et écoute la conversation).

SYLVAIN : Quarante-cinq !

ANNIE : Ah ! la la ! Moi j'ai vu une poupée qui me plairait beaucoup.

SYLVAIN : Oh ! toi, tu as la manie des poupées.

ANNIE : Dame ! Celle-ci est très grande, elle parle, elle marche... ce serait ma grande fille, elle m'aiderait à élever les autres et je pourrais la marier bientôt.

FRANÇOIS : Ça, c'est une bonne idée. On ferait la noce un mercredi.

ZÉZETTE : Viens vite, François, pour parler des étrennes.

     (François va s'asseoir à côté de Zézette).

FRANÇOIS : (à Annie) Elle coûte combien, cette grande fille à marier ?


ANNIE : Trente... attends... Trente-cinq euros.


ZÉZETTE : Et alors, pour quinze euros, qu'est-ce qu'on peut avoir ?

SYLVAIN : Autant dire rien.

ZÉZETTE : (Pleurnichant) Je veux pas avoir rien ; ce n'est pas assez gros. (Tous les autres rient).

FRANÇOIS : (La caressant gentiment) Pleure pas, Zézette. Tu auras beaucoup de choses, au contraire. Moi, je connais un Monsieur...

TOUS LES AUTRES : Un Monsieur ?


ANNIE : Comment s'appelle-t-il, ce Monsieur ?

FRANÇOIS : Monsieur Aristide.

ANNIE : C'est un marchand ?

FRANÇOIS : Oui, un marchand qui vend des jouets très bon marché.


SYLVAIN : Où demeure-t-il, ce marchand ?

FRANÇOIS : À Paris.

ANNIE : Oh ! alors...

FRANÇOIS : Mais on peut lui écrire et il envoie les choses. Tu reçois le colis chez toi, franco de port et d'emballage. Tu n'as pas à te déranger.

SYLVAIN : C'est incroyable.

FRANÇOIS : C'est très vrai, je l'ai lu... Regardez ce que je viens de trouver dans le grenier. (Il sort de sa poche un catalogue de jouets et le feuillette rapidement sous les yeux des enfants).

TOUS : (Émerveillés) Oh ! Le joli album !


ZÉZETTE : Les jolies images !

SYLVAIN : Et rien que des étrennes !

ANNIE : (Sévère) Oui, mais c'est défendu de chercher des choses dans le grenier.

FRANÇOIS : Je ne l'ai pas cherché, je l'ai trouvé. D'ailleurs, je le remettrai en place quand nous aurons fait notre commande. Pour commencer, regardons tout.

ANNIE : Et commençons par le commencement.

     (Tous se penchent sur le beau catalogue, feuilleté par François).

FRANÇOIS : Voici la première page.

ANNIE : (Enthousiasmée) Oh ! des poupées, des poupées, des poupées... Fais voir... Oh ! la jolie petite en chemise à dentelle !

FRANÇOIS : Regarde le prix, en dessous.

ANNIE : (Regardant le prix) Quatre-vingt-quinze euros. C'est trop cher.

FRANÇOIS : (Regardant à son tour) Quatre-vingt-quinze euros ? Pas du tout ! Quatre-vingt-quinze centimes, voilà son prix. Pas même un euro. Et regarde, il y en a de moins chères. De plus chères aussi, aux autres pages... (Il tourne une page). Celle-ci, tiens, la plus belle de toutes. Une grande poupée (il suit le texte avec son doigt) qui marche, qui parle... (à Annie) Ta grande fille, quoi !

ANNIE : (Avec émotion) Oh ! Oui, voilà bien ma grande fille.

FRANÇOIS : Neuf euros soixante-quinze.

SYLVAIN : (Battant des mains) Je l'achète ! Je l'achète ! Ah ! quel brave homme que ce Monsieur Aristide ! Tournons encore les pages.

ANNIE : Oh ! des épiceries, des bergeries, des ménageries...

SYLVAIN : Des trottinettes, des bicyclettes, des patins à roulettes... de tout, de tout ! Et à des prix... Cette petite machine à coudre : trois euros soixante-quinze. Un violon : onze euros. Des bonhommes de chocolat... Du chocolat : douze centimes la livre.

ZÉZETTE : François, qu'est-ce que c'est, cette petite bobine qu'on fait rouler sur une ficelle ?

FRANÇOIS : C'est un diabolo.

ANNIE : Je n'ai jamais vu de diabolo.

FRANÇOIS : Naturellement, puisque cela se trouve à la page des nouveautés.

ANNIE : C'est vrai !

SYLVAIN : Eh bien, nous achèterons cette nouveauté.

ZÉZETTE : (À François) Y a donc pas de nounours sur ton catalogue ?

FRANÇOIS : (Tournant une page) Regarde.

ZÉZETTE : (Tapant des mains) Oh ! tous ces nounours ! Des blancs, des noirs, des jaunes, des marrons, des grands, des petits... !

FRANÇOIS : Lequel veux-tu ?


ZÉZETTE : Je veux le plus gentil.

FRANÇOIS : (Avec autorité) C'est celui-ci, à cinq euros cinquante. Pour moi, ce sera... voyons... ah ! ce petit cinéma vendu avec trois films : douze euros cinquante-cinq.

SYLVAIN : Nous n'arriverons jamais à dépenser nos quinze euros.

FRANÇOIS : Si, bien sûr, mais nous aurons énormément de choses.

ANNIE : Il ne faudra pas oublier papa et maman.

FRANÇOIS : Bien entendu ! Pour eux, il y a de belles étrennes utiles. Mais, pour y voir clair, commençons tout de suite notre lettre.

ANNIE : Un brouillon, d'abord.

FRANÇOIS : (Cherchant dans ses poches) J'ai un crayon, un bout de papier... Bon. J'écris : Cher Monsieur Aristide...

     (La maman entre dans la pièce).

SYLVAIN : (l'apercevant) Maman ! Maman ! nous allons avoir des étrennes ! De quoi remplir la maison !

ANNIE : Oui, Maman. François connaît un Monsieur qui vend des jouets pas chers.


MAMAN : (Étonnée) Qu'est-ce que ce Monsieur ?

FRANÇOIS : (Montrant le catalogue) Voici son adresse : Monsieur Aristide Boucicant, Grands Magasins du Bon Marché, Paris.

SYLVAIN. - Magasins du bon marché, çà, on peut le dire !

MAMAN : Je vois, François a encore fouillé dans le grenier.

FRANÇOIS . Je n'ai pas fouillé, maman, j'ai trouvé ça, tout de suite au fond de la caisse.


ANNIE : Il le remettra en place quand nous aurons fait notre commande !

MAMAN : Votre commande ! Pauvres petits bêtas ! Savez-vous de quelle année date ce catalogue ? Regardez... là... sur la couverture.

ANNIE, FRANÇOIS et SYLVAIN : (Lisant avec un ensemble parfait) Étrennes 1999.

FRANÇOIS : Ah ! je comprends ! Tout cela est changé aujourd'hui. Même à Paris...

MAMAN : Tu peux le croire.


ANNIE : Ah ! Maman, c'est bien dommage !

MAMAN : Oui, c'est bien dommage. Il faut vous résigner à n'être pas riches du tout avec vos quinze euros, et penser que, pour vos parents, cela représente encore un lourd sacrifice.

ANNIE : (Après réflexion) Maman, j'ai une idée. Garde ton argent, tu en as besoin.

LES DEUX GARÇONS : c'est vrai, Maman.

ANNIE : Et pour nos étrennes de ... (indiquer l'année), donne-nous plutôt...

MAMAN : Quoi donc ?

ANNIE : Ce beau catalogue de 1999.


LES DEUX GARÇONS : Oh ! oui, Maman ! Oui, Maman !

ZÉZETTE : (Pleurnichant) mais moi, j' veux pas un nounours en papier.

MAMAN : Je t'en ferai un vrai, en étoffe.

FRANÇOIS : Il y a du velours blanc, au grenier.

 

- RIDEAU -
 


TOUS DROITS RÉSERVÉS. — Toute représentation, même gratuite, de cette pièce, doit faire l'objet d'une autorisation préalable, de la SOCIÉTÉ DES AUTEURS DRAMATIQUES, 11, rue Ballu, Paris (9e).

http://www.sacd.fr/Demande-d-autorisation-pour-les-exploitations-amateur.204.0.html


 


 

 



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